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Des milliers de respirateurs fabriqués dans l'urgence inadaptés aux malades du Covid-19 ?

Au moins 8.500 appareils sont concernés. [PHOTO D'ILLUSTRATION / RONNY HARTMANN / AFP].

La majorité des respirateurs produits dans l'urgence par les entreprises françaises pour traiter les malades du Covid-19 pourraient être inadaptés, voire inutilisables. C'est du moins ce qu'affirme une enquête de la cellule investigation de Radio France, rendue publique ce jeudi 23 avril.

La commande avait été lancée le 31 mars dernier et annoncée par le président de la République en personne.

En visitant une usine de fabrication de masques près d'Angers, Emmanuel Macron, affirmant vouloir «rebâtir» l'indépendance économique de la France, avait annoncé la constitution d'un consortium purement tricolore, afin d'accroître, en un temps record, la production nationale de respirateurs, équipements indispensables pour soigner les malades du Covid-19 hospitalisés en soins intensifs pour détresse respiratoire.

Autour du géant gazier Air Liquide, unique fabricant français de respirateurs, se sont ainsi alliés d'autres fleurons industriels hexagonaux tel PSA ou Schneider Electric. 

L'objectif est alors clair : fabriquer 10.000 équipements dans l’Hexagone d’ici à la fin du mois de mai. Mais à mi-chemin, le calendrier semble bien mal engagé.

Au moins 8.500 appareils concernés

Selon nos confrères, les modèles de respirateurs produits dans l'urgence pour ventiler les patients gravement atteints du coronavirus pourraient en effet s'avérer inadéquats, voire inutilisables. 

Dans son enquête Radio France explique en détail que, pour pouvoir répondre à la demande, Air Liquide a proposé au gouvernement d'augmenter sa production d'un modèle spécifique, le T60, conçu à l'origine pour le transport des malades, mais qui, selon le fabricant, peut s'adapter aux services de réanimations.

Or, toujours selon franceinfo, le modèle de respirateurs T60 aurait été finalement trop complexe à assembler, ce qui a conduit Air Liquide a proposé à l'Etat de produire en masse un autre modèle, baptisé Osiris 3 celui-ci, et qui a l'avantage de nécessiter moins de composants.

Au total, 8.500 respirateurs Osiris sont donc lancés, contre seulement 1.600 T60. Seulement voilà, Osiris pourrait bien être inadapté à la réalité des services de réanimation.

Pire, selon certains médecins interrogés par Radio France, ce ventilateur, indiqué comme un appareil de transport «léger et simple d'utilisation», ne conviendrait tout simplement pas à soigner les patients gravement malades du Covid-19.

Un risque de tuer un patient «en trois jours»

«Ce n'est clairement pas un respirateur adapté à la prise en charge d'une détresse respiratoire aiguë compliquée», affirme en ce sens à franceinfo Philippe Meyer, médecin-réanimateur à l'hôpital Necker à Paris.

«Si vous vous en servez pour un syndrome respiratoire aigu, vous avez un risque de tuer le patient au bout de trois jours. Parce que ce n'est pas fait pour ça», alerte même un anesthésiste réanimateur, Yves Rebufat, qui exerce au CHU de Nantes (Loire-Atlantique). 

De son côté, Air Liquide indique néanmoins que ce modèle peut être «adapté en réanimation moyennant des procédures (données) aux soignants», et précise que le National Health Service, le système de santé britannique, a validé ce modèle pour traiter les patients Covid.

Le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances et responsable du projet, se défend également et indique que «se posait la question de produire en un temps record dans un contexte où les chaînes logistiques sont fortement impactées par le ralentissement de l'économie».

L'Etat cherche à éteindre l'incendie

Un argument qui, au vu des nombreux commentaires produits sur les réseaux sociaux, semblaient toutefois bien avoir du mal à convaincre. S'en est ensuite suivi, en fin de matinée ce jeudi 23 avril, une communication officielle et conjointe du ministère de la Santé et celui de l'Economie, dans le but d'éteindre l'incendie.

Ce communiqué explique ainsi que la commande passée à Air Liquide constituait «la meilleure solution disponible pour garantir la capacité à armer des lits dans un contexte où tous les pays du monde tentaient d’accroître leurs stocks de respirateurs.»

L'Etat assure enfin que «d’ici la fin du mois de juin, la France devrait disposer de 15.000 respirateurs de réanimation, et de 15.000 autres respirateurs d’urgence et de transport, soit une quantité supérieure aux besoins exprimés et anticipés».

A l'heure où le pays s'apprête, le 11 mai prochain, à sortir du confinement de façon graduée et que se pose la question d'une éventuelle «deuxième vague épidémique», reste donc à savoir si cette promesse sera suivi d'effets et, surtout, si sur le terrain, ils seront jugés par les soignants comme réellement adaptés.

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