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Patrick Coulombel, cofondateur des architectes de l'urgence : «Le chantier de Notre-Dame coûtera moins d'un milliard, il ne faut pas mentir aux gens»

L'objectif du gouvernement est de reconstruire Notre-Dame avant les Jeux Olympiques de Paris en 2024 L'objectif du gouvernement est de reconstruire Notre-Dame avant les Jeux Olympiques de Paris en 2024[AFP]

Alors que l'établissement public qui prendra en charge la reconstruction de Notre-Dame de Paris entre en fonction à partir de ce mardi 3 décembre, le chantier pose problème à certains professionnels du secteur. C'est notamment le cas de Patrick Coulombel, cofondateur de la fondation Architectes de l'urgence.

Cet architecte de formation, qui publie un ouvrage Arrêtons l'amateurisme au nom de l'urgence, reproche régulièrement à l'Etat et aux ONG qui interviennent dans ce domaine leur manque de compétences en construction.

Pourquoi critiquez-vous l'appel aux dons de Notre-Dame de Paris ?

C'est un problème d'avoir lancé un appel aux dons sans indiquer de montant limite. Il aurait été bon de le dire. La somme récoltée est donc bien supérieure à ce qui est nécessaire. Nous ne savons pas non plus ce qui sera fait du surplus, alors que l'on pourrait le redistribuer autrement dans le patrimoine et des bâtiments, religieux ou non, qui ont besoin d'être sauvés.

Le chantier coûtera moins d'un milliard d'euros, il ne faut pas mentir aux gens. La construction totale de la plus grande tour du monde à Dubaï, le Burj Khalifa, avait ce budget. Donc même s'il s'agit d'un bâtiment historique, l'échelle de prix n'est pas la même.

Mais ce n'est pas le seul problème autour de ce chantier selon vous...

Un autre point concerne la réponse de l'Etat, à savoir la création d'un établissement public pour piloter la conservation du lieu. Nous n'avons plus de compétences en interne pour s'occuper de ce genre de chantier, car nous avons fait le choix de nous diriger vers des Partenariats public-privé. L'Etat se dégage de la construction en créant cette usine à gaz, et cela va coûter cher.

Est-ce que le délai imposé par Emmanuel Macron vous semble trop court ?

Non, je ne fais pas partie de ceux qui pensent cela. Pour reprendre l'exemple du Burj Khalifa, ce chantier avait duré cinq ans. C'est donc faisable pour Notre-Dame. 

Dans votre livre, vous critiquez également la construction dans les crises humanitaires.

En Haïti par exemple, près de dix ans après la catastrophe (un séisme de 7,3 sur l'échelle de Richter, ndlr), l'état du pays est dramatique. Le bilan humanitaire est un échec. Nous n'avons pas eu les bonnes stratégies, mais cela tient davantage de l'incompétence que de la mauvaise foi.

Or, il n'y a pas eu d'amélioration avec le temps au fil des crises. Premièrement, on ne construit pas de manière pérenne, tout est provisoire. Avec l'afflux massif de dons, il était possible de créer des infrastructures en eau et en électricité, mais cela n'a pas été fait.

La raison principale est que construire est un métier. Je suis architecte, et quand je vais sur des crises humanitaires je ne fais pas de médical. Pourtant l'inverse est souvent vrai. Résultat : on préfère laisser les victimes dans des cabanes en bois que d'investir sur le long terme, car cela est beaucoup plus compliqué. 

Pourquoi cela ne change pas ? 

C'est notamment dû au fait que les ONG sont dans un système opportuniste. Elles ne  sont pas vraiment les opérateurs de stratégie, elles les subissent. L'argent d'organisations comme l'Union européenne finance des stratégies qui leur sont propre. Dans ce cadre, il est hors de question de reconstruire, elles sont avant tout là pour aider dans l'urgence, et ne se cache pas de refuser de reconstruire mais de faire une aide.

De plus, comme pour l'Etat français avec Notre-Dame, elles n'ont pas les compétences nécessaires en interne. Cela doit évoluer pour éviter d'autres situations scandaleuses. Le modèle est inadapté à une aide durable par choix des financiers.

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