En direct
A suivre

«La rentrée du 22 juin ne sera pas possible partout», selon Francette Popineau du syndicat SNUipp-Fsu

Francette Popineau est co-secrétaire générale et porte-parole du SNUipp-Fsu (Syndicat national des instituteurs, professeurs des écoles, majoritaire). [Capture Facebook / Nelly Rizzo].

Suivant la volonté d'Emmanuel Macron, tous les élèves du primaire et les collégiens devront obligatoirement revenir à l'école le lundi 22 juin. Mais alors que les vacances sont prévues deux semaines plus tard, le 4 juillet, comment les enseignants voient-ils cette rentrée d'été ? Eléments de réponse avec Francette Popineau, co-secrétaire générale et porte-parole du SNUipp-Fsu (Syndicat national des instituteurs, professeurs des écoles).

Est-ce vraiment utile de retourner à l’école pour deux semaines, selon vous ?

C’est toujours utile que les enfants reprennent l’habitude de l’école. C’est important de ne pas couper si longtemps avec l'environnement scolaire. Mais la promesse du président de la République qui est de dire que tous les enfants vont finalement pouvoir revenir à l'école est difficilement tenable.  Car, si l’on maintient la distance latérale d’un mètre, c'est-à-dire de chaque côté de l'élève en enlevant celle, d'un mètre également, devant et derrirère lui, cela ne résout pas le problème qui est de mettre tous les élèves dans la même salle. Cela pour une question d'espace disponible, mais aussi parce que dans plusieurs établissements, les élèves sont habituellement installés sur des tables à deux places qui ne sont pas dissociables. Les enseignants ne vont donc pas pouvoir loger tous leurs élèves.

Les écoles ne seront donc pas en capacité d’accueillir tous les élèves, selon vous ?

Non, pas toutes. Tout dépendra de deux choses : des effectifs de la classe d’une part, car ce sera toujours plus simple pour celles qui ont 20-22 élèves en temps normal que pour celles qui en ont 27 ou 29 et, d’autre part, comme je l'évoquais de la surface de la classe. C’est pour cela qu’il ne faut pas s’attendre à ce que cette rentrée du 22 juin soit possible partout. Croire le contraire serait illusoire. Cela va donc évidemment créer des mécontentements. Le président n’a pas eu de précaution oratoire en laissant entendre que tout le monde pourra être accueilli, or en l’état actuel des restrictions, on ne pourra pas le faire.

Dans ces conditions, et pour deux semaines de cours, pensez-vous que les enfants vont vraiment revenir à l’école même si cela est officiellement obligatoire ?

Je pense qu’il est très bien que l’école en présentiel redevienne obligatoire. Il ne faut pas revenir là-dessus car ce serait perdre de vue que l’école de la République est une école égalitaire et, suivant ce principe, tous les enfants sont censés reprendre le chemin des cours. Après si la question est de savoir si certains parents ne vont pas avoir une certaine appréhension à faire revenir leurs enfants en classe, la réponse est sans doute oui. Ils vont peser le pour et le contre si le protocole sanitaire est effectivement allégé, alors que dans d'autres endroits, dans les transports ou les commerces, il ne l'est pas.

Cette rentrée va-t-elle être également l’occasion pour les enseignants de renouer le contact avec des enfants qui auront été les plus éloignés de l’école ?

Non pas nécessairement, car, ces dernières semaines, les enseignants faisaient déjà revenir dans leurs classes des élèves qui avaient manqué l’école. Il y avait déjà eu un gros travail mené en ce sens par les équipes pédagogiques et nous étions plutôt déjà engagés dans une mécanique consistant à faire des rotations pour faire revenir les autres élèves, soient ceux qui étaient le moins éloignés de l'école. Mais les choses évoluant énormément, nous n’avons pas eu le temps de beaucoup expérimenter ces rotations. Je rappelle que ce ne sont pas moins de trois organisations qui ont été demandées aux écoles en un temps absolument record et que nous sommes toujours en attente d’un nouveau protocole qui doit définir la nouvelle organisation de la semaine prochaine, cela une fois de plus dans une échéance très courte. Le week-end va donc être très chargé.

Diriez-vous que vous avez été pris au dépourvus entre les annonces présidentielles, le protocole qui reste à trouver,  et la rentrée de lundi prochain où tout doit être prêt ?

Oui et je constate d’ailleurs que le scénario est toujours le même. A la parole présidentielle succède une improvisation du ministre et charge ensuite aux enseignants de faire tourner la machine. Nous sommes donc depuis le début dans un manque d’anticipation, pour ne pas dire dans l’improvisation la plus totale. A l'arrivée, ce sont toujours les enseignants qui doivent organiser les choses et les mettre en musique en lieu et place des promesses et cela sans même avoir le temps de prévenir convenablement les familles.

Pensez-vous que les moyens, comme le savon par exemple, seront au rendez-vous pour respecter les mesures d'hygiène ?

On l’espère car il est vrai qu’il faut du savon partout, des essuie-mains pour tout le monde et des masques pour tous les enseignants. De notre côté, en tant que professionnels, nous avons toujours des questions, notamment sur les objets : doivent-ils être nettoyés régulièrement par exemple ? Les enfants pourront-ils jouer tous ensemble au ballon ? Plus largement, nous insistons sur le fait que nous ne voulons pas que nos politiques aient oublié que nous sommes toujours en période épidémique avec un virus qui est toujours actif. Il faut donc que nous ne relâchions par nos comportements. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’on rouvre les écoles, que nous sommes sortis d’affaire.

Alors que le ministre de la Santé, Olivier Véran, assure que le plus gros de l’épidémie est derrière nous, on observe, ailleurs en Europe, une hausse du nombre de cas de coronavirus. Cela vous inquiète-t-il ?

Oui. Nous sommes très inquiets parce que lorsqu’on ouvre une école, on y accueille bien sûr plus d’enfants, mais également plus d’adultes. On a forcément davantage de familles qui vont venir, mais aussi de personnel communal (animateurs, personnels de cantine, ATSEM etc.). Tout cela cumulé fait donc augmenter les risques.

En l’état, on a donc du mal à penser que l’épidémie est réellement derrière nous quand on voit ce qui se passe dans les pays européens mais aussi à Pékin où certains quartiers ont dû être à nouveau confinés. Cela nous fait dire que la situation reste très fragile et nous questionne sur la façon dont on se dépêche d’ouvrir les écoles.

En termes d’apprentissage, ces deux semaines d’école ont-elles une quelconque utilité ?

Il est clair qu’on ne récupérera pas ce qui a été perdu au cours des trois derniers mois. On espère, en revanche, pouvoir redonner l’envie aux enfants de revenir à l’école. Ils vont récupérer un rythme qu’ils avaient peut-être un peu perdu. Il va y avoir aussi des temps de parole parce que les enfants n’ont pas vécu le confinement de la même manière. Il y aura tout de même d’autres apprentissages, mais qui ne seront pas de nature à réparer ce qui aura été oublié. Le but sera vraiment de penser la rentrée de septembre et voir comment on remet à plat les apprentissages et les programmes.

Retrouvez toute l'actualité nationale ICI

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités