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Trump, scénario catastrophe, par Jean-Marie Colombani

Jean-Marie Colombani. [Alexis Reau / SIPA]

Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.

A la fin de la semaine, commence le marathon des primaires américaines. Elles sont destinées à choisir les candidats de chaque camp, républicain et démocrate, pour la succession de Barack Obama. Parvenu au terme de son second mandat, ce dernier n’a pas le droit de se représenter. Premier rendez-vous dans l’Iowa, qui précédera de quelques jours le New Hampshire. L’attention est déjà focalisée avant tout sur les primaires du parti républicain, lequel contrôle le Congrès, mais a perdu la présidence il y a huit ans. Les médias sont presque exclusivement concentrés sur la candidature de Donald Trump. Le multimilliardaire qui truste une bonne part de la promotion immobilière de la ville de New York, s’est singularisé d’entrée de jeu par des propos outranciers s’inscrivant dans une veine populiste toujours présente aux Etats-Unis, mais jamais victorieuse.

Or, voici qu’à la surprise générale, Donald Trump fait la course en tête. Aucun de ses challengers républicains, dont les sénateurs Marco Rubio et Ted Cruz et le frère de George Bush, Jeb, ancien gouverneur de Floride, ne semblent en mesure de l’emporter. Si bien que la désignation de Trump comme candidat républicain est en train de devenir une hypothèse plausible. Son discours reprend tous les thèmes des droites extrêmes : il est question de «reprendre possession du pays» et, pour cela, d’expulser les immigrants et leur faire barrage au moyen d’un mur. Plus généralement, pour chaque problème il désigne un bouc émissaire : sont le plus souvent dénoncés la Chine, le Mexique et, plus récemment, les musulmans. Il incarne le nationalisme blanc, dans un pays fort, depuis sa création, de ses immigrants et de sa diversité.

C’est un phénomène d’autant plus redoutable qu’aucun de ses excès ne lui nuit, au contraire, et qu’aucune situation de crise n’explique même sa progression. Les Etats-Unis sont, sous la mandature de Barack Obama, revenus au plein emploi ; au cours des soixante-six derniers mois, quelque 13 millions d’emplois ont été créés tandis que le nombre d’Américains privés de couverture sociale passait de 15 % à 9 % grâce à la réforme «Obamacare». L’analyse dominante était qu’il serait, in fine, désa­voué. Il était présenté, au sein même du parti républicain, comme un danger pour le conservatisme américain qu’il risquait de dévoyer en populisme. Mais même si les dirigeants républicains continuent de croire que, pour le bien de leur parti, il doit perdre les primaires, le doute s’est installé.

Aurait-il une chance de succéder à Barack Obama dont il serait, jusqu’à la caricature, l’antithèse ? A ce sta­de, Trump est toujours considéré par une majorité d’Américains (52 %) comme un danger ; tandis qu’ils sont 44 % à considérer que la favorite pour l’investiture démocrate, Hilary Clinton, ferait une «mauvaise» présidente. Au seuil des primaires démocrates, Hillary ne semble plus invincible. Elle ne cesse de perdre du terrain face à un challenger surprenant, le sénateur Bernie Sanders, qui se réclame ouvertement du socialisme. Référence qui, aux Etats-Unis, vous garantit de rester minoritaire.

Là réside sans doute le scénario catastrophe. Si Hillary Clinton, toujours poursuivie par une ténébreuse histoire d’e-mails privés contenant des informations classifiées alors qu’elle était secrétaire d’Etat, est victime de l’arrogance prêtée par une partie de l’opinion à la famille Clinton, si se répétait pour elle le scénario de 2008 ou, partie favorite, elle avait été battue au poteau par Barack Obama, nul doute que la désignation d’un socialiste revendiqué ouvrirait la voie à l’élection de Donald Trump. C’est-à-dire d’un populiste extrémiste, incontrôlable et simpliste qui n’a que faire du reste du monde.

Jean-Marie Colombani

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