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Mort de Naomi : ce que l’on sait

Que s'est-il passé le 29 décembre 2017 dernier à Strasbourg, cette journée ponctuée par la mort de Naomi, jeune mère de famille, décédée quelques heures après avoir demandé de l'aide au Samu ? 

Que s'est-il passé ?

Ce jour-là, la mère de famille, âgée de 22 ans, appelle le Samu, pour d'importantes douleurs abdominales, comme le rapporte France 3. L'opératrice qui reçoit son appel lui conseille de joindre S.O.S médecins. Mais le service médical à domicile d'urgence renvoie finalement la jeune femme vers le Samu.

D'après France 3, «lorsque les secouristes arrivent chez elle, la jeune femme de 22 ans est toujours consciente, mais son état se dégrade fortement et rapidement.» Son coeur s'arrête de battre une première fois au Nouvel hôpital civil (NHC) où elle est transportée. Transférée vers le service de réanimation, elle décède finalement autour de 17h30.  

En plus de ne pas avoir pas pris l'état de Naomi au sérieux, l'opératrice du Samu est soupçonnée d'avoir eu un ton très déplacé lors de sa conversation téléphonique avec la jeune femme en souffrance. Le site Heb'di a publié un enregistrement présumé de l'échange entre les deux femmes. 

Que contient l'enregistrement ?

D'après Le Monde qui a contacté l'hôpital, l'enregistrement est authentique. 

Voici la retranscription de ce qui est entendu sur l'enregistrement audio publié par Heb'di :

«Oui, allô ! - Allô... Aidez-moi, madame... - Oui, qu'est-ce qui se passe? - Aidez-moi... - Bon, si vous ne me dites pas ce qu’il se passe, je raccroche… - Madame, j’ai très mal... - Oui ben, vous appelez un médecin, hein, d'accord? Voilà, vous appelez SOS médecins. - Je peux pas. - Vous pouvez pas ? Ah non, vous pouvez appelez les pompiers, mais vous ne pouvez pas... - Je vais mourir. - Oui, vous allez mourir, certainement, un jour, comme tout le monde. - Vous appelez SOS médecins, c'est 03 88 75 75 75, d'accord ? - S'il vous plaît, aidez-moi madame... - Je peux pas vous aider, je ne sais pas ce que vous avez. - J'ai très mal, j'ai très très mal. - Et où ? - J'ai très mal au ventre (...) et mal partout. - Oui, ben, vous appelez SOS médecins au 03 88 75 75 75, voilà, ça je ne peux pas le faire à votre place. 03 88 75 75 75. Qu'un médecin vous voie, ou sinon vous appelez votre médecin traitant, d'accord? - D'accord (avec une voix très faible). - Au revoir.»

Avant cet échange, on entend une première opératrice expliquer la situation à sa collègue en se moquant de la jeune femme : «La dame que j’ai au bout du fil, elle a appelé la police», soupire la collègue. «C’est parce qu’elle a la grippe, c’est ça ?», lui répond l'opératrice avant de prendre l'appel de Naomi. «Elle m’a dit qu’elle va mourir. Et ça s’entend, qu’elle va mourir.» Des rires ponctuent l'échange entre les deux femmes.

Que dit l'hôpital ?

La direction des hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui a pris connaissance de l'enregistrement audio sur Heb'di le 27 avril, a publié un communiqué daté du 3 mai. 

Les hôpitaux ont affirmé qu'ils «s’(associaient) à la peine de la famille et des proches de la patiente et leur (présentaient) leurs sincères condoléances». La direction a également indiqué avoir diligenté une enquête administrative afin de «faire toute la lumière sur les faits relatés dans l’article». 

De quoi Naomi est-elle morte ?

Le rapport de l’autopsie pratiquée sur la dépouille de Naomi Musenga, victime de dysfonctionnements dans sa prise en charge par le Samu, indique que la jeune femme a succombé à un syndrome de défaillance multiviscérale (SDMV) sur choc hémorragique.

En clair, plusieurs organes de Naomi se sont arrêtés de fonctionner dans un laps de temps rapide. Plusieurs causes peuvent expliquer le déclenchement du SDMV : état de choc, infection, brûlure, anorexie, intoxication, maladie métabolique…

Comment réagit la famille de Naomi ? 

La mère de la jeune femme a fait part de sa colère mercredi matin sur Europe 1. «Je les attends, qu'ils viennent m'expliquer pourquoi. Que l'équipe médicale ait une autre façon de parler. J'aimerais qu'elle me réponde, qu'est-ce qu'il s'est passé ? On la renvoie vers SOS Médecins, pourquoi ? On doit destituer les gens qui font ça», s’est exprimée avec émotion Babeline, aide-soignante de profession.

La famille de Naomi avait pu accéder à l’enregistrement de la conversation téléphonique entre la jeune femme et le Samu avant qu'il ne soit révélé au grand public fin avril.

Ses proches déposeront une plainte «en bonne et due forme». «Elle sera déposée aujourd'hui ou au plus tard vendredi, jeudi étant férié», a déclaré un des avocats de la famille.

Qu'est-il arrivé à l'opératrice du Samu ?

Le directeur des hôpitaux universitaires de Strasbourg, Christophe Gautier, a annoncé avoir suspendu à titre conservatoire l'opératrice du Samu qui avait reçu l'appel de Naomi Musenga.

«J'avais déjà procédé à son affectation à un autre service le 2 mai, mais je n'avais pas encore procédé à son audition. C'est chose faite depuis avant-hier, dans le cadre de la procédure d'enquête administrative ouverte après les révélations d'Hebdi», a-t-il confirmé à France Info.

Que dit le gouvernement ? 

La ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui a également diligenté une enquête administrative, s'est déclarée «profondément indignée» et a dénoncé de «graves dysfonctionnements» dans un tweet publié mardi.

Mercredi, elle a affirmé au micro de CNEWS qu'il y avait notamment un «problème humain» en évoquant la conversation téléphonique entre l'opératrice du Samu et Naomi. 

«Est-ce que c'est lié au fait que le Samu était débordé ce jour-là ?», s'interroge Agnès Buzyn, avant de conclure : «le rapport d'inspection nous le dira».

La ministre a annoncé qu'elle recevra les médecins urgentistes la semaine prochaine.

Que dit la justice ?

Le parquet de Strasbourg a annoncé mercredi l'ouverture d'une enquête préliminaire pour faire la lumière sur le décès de Naomi

«J'ai ouvert une enquête préliminaire du chef de non-assistance à personne en péril et en ai confié l'exécution aux services de la Direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) Grand Est», a indiqué la procureure de la République, Yolande Renzi, dans un communiqué.

«Ce que l'on souhaiterait, c'est qu'au-delà de l'enquête préliminaire (ouverte mercredi par le parquet de Strasbourg, NDLR) il y ait une information judiciaire qui soit ouverte», a par ailleurs souligné l'avocat de la famille de Naomi qui a annoncé qu'elle déposerait plainte.

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