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Ex-espion russe empoisonné : Londres accuse personnellement Poutine

Le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, lors d'une conférence de presse le 16 mars 2018 avec son homologue polonais Jacek Czaputowicz à Uxbridge [Tolga Akmen / POOL/AFP] Le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, lors d'une conférence de presse le 16 mars 2018 avec son homologue polonais Jacek Czaputowicz à Uxbridge. [Tolga Akmen / POOL/AFP]

Londres a provoqué vendredi la colère de la Russie en jugeant «extrêmement probable» que le président Vladimir Poutine ait personnellement «ordonné» l'empoisonnement de l'ex-espion russe Sergueï Skripal, une accusation qualifiée d'«impardonnable» par le Kremlin.

La confrontation entre les Occidentaux et Moscou s'est encore durcie à deux jours de l'élection présidentielle russe, que Vladimir Poutine s'apprête à remporter pour un quatrième mandat qui le maintiendra à la tête de la Russie jusqu'en 2024.

Le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson a assuré que Londres en voulait au «Kremlin de Poutine» et non à la Russie pour l'empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia le 4 mars à Salisbury, petite ville du sud de l'Angleterre.

«Nous pensons qu'il est extrêmement probable qu'il s'agisse de sa décision d'ordonner l'utilisation d'un agent neurotoxique dans les rues du Royaume-Uni, dans les rues de l'Europe, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale», a déclaré M. Johnson, au côté de son homologue polonais Jacek Czaputowicz.

«Choquant et impardonnable»

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a aussitôt réagi. Dans cette affaire, «toute mention ou référence à notre président n'est rien d'autre que choquant et impardonnable», a-t-il dit.

L'ambassadeur de Russie à Londres, Alexandre Iakovenko, a déclaré que la réaction de Londres à l'affaire de l'empoisonnement était «une grossière provocation».

Dans une interview à la chaîne de télévision Channel 4, le diplomate a dénoncé l'enquête britannique, «non transparente et secrète», ajoutant qu'il n'y avait «aucune preuve« que Sergueï Skripal soit gravement malade.

Le ton ne cesse de monter entre Moscou et Londres, soutenus par ses principaux alliés occidentaux, depuis que Sergueï Skripal, 66 ans, qui vit en Grande-Bretagne, et sa fille Ioulia, 33 ans, citoyenne russe, ont été victimes d'une attaque avec un agent innervant militaire de conception russe selon les autorités britanniques. Ils sont toujours hospitalisés dans un état «critique».

En revanche, l'état de santé d'un policier qui avait été contaminé en portant secours aux Skripals et est hospitalisé depuis s'est amélioré, a annoncé vendredi le service de santé britannique. Alors que son état était qualifié de critique, il est à présent stable.

Theresa May a annoncé l'expulsion de 23 diplomates russes, une mesure inédite depuis la fin de la Guerre froide, et le gel des contacts bilatéraux avec la Russie.

La riposte de Moscou, qui nie toute implication dans l'empoisonnement, doit arriver «d'une minute à l'autre», a déclaré le porte-parole du Kremlin, ajoutant que ces mesures de représailles seraient «mûrement réfléchies» et «totalement conformes aux intérêts» de la Russie.

«Principe d'égalité»

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov le 14 mars 2018 [Kirill KUDRYAVTSEV / AFP]
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov le 14 mars 2018 [Kirill KUDRYAVTSEV / AFP]

En déplacement à Astana, la capitale du Kazakhstan, pour une réunion sur la Syrie, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a confirmé que Moscou expulserait de son territoire des diplomates britanniques «sur un principe d'égalité».

Londres, Berlin, Paris et Washington ont publié jeudi un communiqué commun affirmant que la responsabilité de Moscou était la seule explication «plausible» de cette affaire, et ont exigé du Kremlin qu'il fournisse des informations sur le programme «Novitchok», l'agent neurotoxique soupçonné par les autorités britanniques d'être à l'origine de l'empoisonnement.

L'existence de cet agent innervant a été révélée par un chimiste russe réfugié depuis des années aux États-Unis, Vil Mirzaïanov, qui affirme qu'il a été mis au point dans les années 1980 dans des laboratoires soviétiques.

La Russie, elle, dément catégoriquement qu'un tel programme ait jamais existé et souligne qu'elle a détruit tous ses stocks d'armes chimiques sous contrôle international.

M. Mirzaïanov a estimé, dans une déclaration publiée vendredi par le quotidien d'opposition russe Novaïa Gazeta, que des terroristes n'auraient pas été capables de produire l'agent toxique censé avoir été utilisé à Salisbury.

«Pour créer ses composants, on a besoin de puissants laboratoires et de personnel très expérimenté qui n'existe que dans quelques pays», a dit l'ancien chimiste. Il y a quelques jours, il avait déclaré que «seuls les Russes» avaient pu utiliser cet agent toxique contre les Skripals.

La Première ministre britannique Theresa May a formellement invité l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) à venir au Royaume-Uni prélever un échantillon de l'agent utilisé à Salisbury et «vérifier l'analyse du gouvernement», ont indiqué ses services.

«Pas de nouvelle guerre froide»

Sergueï Skripal [Jean Michel CORNU / AFP]
Sergueï Skripal [Jean Michel CORNU / AFP]

Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a appelé vendredi la Russie à «coopérer» sur l'affaire Skripal, déclarant que l'alliance «ne voulait pas d'une nouvelle Guerre froide».

L'affaire a été ajoutée à l'agenda du sommet européen programmé les 22-23 mars à Bruxelles, d'où l'UE compte envoyer un «message clair», selon le président du Conseil européen Donald Tusk, qui s'est entretenu par téléphone avec Mme May.

A Moscou, le Comité d'enquête russe a annoncé vendredi l'ouverture d'une enquête pour «tentative d'assassinat» de Ioulia Skripal, mais aussi pour le «meurtre» à Londres de Nikolaï Glouchkov, un exilé russe et ancien partenaire de l'ex-oligarque et opposant au Kremlin Boris Berezovski. Glouchkov a été trouvé mort dans des circonstances inexpliquées lundi à Londres.

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