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La France n'exclut plus d'associer Al-Assad à la lutte contre Daesh

Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, à Brasilia le 22 novembre 2015 [EVARISTO SA / AFP/Archives] Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, à Brasilia le 22 novembre 2015 [EVARISTO SA / AFP/Archives]

La France, qui a désormais comme priorité en Syrie la lutte contre Daesh, n'a pas exclu vendredi d'y associer les forces du régime syrien, tout en précisant qu'une telle coopération ne pouvait s'inscrire que dans le cadre d'une transition politique.

Nouveau virage diplomatique ou déclaration non contextualisée? En estimant vendredi matin sur la radio RTL que des forces du régime syrien pourraient, "pourquoi pas", participer à la lutte contre Daesh, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a surpris.

"Il y a deux séries de mesures: les bombardements, ce que nous faisons, et des forces au sol, qui ne peuvent pas être les nôtres, mais qui peuvent être à la fois des forces de l'Armée syrienne libre (opposition), des forces arabes sunnites, et pourquoi pas des forces du régime, et des kurdes également bien sûr", a-t-il déclaré.

La coopération de toutes les forces syriennes

Le ministre a précisé par la suite sa pensée dans une déclaration: "la coopération de toutes les forces syriennes, y compris de l'armée syrienne, contre Daech (acronyme arabe de l'EI) est évidemment souhaitable, mais elle ne sera envisageable que dans le cadre d'une transition politique crédible", a-t-il dit.

Pour Paris, une collaboration avec l'armée syrienne ne pourrait donc se faire qu'une fois engagée une transition politique, qui ne peut avoir comme issue que le départ du président Assad, selon l'analyse française.

Il n'empêche: ces déclarations surprennent dans la bouche de celui qui s'est toujours montré comme le détracteur le plus farouche du président Assad, considéré comme le "boucher" de son propre peuple et la cause de l'émergence de l'Etat islamique. "Assad et les terroristes, c'est l'envers d'une même médaille", avait coutume de répéter M. Fabius.

Le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem (g) et son homologue russe Sergueï Lavrov, à Moscou le 27 novembre 2015 [VASILY MAXIMOV / AFP]
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Le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem (g) et son homologue russe Sergueï Lavrov, à Moscou le 27 novembre 2015
 

En visite à Moscou, le chef de la diplomatie syrienne a opportunément sauté sur ces déclarations. "Mieux vaut tard que jamais. Si Fabius est sérieux concernant l'idée de travailler avec l'armée syrienne et avec les forces sur le terrain qui combattent Daech, alors nous saluons" cette position, a déclaré Walid Mouallem.

Rapprochement franco-russe

Confrontée à la crise des réfugiés et à la menace jihadiste, la France a nettement infléchi sa diplomatie envers la Syrie depuis plusieurs mois, faisant passer au second plan la question du président Assad, considéré comme principal responsable d'une guerre qui a fait plus de 250.000 morts en près de cinq ans.

Les sanglants attentats du 13 novembre à Paris ont précipité le virage de la politique française, le président François Hollande annonçant clairement que la priorité absolue était donnée à la lutte contre Daesh. "Notre ennemi en Syrie, c'est Daesh", a-t-il déclaré après les attentats.

La France s'est aussi spectaculairement rapprochée de la Russie, fidèle allié du régime de Damas, en reprenant à son compte l'idée d'une coopération, voire d'une coalition internationale unique pour lutter contre les jihadistes. Une proposition qu'avait faite Moscou en septembre lors de l'Assemblée générale des Nations unies, mais qui avait été rejetée à l'époque en raison de la volonté russe d'associer le régime syrien à la lutte contre Daesh.

Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius et son homologue russe Sergueï Lavrov, à Moscou le 26 novembre 2015 [YURI KADOBNOV / AFP/Archives]
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Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius et son homologue russe Sergueï Lavrov, à Moscou le 26 novembre 2015
 

 

Les déclarations de Laurent Fabius interviennent au lendemain d'un voyage en Russie du président français au cours duquel Paris et Moscou ont décidé de "coordonner" leurs frappes aériennes en Syrie contre les jihadistes de l'EI.

La Russie, accusée par les Occidentaux de ne frapper que modérément l'EI et de concentrer ses opérations sur les autres groupes rebelles menaçant le régime de Damas, va s"abstenir" de bombarder "l'opposition saine", a promis Vladimir Poutine. Tout en insistant bien sur le fait que l'armée syrienne était un "allié naturel dans la lutte contre le terrorisme".

"Le président Poutine nous a demandé d'établir une carte des forces qui ne sont pas terroristes et qui combattent Daech", a annoncé vendredi Laurent Fabius. "Il s'est engagé - dès lors que nous lui fournissons cette carte, ce que nous allons faire - à ne pas bombarder ceux-là, c'est très important", a-t-il insisté.

Reste que Paris et Moscou n'ont pas trouvé d'accord sur la coalition large voulue par François Hollande ni sur le sort du président Assad. Moscou répète que c'est aux Syriens d'en décider. La communauté internationale a relancé une dynamique pour trouver une solution politique, avec deux réunions internationales à Vienne, en octobre et novembre, associant pour la première fois l'Iran, autre grand allié de Damas. Une feuille de route devant aboutir à des élections dans les 18 mois a été agréée.

Paris, qui a longtemps réclamé le départ d'Assad comme préalable à toute négociation, a abandonné cette exigence il y a quelques mois. Mais M. Fabius s'est dit confiant qu'un processus politique aboutirait à son départ. "Il n'y a aucune chance, si l'élection est régulière, que Bachar soit élu", a-t-il estimé.

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