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Paris : que font les candidats aux élections à l'heure du coronavirus ?

[© JOEL SAGET / AFP]

Alors que le nouveau maire de Paris était censé être désigné le samedi 28 mars, la crise du coronavirus a complètement balayé l'élection municipale. Après la tenue du premier tour, les «ex-futurs» candidats sont donc retournés à leurs affaires quotidiennes, qui sont, sans surprise, très largement marquées par l'épidémie.

Maintenue au pouvoir comme toutes les maires sortants en France en raison du coronavirus, Anne Hidalgo, encore une fois, se retrouve aux commandes d'un navire parisien en pleine tempête. Arrivée en tête (29 %) à l'issue du premier tour, la maire sortante a «complètement lâché la campagne», souligne-t-on dans son entourage, afin de «tout faire pour essayer de préserver le fonctionnement optimal de la capitale».

Tous les matins, l'élue socialiste se rend donc à hôtel de ville, un paquebot déserté mais centre névralgique de la riposte parisienne face au coronavirus. Dans son bureau devenu «war room», elle réunie autour d'elle une équipe «très resserrée» : le premier adjoint Emmanuel Grégoire, l'adjointe (écologiste) à la Santé Anne Souyris, sa direction de cabinet et son secrétariat général.

Puis, à 10h, Anne Hidalgo pilote une visioconférence avec les maires d'arrondissements pour faire le point sur la situation, souvent avec le médecin urgentiste Patrick Pelloux. Elle enchaîne ensuite avec des appels aux autres autorités de la capitale, Didier Lallement le préfet de police de Paris, Martin Hirsch le directeur général de l'AP-HP ou Aurélien Rousseau le directeur de l'Agence régionale de santé. Les lignes vers l'Elysée et Matignon fonctionnent aussi régulièrement.

Rachida Dati auprès de ses administrés

Rachida Dati, elle, commence toutes ses journées de la même façon : en lançant les cours et les devoirs à domicile de sa fille. Puis, en télétravail depuis son logement, l'ex-ministre de la Justice consacre ses matinées à gérer les «très nombreux» mails adressés par des habitants du 7e.

Car, «après avoir envoyé un mail à tous les militants pour indiquer la mise en pause de la campagne», la candidate LR, arrivée en deuxième position (22 %), a désormais retrouvé sa fonction de maire d'arrondissement.

«Elle est très mobilisée pour mettre en place toutes les actions qui permettent de venir en soutien à la population et aux commerçants du 7e», assure Nelly Garnier, sa directrice de campagne. D'ailleurs, le réseau Les Républicains, mis en place depuis quelque mois, tourne encore à plein régime : «on a une boucle de messageries entre les têtes de liste, au sein de laquelle on coordonne nos actions, chacun évoque les bonnes pratiques dans son arrondissement».

Et la rivalité avec Anne Hidalgo n'est jamais loin. «Rachida Dati est critique sur l'organisation de la conférence téléphonique quotidienne de la maire de Paris. C'est pourquoi Emmanuelle Dauvergne [une proche et conseillère LR du 7e arrondissement] est souvent présente à sa place», d'après Nelly Garnier.

Rachida Dati tacle aussi l'équipe municipale sur l'absence de désinfection des rues de la capitale pour lutter contre le virus, comme c'est le cas dans certaines villes. Des reproches balayés par l'entourage de la maire socialiste en raison de l'efficacité non prouvée de cette mesure. De quoi raviver la flamme de la campagne municipale.

Agnès Buzyn remet la blouse blanche

De son côté, Agnès Buzyn, arrivée en troisième position (17 %) et distancée par Anne Hidalgo et Rachida Dati dans les urnes, a mis sa campagne «à l'arrêt». La candidate LREM éprouvait en effet le désir de revenir dans le milieu hospitalier qu'elle avait quitté en 2017 pour entrer au gouvernement, afin de lutter contre le coronavirus.

Outre une nouvelle activité «de coordination de la crise au sein de Unicancer qu'elle va continuer», cette médecin de formation est surtout «en cours de reprise à l’APHP, son corps d’origine», explique-t-on dans son entourage. Elle devrait renfiler la blouse blanche «dans les jours qui viennent, début avril».

Reste à savoir quelle fonction attend l'ex-ministre de la Santé au sein de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. «La question est de savoir où elle sera le plus utile, entre l'hématologie [dont elle est spécialiste] ou un poste de direction», explique une proche.

Et la mairie de Paris dans tout ça ? Bien que murée dans un silence médiatique, Agnès Buzyn «est toujours candidate», assure-t-on chez LREM. Le doute est en effet permis après ses déclarations au Monde publiées le 17 mars, deux jours après le premier tour : «depuis le début je ne pensais qu’à une seule chose : au coronavirus. On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade.» Des confidences qui ont provoqué une déflagration dans les rangs macronistes.

Alors pour tenter de recoller les morceaux, Agnès Buzyn a organisé une réunion téléphonique avec les membres de son équipe. La teneur des discussions ? «En substance, elle a dit qu'elle regrettait comment ses propos ont été traités, dans un moment où elle était fatiguée», commente-t-on. Une version confirmée par des participants à cette conf call.

A en croire ses responsables de campagne, cette thérapie de groupe aurait porté ses fruits, puisque «rien n'a changé dans les équipes LREM, tout est exactement pareil qu'au soir du premier tour, qu’il s’agisse des ralliements ou des candidats». Sans qu'il ne soit vraiment possible de déterminer pour le moment la part de méthode Coué dans cet état des lieux. Et éviter d'ajouter une crise politique à une crise sanitaire.

Seule certitude pour Agnès Buzyn dans cette période floue : quand elle délaissera la blouse blanche pour réendosser le costume de candidat, «c’est que la crise sera derrière nous et que l’hôpital n'aura plus de besoin criant».

David Belliard réfléchit à l'après crise

S'il n'a pas de poste à responsabilités, David Belliard, candidat EELV arrivé en quatrième position (10 %), suit de près l'évolution de la crise par l'intermédiaire d'Anne Souyris, adjointe écologiste chargée de la Santé à la mairie de Paris.

Se trouvant au domicile familial en région à la suite du décès de sa mère, David Belliard dit «travailler par téléphone et vidéo avec les élus écologistes de la capitale, et avec la majorité, pour aider à gérer cette crise dramatique». En tant que président du groupe EELV au conseil de Paris, il assiste aussi régulièrement à la conférence téléphonique quotidienne organisée par Anne Hidalgo.

Logiquement, les négociations en vue du second tour de l'élection avec l'entourage de la maire socialiste sont gelées. «Ce n'est pas un moment où l'on peut discuter de quoi que ce soit», fait valoir l'écologiste.

Alors, en temps de confinement, cet adepte du vélo a délaissé son deux-roues au profit d'une application pour faire du sport chez soi. Des exercices auxquels il s'adonne «très rigoureusement tous les jours». Mais c'est surtout sur le travail que se concentre David Belliard, «après un break».

Au programme : «de très nombreux appels aux élus nationaux», notamment à l'eurodéputé Yannick Jadot, au secrétaire national d'EELV Julien Bayou et à la présidente de Génération écologie Delphine Batho, pour «réfléchir à l'après-coronavirus». Et cette crise inédite conforte David Belliard dans sa voie : «les propositions d’une société et d'une économie plus résilientes, écologiques et respectueuses du vivant sont parfaitement pertinentes».

Cédric Villani «full focus» sur le virus

Après être arrivé en cinquième position (7 %), Cédric Villani a, lui aussi, stoppé la campagne pour se concentrer sur le coronavirus. En confinement dans son appartement du 14e arrondissement, même s'il «va faire des courses et courir un peu de temps en temps», le mathématicien est «full focus» pour «analyser de la meilleure manière qui soit la propagation de l’épidémie», assure-ton dans son entourage.

Car outre son mandat de député de l'Essonne et sa position de candidat à la mairie de Paris, le médaillé Fields est aussi vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Une institution qui a rendu public lundi 30 mars un rapport détaillé sur l'avancée de l’épidémie de Covid-19 et les solutions pour en sortir.

Il participe aussi à des conférences vidéo avec des parlementaires du collectif transpartisan Accélérons dédié à la transition écologique. Un groupe présidé par Matthieu Orphelin, député ex-LREM proche de Nicolas Hulot. «Il a remis ses habits de scientifiques, mais il le fait en tant que député, donc il garde aussi ceux du politique», admet une proche.

Malgré un score décevant à la sortie des urnes, Cédric Villani continue à discuter régulièrement avec les membres de son équipe de campagne ainsi qu'avec les têtes de liste. Et avec Emmanuel Macron et Edouard Philippe ? «Les échanges restent entre eux», répond-on de façon sibylline dans son entourage.

Point commun à tous les candidats à la mairie de Paris : l'incertitude sur le maintien du second tour, dont la tenue est pour l'instant envisagée la fin juin. La commission mixte paritaire entre l'Assemblée et le Sénat, réunie dans le cadre de la loi sur l'état d'urgence sanitaire, devrait rendre un premier avis sur cette organisation entre le 21 et le 24 mai.

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