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Etat d'urgence dans les hôpitaux

Des soignants en colère manifestent à Paris le 6 juin 2019. [© AURORE MESENGE / AFP]

Ils ne lâchent rien. Après plus de cent jours de mobilisation dans la rue, la fièvre ne retombe pas dans les services d’urgences des hôpitaux.

Preuve d’un malaise durable, les professionnels de santé (infirmiers, aides-soignants, internes, médecins...), réunis dans le collectif «Inter-Urgences», ont lancé un nouvel appel à la grève, ce mardi 2 juillet, avec une manifestation prévue entre les ministères de l'Economie et de la Santé. Alors que leur mouvement a conduit à des «avancées» jugées encore «insatisfaisantes», les urgentistes se disent prêts à «durcir» leur lutte contre la dégradation du système de santé public. Et ce, avec le soutien de plus de neuf Français sur dix, selon un sondage Odoxa de fin juin.

Un secteur à bout de souffle

Engorgement des services, burn out et suicides de soignants, agressions, sous-effectifs, attentes interminables pour les patients, fermetures de lits... Le constat est sans appel, les urgences craquent de partout, et la canicule n'arrange rien. Si bien que la «grève illimitée» concerne dorénavant pas moins de 153 services (un chiffre en constante augmentation), certains soignants allant jusqu’à se mettre en arrêt maladie pour épuisement, afin de ne pas assurer leur garde et, ainsi, «se faire entendre».

De l’hôpital parisien Saint-Antoine à celui de Lons-le-Saunier, dans le Jura, en passant par des établissements à Vichy, Bordeaux ou Roubaix, aucune région n’est épargnée. Résultat, nombreux sont les personnels qui, pour assurer la continuité des soins, sont réquisitionnés par arrêté préfectoral ou enchaînent deux services d’affilée, ce qui est légal. «Les urgences sont devenues la Cocotte-Minute de l’hôpital», dénonce la CGT, affirmant que ce n’est que «la face visible de l’iceberg».

Les petits pansements de l'Etat

En vue d’apaiser la colère, l’Etat a sorti quelques pansements de sa trousse. La ministre de la Santé a ainsi débloqué 70 millions d’euros de mesures immédiates, dont une prime de risque de 100 euros net mensuels, versée dès ce lundi 1er juillet à tous les urgentistes hors médecins (30.000 salariés) et ambulanciers, ainsi qu’un coup de pouce pour les services «en tension». Egalement mis en avant, le projet de loi Ma santé 2022, qui prévoit l’essor de la télémédecine, la construction de centres de soins de proximité et la création du métier d’assistant médical – le tout pour libérer un maximum de temps aux urgences.

Plus récemment, l'AP-HP, berceau du mouvement de grève national, a de son côté proposé aux syndicats la création de 200 postes, ainsi qu'une enveloppe complémentaire de 30 emplois à répartir ultérieurement. Quant à l'agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France, elle a dernièrement mis sur la table cinq propositions pour «améliorer la situation» des urgences, dont un «contrat d'objectif 'zéro brancard' dans les couloirs [...] d'ici la fin de l'année», avec à la clé «une incitation financière» pour les hôpitaux.

En attente de remèdes

Reste que les gestes de l'Etat sont «une goutte d’eau dans un océan», estiment les soignants dans un communiqué. Au regard du budget hospitalier total (82 milliards d’euros en 2019), l’enveloppe octroyée par le gouvernement ne représente en effet qu’une augmentation de «0,08 %» et «une personne de plus pendant soixante jours par service», selon le collectif Inter-Urgences. Et c'est une gageure tant les carences sont béantes : selon la traditionnelle enquête pré-estivale de l'ARS francilienne, au moins 1.000 «plages de 12 heures» sont «non pourvues» en médecins – et autant en infirmières – pour juillet et août.

De quoi conforter les grévistes dans leurs revendications. Quant au projet de réforme porté par Agnès Buzyn, ils s’en méfient. «Toutes les lois santé qu’on a connues ont dégradé la situation. Il va falloir se demander si la santé est un service public ou un service marchand», s’inquiète le docteur Christophe Prudhomme (CGT) dans les colonnes du Parisien.

Pour sortir de l’asphyxie, les grévistes exigent de l’Etat, en plus de la fin de l’austérité budgétaire, des actes beaucoup plus forts. Comme la création de 10.000 postes pour les 550 urgences du pays, une augmentation des salaires de 300 euros, ou encore l’arrêt des fermetures de lits, «première des revendications», afin d’avoir «zéro brancard dans les couloirs» cet été. Sans révolution du système de santé, la saison devrait donc être mouvementée.

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