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Affaire Benalla : ce qu’il faut retenir de son entretien au Monde

Alexandre Benalla a accordé un entretien au journal Le Monde. Il y revient sur différents éléments de l’affaire qui secoue actuellement la présidence de la République, de son recrutement auprès d’Emmanuel Macron, à son comportement lors de la manifestation du 1er mai.

Son recrutement

Alexandre Benalla raconte que c’est l'un de ses amis qui l’a informé du fait qu’Emmanuel Macron allait se lancer dans la bataille pour l’élection présidentielle, durant l’été 2016. À cette époque, «après sa démission, le 30 août, le gouvernement lui refuse de pouvoir conserver ses officiers de sécurité». Il fait alors parler son expérience et ses compétences, qu’il a acquises auprès d’Eric Plumer, qui l’a «formé» et lui a «tout appris» lorsqu’il a été membre du service d’ordre du parti socialiste, entre 2009 et 2012. Alexandre Benalla intègre donc En Marche, où il s’«oriente vers de nouvelles fonctions : directeur de la sureté et de la sécurité du mouvement». À ce moment ses fonctions consistent principalement «en de l’organisation pure et simple, car les gens d’En Marche! sont inexpérimentés».  

Une fois Emmanuel Macron élu, Patrick Strozda, directeur de cabinet du nouveau président de la République vient trouver Alexandre Benalla. Il lui explique alors que Benalla a été recommandé par «le chef», et souhaite lui proposer quelque chose. Quelques jours plus tard, Strozda le convoque : «il me dit : "vous avez un profil de sécurité, on m’a dit que vous étiez un génie de l’organisation, je vous vois bien à la chefferie de cabinet, ça vous va ? "». Alexandre Benalla entre alors «officiellement avec le titre de chargé de mission auprès du chef de cabinet du président de la République», pour «un contrat sur la durée du mandat, donc cinq ans, rémunéré 6.000 euros net», soit «le salaire de tous les chargés de missions».

Le port d’arme

C’est l’une des informations qui a le plus fait polémique dans cette affaire : Alexandre Benalla disposait d’un permis de port d’arme, et était donc armé. Dans cet entretien, il explique comment il a pu obtenir un tel permis. Après une première demande, refusée, à la fin de l’année 2017, Alexandre Benalla met l’accent sur le fait qu’il est en charge de la sécurité du QG de campagne d’En Marche. Il obtient alors l’autorisation, de la Préfecture de police, de détenir des armes, «des Glock 17, de mémoire», mais seulement dans le bâtiment.

Une fois en poste à l’Elysée, Benalla fait une nouvelle demande «auprès du ministre de l’Intérieur». Cette nouvelle demande est à nouveau refusée «car, d’un point de vue administratif», la demande précédente est «encore en cours d’étude». Alexandre Benalla découvre alors qu’il est possible de «faire la demande en passant par le cabinet du préfet de police, par la voie hiérarchique, c’est-à-dire Patrick Strozda. Ce dernier transmet la demande, sans l’appuyer. «Après enquête, et considérant que ma fonction est exposée, on m’autorise à acquérir un Glock et à le détenir dans le cadre de ma mission».

Alexandre Benalla assure avoir les compétences pour porter une arme. Ainsi, il est inscrit «dans un club de tir depuis des années», et est «réserviste de la gendarmerie». À ses yeux, «il n’y a pas d’amateurisme là-dedans, au contraire».  

Que s’est-il passé lors de la manifestation du 1er mai ?

Alexandre Benalla assure ne pas avoir demandé à être observateur. Selon lui, l’initiative vient de Laurent Simonin, chef d’état-major à la Préfecture de police, qui lui aurait proposé «de participer sur le terrain au service en tant qu’observateur». Simonin, avec qui il assure n’avoir que des relations professionnelles, lui aurait également demandé ses mensurations. C’est alors qu’il aurait reçu l’équipement de policier qu’il portait lors de la manifestation du 1er mai : «l’officier de liaison de l’Elysée vient deux jours avant la manifestation avec un sac qu’il me remet, avec un casque, un ceinturon de cuir, un masque à gaz, un brassard police et une cote bleue marquée police, et un grade de capitaine dessus. (…) Puis, j’ai un kit oreillette et le porte radio. On me procure ensuite des rangers et une radio». Benalla assure avoir «été surpris». Il met cependant le brassard «dans sa poche au cas où ça camphre», et prend la radio «pour savoir ce qu’il se passe».

Arrive alors le moment de la manifestation. Alexandre Benalla décrit un regroupement de «black bloc» qui «commence à se former au niveau du pont. Ils descellent les pavés, ils avancent, ils mettent feu à un Mc Do». Il assure que la scène se déroule «dans la confusion la plus totale». C’est alors qu’il aurait enfilé le brassard, à la demande d’un policier.

Les CRS qu’Alexandre Benalla accompagne arrivent alors place de la Contrescarpe. «Une cinquantaine de jeunes sont au milieu de la place». Il met son casque, sur les conseils du major de la police. Selon ses dires, les manifestants «se déchaînent, envoient des verres sur les CRS». Il compare cette scène à de la «guérilla urbaine». Il dit alors repérer «ce couple qui s’enlaçait tendrement au milieu de la place cinq minutes plus tôt». Selon lui, ils sont «les plus agités de la bande. La fille essaye de saisir une table, elle n’y arrive pas». «On les voit sur la vidéo, elle est hystérique et lui aussi».

Benalla justifie son intervention par le danger. «Ce qui se passe dans ma tête c’est : si on reste là, on va être isolés et en plus il faut donner un coup de main, on ne va pas laisser faire des délinquants». À ses yeux, l’«article 73 du Code de procédure pénale» rend son intervention légale : «tout citoyen a qualité pour appréhender l’auteur d’un délit». D’ailleurs, il estime que sa faute est une faute «politique, d’image». En d’autres termes «si je n’étais pas collaborateur de l’Elysée, je referais la même chose. Collaborateur de l’Elysée, je ne referais pas la même chose». Pour lui, «c’est une scène qui peut paraître violente, mais les policiers y sont confrontés des dizaines de fois par jour».

Que s’est-il passé après la manifestation du 1er mai ?

Une fois la manifestation terminée, Benalla remet le casque de police dans le coffre d’une voiture, et s’en va en direction de la salle de commandement de la Préfecture de Police. Dans la salle, «grosse surprise, Gérard Collomb est présent, avec le préfet de police, avec le DOPC Alain Gibelin, le cabinet du ministre, celui du préfet». Benalla assure que le ministre de l’Intérieur le connait et, à cette occasion est venu le voir, lui a serré la main, et lui a demandé ce qu’il faisait là.

Gérard Collomb part quelques instants après, mais dans la salle de commandement, les images des heurts de la place de la Contrescarpe circulent déjà sur les réseaux sociaux. «On me dit que c’est problématique (…) Moi je ne vois toujours pas ce que j’ai fait de mal, je ne comprends même pas l’ampleur que ça va prendre». Dès le lendemain, Benalla reçoit un appel de Patrick Strozda, qui lui annonce qu’il a vu la vidéo, et qu’il va prendre «une sanction» à son égard. Le directeur du cabinet le rappelle un peu plus tard pour lui annoncer qu’après concertation avec Alexis Kohler (secrétaire général de l’Elysée), Benalla écopera de quinze jours de suspension. «Je n’étais pas d’accord avec la sanction, mais je l’ai acceptée».

À son retour, après sa suspension, Benalla est reçu par Patrick Strozda et Alexis Kohler. Ils lui annoncent alors qu’il faut qu’il prenne «un peu de recul». Benalla ne comprend pas : «j’ai déjà été puni, je suis surpris (…) Je le vis comme une humiliation». Alexandre Benalla en parle même avec Emmanuel Macron, de retour d’un déplacement à l’étranger, «il m’explique que ça n’enlève pas la confiance qu’il a en moi, mais que j’ai fait une grosse bêtise».  

«Une volonté d’atteindre le président de la République» ?

Pour Alexandre Benalla, la situation est claire : l’ampleur que prend cette affaire est motivée par «une volonté d’atteindre le président de la République». «Les faits, je les assume, je ne suis pas dans la théorie du complot. Sur ce qui s’est passé après, je suis beaucoup plus réservé». Benalla se considère comme «le maillon faible, le point d’entrée pour atteindre» le président de la République.

Benalla estime également que sa personnalité, et son parcours peuvent également avoir dérangé. «Ma nomination à ce poste, ça a fait chier beaucoup de gens. Parce qu’un gamin de 25 ans, qui n’a pas fait l’ENA, qui n’est pas sous-préfet, et en plus qui dit les choses, là où il n’y a que des non-dits, évidemment, ça suscite des rancoeurs», dit-il. A ses yeux, il est victime d’un règlement de compte. «On a essayé de m’atteindre, de me tuer». Interrogé sur les gens qui pourraient lui vouloir du tort, Benalla assure qu’il «ne pense pas à Collomb», en qui il a «confiance», mais estime que des gens «qui travaillent autour de lui» auraient pu en avoir l’opportunité. Il assure également avoir «une énorme confiance» en Patrick Strozda, le chef de cabinet d’Emmanuel Macron.

Alexandre Benalla n’épargne toutefois pas les forces de police, estimant que les «syndicats de police ne disent que des conneries». Pour lui, les critiques que ces derniers lui ont adressés ne sont qu’un «moyen d’exister». Il mentionne également des tensions entre le Service de protection de la personne (SDLP) et le Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), «l’enfant terrible de l’Elysée».

Qui lui a fourni la vidéo que la justice lui reproche d’avoir détenue ?

Alexandre Benalla reste très flou sur cet aspect de l’affaire. Il explique ne pas avoir demandé cette vidéo, mais raconte qu’après la publication de l’article du Monde, il a reçu «un appel vers 22h de quelqu’un à la préfecture de police». Il refuse de donner son nom mais prétend que l’homme lui aurait proposé «la vidéo du gars et de la fille en train de jeter des projectiles sur les CRS», pour se défendre. Il assure ne pas connaître la provenance de ces images, mais raconte que «quelqu’un» est venu lui remettre un CD, vierge de toute mention de la préfecture de police. «Ce CD je ne le regarde pas, et je le remets à l’Elysée, à un conseiller communication». Il assure également que «ces images n’ont pas été diffusées».

De nombreux démentis

Au cours de cette interview, Alexandre Benalla a démenti plusieurs informations.

- À commencer par les déclarations du directeur de l'ordre public de la préfecture de police de Paris, Alain Gibelin, devant la commission d’enquête de l’Assemblée. Il avait ainsi assuré n’avoir appris la présence de Benalla à la manifestation du 1er mai que le lendemain des faits. «Ce n’est pas vrai», assure-t-il, «on a déjeuné quelques jours avant avec le général Bio-Farina (commandant militaire de l’Elysée), au 2 rue de l’Elysée». À l’issue de cette réunion de travail, Gibelin lui aurait demandé si sa présence au 1er mai était maintenue et si il «avait reçu l’équipement» qui devait lui revenir. Alexandre Benalla accuse Alain Gibelin d’avoir menti une deuxième fois, quand il a assuré l’avoir croisé lors de réunions pendant les deux semaines durant lesquelles il était suspendu. À ses yeux «il y a des gens qui pensent à leur carrière et se défaussent». Il estime qu’Alain Gibelin «s’en veut de ne pas avoir prévenu le préfet de police», mais maintient qu’il était «parfaitement au courant» de sa présence à la manifestation, mais «n’en a pas rendu compte à sa hiérarchie».

- Il assure également que Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur, qui avait affirmé ne pas connaître Alexandre Benalla, sait qu’il travaille «à la présidence de la République». Il assure que le ministre «le connaît visuellement», bien qu’il ne soit pas sûr qu’il sache quelles sont ses fonctions précises. Interrogé sur les déclarations du ministre devant la commission de l’Assemblée, Benalla «se mets à sa place». Il estime que Gérard Collomb a fait des «réponses maladroites» : «il pense que ce n’est pas sa connerie à lui, tout le monde est en train de l’attaquer».

- Au sujet de sa présence lors de la parade des Bleus et lors de l’hommage à Simone Veil, Alexandre Benalla se fait aucun mystère : «toutes les missions délicates sont pour moi». Il assure cependant qu’il ne «participe plus aux déplacements du président». Concernant la parade des Bleus, il assure ainsi qu’il a «monté les réunions préparatoires», mais qu’il n’a «pas donné l’ordre d’accélérer le rythme du bus». Il précise que sa présence avait pour but de «prévenir l’Élysée s’il y a un problème», et martèle qu’il ne «s’occupe pas des bagages des joueurs».

- Alexandre Benalla est également revenu sur la rumeur affirmant qu’il était en possession des clefs de le maison d’Emmanuel Macron au Touquet. Une information «complètement bidon» selon lui puisque ces clefs «sont à la disposition du GSPR». Il reconnaît toutefois qu’il a pu «avoir les clefs en main», mais qu’il ne les a «jamais détenues».

- Interrogé sur son logement de fonction, Alexandre Benalla confirme qu’un appartement attribué «par nécessité absolue de service» a été mis à sa disposition, à sa demande. Il assure toutefois que cet appartement fait «80 mètres carrés, pas 300 comme ça a été dit».

- Il a également confirmé être en possession d’une carte d’accès à l’hémicycle de l’Assemblée nationale, «une demande» de sa part. Il assure avoir déjà bénéficié de cet avantage «avant Macron», et assure l’avoir demandée parce qu’il «aime aller à la salle de sport de l’Assemblée».

- Enfin, comme mentionné précédemment, Alexandre Benalla a communiqué le salaire qui lui a été attribué dans ses fonctions de chargés de missions, «6.000 euros net», alors que le chiffre de 10.000 euros avait été mentionné.  

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