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Assurance chômage : ce qui va changer pour les demandeurs d'emplois et les entreprises

Durcissement des règles d'indemnisation, bonus-malus pour les entreprises, ouverture des droits aux démissionnaires... Le coup d'envoi de la refonte de l'assurance chômage, finalement négociée sans les syndicats faute d'accord, est donné. Une première salve de mesures va entrer en vigueur ce vendredi 1er novembre, avant une deuxième le 1er avril 2020.

Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, cette réforme se justifie, selon Matignon, par le fait que «le système actuel dysfonctionne car les règles d'indemnisation incitent trop souvent au maintien d'emplois précaires, et pas suffisamment au retour à l'emploi», comme en témoigne l'explosion des CDD de moins d'un mois, voire de moins d'un jour. Que va-t-elle changer concrètement ?

un DURCISSEMENT DES CONDITIONS D'ACCÈS

Le texte prévoit de durcir les conditions d'accès à l'assurance chômage : à compter de ce vendredi 1er novembre, il faudra avoir travaillé six mois sur les vingt-quatre derniers mois, au lieu de quatre mois sur vingt-huit auparavant.

Une mesure à impact budgétaire fort et immédiat, qui s'accompagne d'un durcissement des conditions de rechargement des droits : il faudra désormais avoir travaillé six mois (au lieu d'un seul) durant sa période de chômage pour que son indemnisation soit prolongée d'autant. Concrètement, cela vide de sa substance le principe même des droits rechargeables.

Dans les faits, la réforme devrait toucher 710.000 personnes la première année. Parmi elles, 200.000 ne pourront plus ouvrir de droits en 2020, alors que 210.000 autres les ouvriront en moyenne cinq mois plus plus tard. Dans le même temps, 300.000 individus verront leurs droits diminuer.

DES DROITS POUR LES DÉMISSIONNAIRES ET INDÉPENDANTS

Très attendue, l'indemnisation sera, dès le 1er novembre, ouverte aux démissionnaires ayant travaillé dans la même entreprise au cours des cinq dernières années. Mais sous des conditions très strictes : avoir un projet de reconversion professionnelle ou de création/reprise d'entreprise, validé au préalable par une commission paritaire (syndicats-patronat).

Une fois l'attestation obtenue, le salarié aura six mois pour déposer une demande d'allocation à Pôle emploi, qui sera chargé de contrôler la mise en oeuvre réelle du projet.

Les indépendants bénéficieront, eux, d'une allocation forfaitaire (800 euros par mois pendant six mois) en cas de liquidation judiciaire. L'activité professionnelle devra avoir généré un revenu minimum de 10.000 euros par an sur les deux dernières années avant la liquidation.

UN BONUS-MALUS CONTRE LES CONTRATS COURTS

Misant sur des «effets de comportement» qui permettront d'accélérer la baisse du chômage, la réforme prévoit l'application – dès 2021 – d'un «bonus-malus» sur les cotisations d'assurance chômage, calculé en fonction du taux de rupture de contrats obligeant à pointer à Pôle Emploi. Autrement dit : les contrats courts seront taxés davantage. Une mesure destinée, selon Matignon, à «mettre fin [à leur] recours abusif [...] qui empêchent les salariés de construire leur vie avec un minimum de sérénité».

Son application sera limitée à 7 secteurs d'activité : l'hôtellerie-restauration, l'agroalimentaire, l'eau et les déchets, la plasturgie, les transports et manutention ou encore l'industrie du bois et du papier. Mais le bâtiment et la santé, deux gros pourvoyeurs habituels de CDD, échappent à la mesure.

Le Premier ministre a également annoncé une mesure «transversale», sous la forme d'une taxe forfaitaire de 10 euros sur «les CDD d'usage», des CDD sans limitation de durée, de renouvellement, ni de prime de précarité.

La dégressivité des allocations les plus hautes

L'objectif de cette réforme est de «faire en sorte que le travail paye toujours plus que l'inactivité», selon le chef du gouvernement, qui pointe les «situations où le montant de l'allocation mensuelle du chômage est supérieur au salaire mensuel moyen perçu».

Pour enrayer cette tendance, le texte de loi va instaurer la dégressivité sur les allocations pour les plus hauts salaires, justifiée par le faible chômage des cadres (moins de 4%). Les demandeurs d'emploi qui avaient un revenu de plus de 4.500 euros brut par mois verront ainsi leur indemnisation baisser de 30% à partir du septième mois. La mesure ne concernera pas les chômeurs de plus de 57 ans et s'appliquera au-dessus d'une indemnité plancher de 2.261 euros net.

Mais pour les syndicats, tout porte à croire que la dégressivité pour les allocutions les plus confortables n'est qu'un ballon d'essai, destiné à préparer la dégressivité pour les allocations moins élevées.

un renforcement de l'accompagnement des chômeurs

Le projet de loi prévoit de renforcer l'accompagnement des chômeurs, qui est une demande récurrente des partenaires sociaux. Alors que Pôle emploi a perdu 800 postes dans le budget 2019, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a promis de recruter plus de 1.000 nouveaux conseillers.

A partir du 1er janvier 2020, seront aussi mises en place deux demi-journées d'accompagnement intensives aux personnes en recherche d'emploi qui le désirent, pendant les quatre semaines qui suivent leur inscription à l'organisme.

objectif : 7% de chômage en 2022

Exclus du processus de négociation, les partenaires sociaux, y compris les plus réformistes, n'ont pas manqué de critiquer ces nouvelles règles de l'assurance chômage. Laurent Berger (CFDT) a parlé d'une «tuerie» et considère que la réforme va créer des «drames» en jetant des chômeurs dans la pauvreté, tandis que Geoffroy Roux de Bézieux (Médef) a pointé un changement «inefficace qui découragera l'emploi» et traduit une «vision punitive» de l'économie.

De son côté, le Premier ministre a affirmé que la réforme, qui vise à économiser 3,4 milliards d'euros sur trois ans, permettrait d'atteindre l'objectif d'un taux de chômage «de l'ordre de 7% en 2022», sacro-sainte priorité du quinquennat Macron. Mais à quel prix, à l'heure de la précarisation et de l'ubérisation de l'emploi ?

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