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Violences après la mort de Nahel : faut-il craindre un embrasement comme en 2005 ?

Les violences urbaines de ces dernières 48h rappellent tristement les «émeutes de 2005» après la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré. [STEPHANIE LECOCQ / REUTERS]

Après la mort de Nahel à Nanterre, mardi 27 juin, les heurts se sont multipliés un peu partout dans l’Hexagone. Des événements qui rappellent les émeutes dans les quartiers populaires de 2005, après la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois.

Des violences d'un niveau exceptionnel. Depuis la mort de Nahel, 17 ans, mardi matin à Nanterre après avoir été visé par le tir d'un policier suite à un refus d’obtempérer, des tensions ont éclaté partout en France. Et pour la deuxième nuit consécutive, plusieurs départements ont été touchés. Commissariats dégradés, voitures de police incendiées ou encore policiers visés par des tirs de mortiers, les auteurs étaient motivés par une volonté de justice pour la victime, souvent mêlée à un sentiment «anti-police».

Des violences urbaines dont l'ampleur rappelle les «émeutes de 2005», survenues après la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré, le 27 octobre à Clichy-sous-Bois. Les deux adolescents de 17 et 15 ans étaient morts électrocutés à l'intérieur d'un transformateur électrique dans lequel ils s'étaient réfugiés pour éviter un contrôle de police.

Le rôle des réseaux sociaux 

A l’époque, durant trois semaines, du 27 octobre au 17 novembre, 274 communes françaises avaient été touchées par des soulèvements, de Lille à Marseille, en passant par Lyon, Toulouse et Paris. Une situation qui avait poussé le gouvernement de Dominique de Villepin à décréter, le 9 novembre, l’état d’urgence dans les grandes villes, ce qui constituait une première depuis la guerre d’Algérie. Au total, près de 2.921 personnes avaient été interpellées et 3 morts avaient été recensés parmi la population. S'ajoutant à cela d'importantes dégradations d'infrastructures et de matériel, en particulier des voitures brûlées.

Quasiment vingt ans après, le gouvernement français d'Elisabeth Borne fait face à un cas de figure comparable. «On a le même rapport avec la police qu’en 2005, notamment avec un décès, cette fois, alors qu’il y en avait deux il y a 18 ans. Cela crée une émotion parce qu’aujourd’hui, on a la vidéo. Puis, les réseaux sociaux jouent beaucoup, à travers la diffusion des images», analyse le sociologue Thomas Sauvadet, spécialiste des violences urbaines et des phénomènes des bandes.

Pourtant, la réponse de l'exécutif ne s'est pas fait attendre et elle a été sans équivoque. L'acte commis mardi par le policier, filmé et mis en ligne sur les réseaux, a été immédiatement condamné. «Choquant», «inexcusable» et «injustifiable»… Les membres du gouvernement se sont succédés et même le président de la République a pris position, tentant de concilier apaisement et fermeté pour éviter l'embrasement. Sans succès.

«Nous pouvons assister aujourd'hui à une sorte de "sous-2005" (…) Il est clair que ce n’est pas une émeute lambda. Ce n’est pas l’émeute de quartier où cela reste très localisé et où ça dure deux jours», explique Thomas Sauvadet.

Les événements survenus ces deux derniers jours laissent donc présager le pire. D’une part, les émeutes de 2005 se sont «propagées» dans l’Hexagone petit à petit. Concrètement, elles avaient touchées seulement Clichy-sous-Bois, Montfermeil et la Seine-Saint-Denis durant les trois premiers jours avant de prendre de l’ampleur dans le reste du territoire, deux jours plus tard.

Or, dans le cas de Nahel, en seulement deux nuits, ces violences urbaines se sont étendues sur toute la France touchant directement les grandes villes françaises à l’instar de Lyon, Saint-Etienne, Toulouse, Lille, Nice et Paris.

«Ce que nous vivons est d’ores et déjà pire que 2005. La seule chose qui n’est pas encore arrivée, qui me paraît inéluctable compte tenu du cycle, et qui était arrivé en 2005, c’est l’utilisation d’une arme de catégorie B (arme à feu) sur les policiers», a indiqué pour sa part Thibault de Montbrial, président du Centre de réflexion sur la sécurité interne, sur CNEWS.

On note aussi le développement, depuis plusieurs années, de nouveaux moyens servant d’armes contre les forces de l’ordre. «Il y a beaucoup de choses qui ont changé depuis 2005, notamment au niveau des mortiers d’artifice qui sont, aujourd’hui, massivement utilisés comme armes par destination», précise pour sa part Thomas Sauvadet.

La gangsterisation constatée dans certains quartiers pose également question. Dans certains lieux où l’on a un taux de pauvreté important et un taux de délinquance élevé, les violences urbaines sont montées d’un cran en violence et les attaques contre les policiers se sont multipliées.

«Aujourd’hui, on a des adolescents qui grandissent dans un environnement où l’inégalité est la norme avec un profond rejet d’une forme d’autorité institutionnelle, que cela soit la mairie, l’école, le bailleur et bien évidemment la police et la justice», explique le spécialiste. Autant de facteurs qui peuvent servir de terreau pour un éventuel embrasement.    

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