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Paris : un match retour Hidalgo-Dati-Buzyn déséquilibré

Les trois favorites sont dans des situations bien différentes.[© Bertrand GUAY / POOL / AFP]

Après de multiples péripéties, le second tour des municipales à Paris se déroulera finalement bien en présence d'Anne Hidalgo, de Rachida Dati et d'Agnès Buzyn. Mais à l'issue de la tempête coronavirus, les trois favorites reprennent la campagne dans des situations totalement différentes.

A l'approche de l'ultime bras de fer, le rapport de force est clairement favorable aux candidates PS et LR. Pendant la crise du coronavirus, «Anne Hidalgo et Rachida Dati ont été très visibles. La première a fait le travail, et la seconde était très présente en critique et pour agir dans le 7e arrondissement. En quelque sorte, elles ont continué à faire campagne sous une autre forme. A l'inverse, il y a eu un blanc total pour Agnès Buzyn. Cela va être plus dur pour elle de redémarrer», estime pour CNEWS Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop.

Reste à voir comment sera reçu l'argument de l'ex-ministre de la Santé, qui dit en substance avoir préféré soigner les malades plutôt que faire de la politique. Dans tous les cas, «le Covid-19 va parasiter sa campagne. Comment pourra-t-elle faire pour développer son récit, alors qu’il y a un risque de rejet de sa personne ? Beaucoup de Parisiens voudront sans doute lui faire payer son départ du gouvernement et ses déclarations» sur la «mascarade» des élections, anticipe Frédéric Dabi.

Le retour du clivage gauche-droite

Surtout que si Agnès Buzyn persiste dans une troisième voie entre Anne Hidalgo et Rachida Dati, cet espace semble politique semble très étroit. Depuis le début, la candidature LREM, prise en étau par le retour du clivage gauche-droite, peine à définir un projet qui se démarque vraiment.

«C'est le risque quand on veut incarner une voie médiane. En 2007, François Bayrou avait réussi à rassembler les déçus de Ségolène Royal et ceux qui craignaient Nicolas Sarkozy. Mais Agnès Buzyn a du mal à proposer une offre originale pour trouver sa place entre le programme écolo-social d'Anne Hidalgo et la sécurité-remise en ordre de Rachida Dati», analyse Frédéric Dabi.

Dans l'entourage d'Anne Hidalgo, on n'est guère inquiet du retour de la candidate LREM : «c'est une armée qui repart au combat avec un général démotivé et des troupes dispersées». Avant de préciser plus sérieusement : «Ce qui va profiter à Anne Hidalgo, ce n'est pas la situation des autres, c'est sa dynamique de premier tour et sa capacité de rassembler au deuxième».

Anne Hidalgo en position favorable

Car avec son avance confortable à l'issue du premier tour (29 %, contre 22 % pour la candidate LR et 17 % pour LREM), la socialiste semble très bien partie pour se succéder. Ses têtes de liste sont en effet arrivées en tête dans neuf arrondissements, souvent avec une bonne avance, et surtout dans les plus importants : 11e, 12e, 13e, 14e, 18e, 19e et 20e. Le seuil de la majorité à 82 conseillers de Paris sur 163 a donc de grandes chances d'être atteint.

A l'inverse, la droite n'est sortie en tête que dans six arrondissements, dont seuls trois pèsent vraiment : les 15e, 16e et 17e. Sans que cela ne décourage en apparence l'entourage de la candidate LR : «plus de 70 % des électeurs n'ont pas voté pour Anne Hidalgo au premier tour. Les Parisiens sont majoritaires à vouloir un changement», rétorque Nelly Garnier, la directrice de campagne de Rachida Dati.

Reste que l'ancienne Garde des Sceaux est dos au mur. «A l'inverse d'Anne Hidalgo, Rachida Dati n'a pas de réserve de voix pour ce second tour», note Frédéric Dabi. Une situation qui pourrait donc pousser à un rapprochement entre opposants à la maire sortante, seule configuration possible pour espérer la faire tomber de son fauteuil.

Des discussions LR-LREM

«Nous sommes prêts à faire ouverture vers tous ceux qui sont veulent battre la maire sortante», entrouvre Nelly Garnier. Toutefois, selon elle, «s'il devait y avoir un accord, ce ne serait pas pour sauver un maire d'arrondissement individuellement ou pour minimiser l'échec d’une famille politique, mais pour sauver Paris».

La preuve : les négociations macronistes-républicains dans le 5e arrondissement «sont au point mort», révèle la directrice de campagne de Rachida Dati. La maire sortante, Florence Berthout, ancienne patronne des Républicains à Paris passée chez LREM, est sortie en tête (28 %) au premier tour mais talonnée par Marie-Christine Lemardeley (PS, 25 %). Elle espérait donc assurer son élection en contactant son ancien camp. En vain, pour l'instant.

D'autant que cette éventuelle alliance suscite des réactions épidermiques chez certains marcheurs : «Des électeurs de droite nous ont rejoint il y a deux ans justement parce que Laurent Wauquiez et Rachida Dati représentaient une droite rétrograde, à l'opposé de nos valeurs. S'il n'y a pas d'autres solutions d'ententes locales, alors je préfère perdre une élection», a tempêté Stéphane Séjourné, l'ancien conseiller politique de l'Elysée, sur Twitter.

La secrétaire d'Etat Marlène Schiappa, présente sur la liste LREM dans le 14e arrondissement, est entrée dans le concret au micro de Franceinfo : «le projet proposé par Rachida Dati ne me convient pas. [...] Par exemple, la droite souhaite que l'on mette fin à la modulation du paiement des tarifs des cantines pour les familles les plus aisées. Moi, je ne suis pas d'accord avec ça. Je considère que quand on est une famille plus aisée, il est normal qu'on contribue davantage à la cantine».

Un tel rapprochement «bouleverserait complètement l'ADN macroniste et aurait des répercussions nationales. Ce serait une preuve qu'Emmanuel Macron n'est pas 'ni de gauche, ni de droite'», synthétise Frédéric Dabi.

Autre inconnue : la décision de l'énigmatique Cédric Villani. Le dissident a d'abord évoqué un rapprochement avec LREM en cas d'abandon d'Agnès Buzyn, avant que celle-ci ne lui tende la main une fois son retour officialisé. Dans le même temps, le mathématicien discute aussi avec Anne Hidalgo. «La réflexion se poursuit encore», commente-t-on dans l'entourage de Cédric Villani. En revanche, l'alliance entre Anne Hidalgo et les écologistes semble sur de bons rails.

Les tractations vont se poursuivre pendant plusieurs jours encore, jusqu'au mardi 2 juin à 18h, date limite de dépôt des listes. Les équipes finalement constituées s'affronteront ensuite pendant près d'un mois. Une durée de campagne inédite sous la Ve République, qui laisse largement le temps pour que surviennent de nouveaux rebondissements.

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