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L’UE a bon dos sur les migrants, par Jean-Marie Colombani

Jean-Marie Colombani. [Alexis Reau / SIPA]

Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.

La question des réfugiés est de loin la plus difficile que l’Union européenne à 28 ait eu à affronter depuis sa création. Bien que la réalité montre chaque jour davantage qu’aucun pays, grand ou petit, ne peut résoudre seul ce problème, certains gouvernements et partis politiques ont choisi de faire de l’Union leur bouc émissaire, dénonçant son impuissance. Cette attitude montre surtout leur lâcheté, car ces mêmes gouvernements et partis ont toujours veillé jalousement à ce que les questions d’immigration et d’asile restent  du seul ressort des Etats. C’est ce qui explique que tout le monde ait été pris au dépourvu lorsque la crise des réfugiés a surgi. D’ailleurs, chaque jour ou presque, l’actualité illustre l’extrême complexité du problème.

Premier exemple

Un nouveau flot de Syriens se masse à la frontière turque. Ces milliers de personnes fuient les bombardements russes sur la ville d’Alep jusqu’alors tenue par des groupes rebelles qui luttent contre Bachar al-Assad mais ne sont pas Daesh. Pour ceux qui veulent croire que le salut viendra de la Russie, nous avons donc la réponse de Poutine. On sait que la source principale de l’exode est en Syrie, où s’affrontent : Bachar al-Assad avec le soutien de la Russie et de l’Iran, des forces rebelles composées de groupes islamistes mais aussi laïcs soutenus par les pays occidentaux et enfin Daesh, combattu par une coalition internationale et au sol avant tout par les soldats kurdes. Des pourparlers diplomatiques sont engagés pour tenter de mettre sur pied une solution politique post-Assad. Mais elle est régulièrement ralentie par la Russie. Tant que durera ce conflit, il y aura des réfugiés. Il y a bien sûr d‘autres sources d’exode mais aujourd’hui celle-ci est la principale. L’objectif de Poutine n’est pas d’aider l’Europe mais au contraire de l’affaiblir… jusqu’à preuve du contraire.

Deuxième exemple

Bernard Cazeneuve se rend en visite en Grèce, premier point d’arrivée des réfugiés de Syrie et d’Irak. La Grèce doit mettre en place des «hotspots» afin de permettre d’identifier, puis de relocaliser ceux qui ont droit au statut de réfugié. Il s’agit là de décisions européennes et, en effet, il est désastreux qu’elles tardent tant à se mettre en place. Mais le jour de la venue du ministre français de l’Intérieur, surprise : peu ou pas d’embarcations en provenance de Turquie. Preuve que, lorsque ce pays joue son rôle, le flux peut être maîtrisé. Or, c’est la Commission européenne qui a négocié avec Ankara une aide financière importante pour permettre à la Turquie d’agrandir les camps de réfugiés et de les faire fonctionner. En dernier ressort, la Turquie décide. Le sort du traité de Schengen dépend ainsi de la plus ou moins bonne volonté du président turc.

Troisième exemple

Le quotidien britannique Financial Times a recensé les mouvements des navires en Méditerranée orientale. Il a établi que 540 cargos, au mois de janvier, ont transité par la Syrie, la Libye et le Liban pour des raisons mystérieuses. Il n’existe aucune surveillance digne de ce nom ; tous les trafics sont donc possibles. Sécuriser les frontières extérieures est une obligation pour qui veut rendre sans frontières la vie à l’intérieur de l’Union. Dans cet esprit, Enrico Letta, ancien chef du gouvernement italien, a proposé que les pays membres constituent enfin un corps de gardes-frontières, qui serait aussi habilité à gérer les «hotspots». Cette perspective dépend exclusivement de la capacité des pays membres à s’accorder. Les institutions européennes, notamment Frontex, chargé de la surveillance des frontières avec aujourd’hui des moyens ridicules, ne peuvent faire que ce qu’ils sont autorisés à faire par les Etats membres. •

Jean-Marie Colombani

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