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Les Etats-Unis bombardent la Libye

Décombres après un raid américain contre un site d'entraînement jihadiste près de la ville libyenne de Sabratha, le 19 février 2016 [MAHMUD TURKIA / AFP] Décombres après un raid américain contre un site d'entraînement jihadiste près de la ville libyenne de Sabratha, le 19 février 2016 [MAHMUD TURKIA / AFP]

Le bombardement américain d'un camp d'entraînement du groupe Daesh en Libye a démontré que Washington entendait chasser les jihadistes même au-delà de leurs bastions syriens et irakiens, mais ne présage pas forcément d'une volonté de s'engager dans un pays plongé dans le chaos.

Lors de cette frappe aérienne, qui n'était que la deuxième offensive américaine contre des cibles de Daesh en Libye, des avions et des drones ont détruit tôt vendredi un camp des jihadistes près de Sabrata, à l'ouest de Tripoli, faisant quelque 50 morts selon les autorités locales.

Le Pentagone, qui n'a pas donné de bilan, a expliqué qu'à l'issue de plusieurs semaines de surveillance il avait dénombré une soixantaine de jihadistes qui s'entraînaient dans ce camp, dont la cible prioritaire du raid aérien : Noureddine Chouchane, un cadre opérationnel de l'organisation jihadiste, qui a "probablement" été tué.

Cette seconde offensive intervient seulement quelques jours après que le président Barack Obama eut estimé qu'il fallait s'en prendre aux jihadistes également en Libye, où ils se sont implantés notamment sur la côte méditerranéenne, à Syrte. Le Pentagone estime à quelque 5.000 le nombre de combattants de Daesh dans le pays livré au chaos depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011.

Carte de Libye localisant Sabrata où des dizaines de personnes sont mortes dans un raid visant le groupe Etat Islamique  [Jonathan JACOBSEN, Thomas SAINT-CRICQ / AFP]
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Carte de Libye localisant Sabrata où des dizaines de personnes sont mortes dans un raid visant le groupe Etat Islamique

Mais à moins d'un an de la fin de son dernier mandat, le président Obama, déjà critiqué pour les résultats de la campagne anti-jihadistes menée par les Etats-Unis en Syrie, n'entend pas s'enfoncer dans ce qui pourrait être un bourbier libyen en envoyant des troupes dans le pays.

"Je ne vois aucun appétit aux Etats-Unis pour retourner en Libye d'une façon continue", analyse l'ancien ambassadeur américain en Irak, Christopher Hill, désormais enseignant à l'université de Denver. L'opinion publique n'y est de toutes façons pas favorable, selon lui, après 18 mois d'une campagne de bombardements qui n'a pas permis de déloger Daesh de Syrie et d'Irak. "Nous allons assister à ces bombardements aériens de temps en temps quand les occasions se présenteront, mais je ne pense pas que cela présage un quelconque engagement à long terme en Libye à l'avenir".

Aux bombardements pourraient s'ajouter quelques missions ponctuelles menées par des commandos américains avec des partenaires locaux. En décembre, déjà, le Pentagone avait reconnu qu'un groupe des forces spéciales américaines s'était rendu en Libye, d'où il avait été vite chassé.

"Nous espérons que les bombardements d'aujourd'hui représentent le début d'un nouvel engagement de l'administration Obama pour mettre la Libye au centre d'une stratégie globale pour vaincre le jihadisme international", a réagi dans le camp républicain Devin Nunes, qui préside la commission du renseignement à la Chambre des représentants.

Décombres après un bombardement américain contre un camp d'entraînement jihadiste près de la ville libyenne de Sabratha, le 19 février 2016 [MAHMUD TURKIA / AFP]
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Décombres après un bombardement américain contre un camp d'entraînement jihadiste près de la ville libyenne de Sabratha, le 19 février 2016

Au moment où la coalition internationale remporte des succès en Irak et en Syrie, de nombreux combattants viennent gonfler les rangs de Daesh en Libye, originaires pour la plupart de la Tunisie voisine. D'ailleurs, Noureddine Chouchane est soupçonné d'être derrière deux attaques en 2015 en Tunisie revendiquées par l'organisation jihadiste qui avaient choqué la communauté internationale: contre le musée du Bardo à Tunis en mars (22 morts) et sur une plage et dans un hôtel près de Sousse en juin (38 morts).

Ce cadre de l'organisation ultra-radicale a été la cible d'un bombardement car lui et les autres combattants du camp "préparaient des attaques contre des intérêts américains et ceux d'autres pays occidentaux dans la région", selon le porte-parole du Pentagone, Peter Cook.

Entreprendre des bombardements en Libye ne marque pas un changement fondamental de stratégie militaire, l'intérêt étant avant tout d'envoyer aux jihadistes le message qu'ils ne "peuvent pas gagner", ou que ce soit, et qu'ils feraient mieux de quitter les rangs de Daesh, estime Jon Alterman, directeur des programmes pour le Moyen-Orient au Center for Strategic and International Studies.

Photo publiée le 19 février 2016 par le ministère de l'Intérieur tunisien de Noureddine Chouchane, soupçonné d'être derrière deux attaques en 2015 en Tunisie revendiquées par le groupe de l'Etat islamique (EI) [Handout / AFP]
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Photo publiée le 19 février 2016 par le ministère de l'Intérieur tunisien de Noureddine Chouchane, soupçonné d'être derrière deux attaques en 2015 en Tunisie revendiquées par le groupe de Daesh.

Pour cet expert, les Etats-Unis devraient concentrer leurs efforts sur une solution diplomatique à la crise profonde dans laquelle est plongée la Libye, terreau de l'implantation de l'organisation. Sinon, prévient-il, "vous finissez par avoir une stratégie militaire plutôt qu'un effort diplomatique efficace parce que l'effort diplomatique semble trop difficile (tandis que) l'effort militaire est relativement plus simple". "Le danger grandissant", explique M. Alterman, "est que les bombardements servent de prétexte pour ne pas mettre en place les politiques fortes qui sont nécessaires".

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