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La semaine de Philippe Labro : des images insignifiantes, des mots indispensables

«Ce rendez-vous mondial possède tous les ingrédients d’un roman à plusieurs chapitres, une pièce de théâtre à plusieurs actes», écrit Philippe Labro. [GERARD JULIEN / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

JEUDI 14 JUIN

La Coupe du monde de football 2018 a donc commencé hier. Ah ! bon, vous ne le saviez pas ? On ne parle que de cela, ou presque. Selon un sondage, six Français sur dix vont la suivre. J’admets que je me compte parmi eux, mais j’avoue que, depuis quelques jours, j’ai atteint un stade de saturation, celle du superficiel érigé en essentiel médiatique. Les chaînes d’info, à l’unisson, nous ont abreuvés d’événements considérables.

Par exem­ple, l’avion… Oui, l’avion des Bleus. Rendez-vous compte : il a décollé. Quelle info, quel exploit ! Et voilà que des reporters filment cet appareil qui décolle et qu’ils vont filmer, avec d’autres, son arrivée à Moscou. Oui, oui, bonnes gens, l’avion a atterri ! Quel scoop ! Quel enrichissement de notre savoir, de notre connaissance du monde ! A ce point d’irritation, j’ai même eu la tentation d’écrire une chronique consacrée à cette soumission médiatique à l’anecdote. Fallait-il demander si Pogba s’était bien lavé les dents ce matin-là ? Giroud se faisait-il tailler la barbe ou bien avait-il recours à sa propre dextérité ? Mendy était-il allé à la selle à la bonne heure et son transit intestinal rassurait-il le staff médical ? Griezmann avait-il bien mangé ses céréales ? Enfin, à quelle heure partirait le bus pour l’entraînement, et à quelle heure reviendrait-il, et y avait-il des caméras pour filmer ces deux moments dramatiques ?

Je me suis arrêté là : dérision et ironie sont vaines, puis­que je fais partie des six Français sur dix, et qu’il est trop facile de ricaner quand on sait, en réalité, que ce rendez-vous mondial possède tous les ingrédients d’un roman à plusieurs chapitres, une pièce de théâtre à plusieurs actes, avec un final, attendu ou inattendu, qui aura des répercussions sur l’inconscient collectif des nations pendant des années.

Prenez le phénomène de 1998 – cette génération des Zidane, Thuram, Deschamps, Lizarazu et autres –, regardez comment, depuis quelques jours, sur toutes les chaînes, en particulier TF1, on a redécouvert ce qui a fait le triomphe de l’époque, la bonne étoile des Bleus, un certain 12 juillet 1998. On se surprend, à nouveau, à respecter Aimé Jacquet, qui fut le coach gagnant – méthodique, calme, pesant ses mots, se remémorant les états d’âme de chacun, carnet de notes à la main, discipliné, travailleur, modeste et cependant orgueilleux. Jacquet, une représentation parfaite d’un caractère au service d’une cause.

VENDREDI 15 JUIN

Cela fait quelque temps que je ne vous ai pas parlé de livres – souvent écrits par des confrères. En voici deux :

- Pour mémoire, d’Alain Genestar (éditions Grasset), qui retrace le voyage qu’il fit en décembre 2001, au côté de Simone Veil, à Auschwitz-Birkenau. Soixante-dix pages sincères et pro­fondes, qui permettent, une fois encore, de se souvenir de la grande dame, disparue il y a un an.

- Requiem pour un chat, d’Olivier Bellamy (éditions Grasset). Toutes celles et tous ceux qui écoutent Radio Classique connaissent le rendez-vous quotidien de Bellamy. Il sait entrelacer ses entretiens avec de la musique. Eh bien, Bellamy aime aussi les chats – son chat, en réalité, sa chatte, Margot – dont il raconte avec tendresse la maladie, puis la mort : «mon ange part comme il a vécu…» Le long de ce récit, il nous ouvre les secrets de sa propre vie, ses différences, sa culture si éclectique (ça va de Sheila à Glenn Gould), sa délicatesse, sa sensibilité. Paru en février, ce très beau livre va vous attendrir et vous surprendre.

D’autres livres suivront, avant l’arrêt de cette chronique (pour cause de vacances) et après que nous soyons guéris de la Coupe du monde – maladie, ma foi, fort peu dangereuse.

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