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Entrer sur le marché du travail pendant la crise du Covid : le casse-tête des jeunes diplômés

Les jeunes diplômés ont du mal à trouver du travail Les jeunes diplômés ont du mal à trouver du travail. [FREDERICK FLORIN / AFP]

Après plusieurs mois de confinement qui ont fortement affecté la santé économique des entreprises, les perspectives d’embauche des jeunes, même des plus diplômés, sont plutôt rares. Entre la crainte du chômage et l’envie de poursuivre leurs ambitions professionnelles, nombre d'entre eux font le choix de retarder leur entrée dans la vie active.

«Je cherchais d’abord un CDD ou un CDI, en France ou à l’étranger, mais je me rabats maintenant plutôt sur des offres de stages», explique Hugo, 24 ans, qui termine son master de management dans une prestigieuse école de commerce madrilène. Alors que le taux d’insertion professionnelle y est normalement très élevé, certains de ses étudiants pourtant surqualifiés peinent à trouver un emploi à la sortie de l’école. Des offres de plus en plus rares, ou moins intéressantes, une concurrence encore plus rude, et beaucoup d’incertitude : voilà ce à quoi sont confrontés les jeunes diplômés souhaitant accéder au marché du travail, alors que le taux de chômage en France devrait avoisiner les 12% au quatrième trimestre de 2020.

Si l’école d’Hugo relayait régulièrement des offres d’embauche de grandes entreprises à ses étudiants dès le début de l’année, ces propositions se sont faites de plus en plus rares dès le début du confinement. «C’est difficile de se dire qu’on s’est investi dans des études, et qu’on ne peut plus s’en servir comme levier pour trouver un job, alors que le marché du travail se portait très bien jusque-là», déplore-t-il, notamment dans le secteur qu’il vise, le consulting. Pour permettre aux étudiants de continuer à chercher du travail sans pour autant être bridés par la crainte du chômage, l’école leur a permis de prolonger leurs études d’un semestre

Retarder son entrée sur le marché

C’est aussi le cas de Manon, 22 ans, qui a été prise en stage jusqu’au mois de décembre, alors que son cursus à l’Université de Lille devait se terminer en août. Cette étudiante en langues étrangères et tourisme a dû annuler son stage de fin d’étude dans une agence touristique en Afrique du Sud, à cause du confinement. Elle s’est ensuite rabattue sur une offre qui l’intéressait moins, faute de mieux. «Je suis très contente d’avoir trouvé un stage jusqu’en décembre, mais je reste très pessimiste sur le fait qu’il y ait de nouveaux emplois début 2021, surtout dans le secteur du tourisme», avoue-t-elle. Travaillant dans une petite entreprise qui a beaucoup souffert de la crise du Covid-19, elle est quasiment certaine de ne pas être embauchée à l’issue de son stage. Elle envisage donc de faire un service civique, le temps que le marché du travail soit plus avantageux.

«Ces stratégies de repli sont tout à fait légitimes. Autant mettre à profit ce temps en reprenant des études et en obtenant des compétences supplémentaires plutôt que d’être au chômage, souligne Xavier Timbeau, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques. On peut espérer que dans un an, le niveau d’activité revienne à la normale. Il y aura alors un gros appel chez les entreprises qui n’ont pas embauché en 2020», affirme-t-il.

Les diplômés ne devraient pas pâtir de cette entrée plus tardive dans la vie active. «Après la crise économique de 2008, ceux qui avaient raté leur entrée sur le marché du travail n’ont pas souffert de cette situation. Une fois la crise passée, progressivement, leurs perspectives de carrière sont revenues à la normale», analyse M. Timbeau

D’autant plus que certains secteurs, moins touchés par la crise, vont continuer à embaucher. Mathilde, 21 ans, étudiante en marketing digital à Paris, a réussi à décrocher un contrat l’alternance dans une startup spécialisée dans le e-learning, qui a très bien fonctionné pendant le confinement. «Si tout se passe bien, je devrais être embauchée en CDI d’ici à un an.», affirme-t-elle. Ses recherches ont quand bien même été longues et souvent infructueuses : «J’ai dû postuler à environ 80 offres d’emploi avant de signer mon contrat, admet-elle. Ça a été beaucoup de bouche à oreille.»

Les moins diplômés sont les plus touchés

Le gouvernement a tout de même mis en place le plan «1 jeune 1 solution», pour aider les primo-entrants sur le marché du travail. Parmi les mesures, l’État propose un «coup de pouce» à l’embauche des jeunes. Pour tout jeune de moins de 25 ans recruté entre août 2020 et janvier 2021, avec un salaire inférieur à deux SMIC par mois, l’entreprise perçoit une compensation de charges à hauteur de 4.000 euros sur un an. Si cette aide devrait permettre, selon le gouvernement, de signer 450.000 contrats de travail supplémentaires, certains jeunes diplômés peuvent aussi en pâtir.

C’est notamment le cas de Samir, tout juste sorti d’école d’ingénieur, qui a été embauché pour un CDD de six mois dans le cabinet de conseil où il a effectué son stage de fin d’étude. «Lorsque les RH m’ont annoncé ma rémunération, je me suis rendu compte que ça ne correspondait pas à la grille des salaires de l’entreprise. On m’a dit que c’était le maximum qu’ils pouvaient faire. Je pense qu’ils ont diminué mon salaire pour pouvoir bénéficier des aides de l’État», explique le jeune ingénieur.

«Les jeunes diplômés ne sont pas dans la cible de ces mesures. Elles sont plutôt destinées aux non diplômés, ou aux diplômés de l’enseignement technique, selon Xavier Timbeau. Les seuils de rémunérations sont assez bas, ce n’est pas ce qui intéresse, en général, les plus diplômés». Si ces aides visent en priorité les moins diplômés, c’est parce qu’ils sont inévitablement les premières victimes de la crise économique. «Ceux pour qui la porte de sortie était la restauration, ou d’autres secteurs aux emplois peu qualifiés, la situation est bien plus grave», illustre-t-il.

Dans les différents secteurs particulièrement touchés par la crise (aviation, spectacle vivant, restauration, tourisme...), les perspectives d’embauche restent très limitées, et la reprise d’activité dépendra évidemment des suites de la crise sanitaire.

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