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La semaine de Philippe Labro : La mémoire d’une nation, le souvenir d’un champion

«Le Bataclan pèse dans les mémoires et remet beaucoup de choses en place, relativise l’écume des jours», écrit Philippe Labro.[AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

MERCREDI 13 NOVEMBRE

Date terrible. Quatre ans après, qui peut oublier les attaques du Bataclan, des terrasses de café, du Stade de France ? Comment ne pas penser à ces 131 morts, ces 413 blessés, et tenter d’évaluer cette soirée, puis cette nuit, à l’aune d’autres événements de la semaine passée ? Le Bataclan pèse dans les mémoires et remet beaucoup de choses en place, relativise l’écume des jours.

Lisons et écoutons celles et ceux qui ont survécu, mais qui, dans leur corps, dans leur chair, portent parfois l’impossibilité de se reconstruire. En réalité, cette année 2015 aura été et demeurera celle de l’horreur : Charlie Hebdo, en janvier, Le Bataclan, en novembre. «Horreur», ce fut le mot prononcé par François Hollande, alors président de la République. La façon dont, aujourd’hui, à la télé, à la radio, dans la presse, l’ancien président se souvient et raconte, est exemplaire de dignité et de sobriété.

Tout chef d’Etat qui a connu le tournant inattendu de la tragédie en reste marqué. Je me demande si les pouvoirs publics ne devraient pas concevoir, comme le font les Américains, à New York, chaque 11 septembre, une sorte de journée plus nationale, plus officielle, le jour du recueillement.

En tout état de cause, reparler du Bataclan et revivre les chocs, les miracles comme les fatalités (ceux qui survécurent, ceux qui périrent), n’a rien de négatif ou de complaisant. Cela me paraît nécessaire.

Ce même mercredi, on apprend la disparition de Raymond Poulidor. La carrière et la personnalité de ce cycliste auront fait entrer son nom dans la culture générale de notre société.

Il avait gagné plus de courses que l’on ne croit, il avait été «premier» à plusieurs reprises, et, néanmoins, son nom restera associé à la notion d’«éternel second» – le modeste, le non-flamboyant, la non-star par excellence. Et, dans un pays qui, dans son inconscient collectif, se méfie des étincelants et préfère les laborieux, «Poupou» est devenu un symbole, il a pénétré notre langage. Une sorte de référence.

JEUDI 14 NOVEMBRE

Un petit groupe d’amis américains est de passage à Paris. Leurs interrogations et constatations sont instructives. Ainsi :

– Votre ville est une offre permanente et multidiverse. En quelques jours, nous avons pu voir l’expo Léonard de Vinci, au Louvre, celle de Degas à l’Opéra, à Orsay, celle de Charlotte Perriand, à la Fondation Louis-Vuitton, et aussi Paris-Photo, au Grand Palais. Et puis Mondrian, à Marmottan, Van Gogh, à l’Atelier des Lumières. Toulouse-Lautrec, aussi. Et Le Greco ! Et Bacon, à Pompidou. Non mais, rendez-vous compte, quelle chance vous avez !

Ce à quoi, je réponds :

– Vous n’êtes pas trop mal lotis à New York avec le nouveau MoMA et toutes les autres innovations de votre Grosse Pomme – célébrée dans le Dictionnaire amoureux de Serge July (éd. Plon).

Après les compliments, viennent les questions un peu critiques :

– Qu’est-ce qui fait que certains quartiers, certaines rues, soient si sales ?

– L’incivisme, chers amis, l’incivisme.

– Qu’est-ce qui fait qu’on ne peut pas circuler de façon très limpide ?

– Les travaux, voyons, les travaux !

– Oui, oui, mais dites-moi, ça va durer encore longtemps ?

– Je l’ignore. Parlez-moi plutôt de votre Donald Trump. Les auditions dans le cadre de la procédure de destitution démarrent. Que va-t-il en sortir ?

– Devinez, mon vieux, devinez ! Il ne sera évidemment pas destitué, donc il aura l’occasion de se figer à la fois dans la posture d’une victime et, aussi, d’un vainqueur.

– Vous le voyez réélu ?

– On ne voit rien, cher ami français, c’est beaucoup trop tôt. En tout cas, merci à Paris, ça a été formidable.

On s’est dit au revoir sur cette phrase d’Alphonse Karr : «Le vrai Parisien n’aime pas Paris, mais il ne peut vivre ailleurs.»

 

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