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#LoveArmy : qu’est devenu son créateur Jérôme Jarre ?

La «french success story» qui avait tant fait parler a malheureusement fini en eau de boudin. [Jamie McCarthy / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP]

Immense star des réseaux sociaux dans les années 2010 grâce à une incroyable popularité sur Vine, qui l’a fait connaître bien au-delà des frontières françaises, Jérôme Jarre avait lancé la #LoveArmy. Qu'est-il devenu ?

Une mission humanitaire au Bangladesh en 2017 avait fait grand bruit en mobilisant beaucoup de personnalités, certaines même directement sur le terrain comme Omar Sy et DJ Snake, pour un grand appel aux dons. Plus de 4,3 millions de dollars avaient été récoltés à l’appel de la star de Vine, Jérôme Jarre, et ses amis artistes et YouTubeurs dont Seb, Natoo, ou encore Mister V.

Après avoir commencé à se faire lui-même l’écho des actions menées avec cet argent, le jeune homme avait brusquement disparu des réseaux sociaux, dès 2019. Depuis, il est introuvable (ou presque) et des questions se font toujours pressantes : où est-il ? Qu’est concrètement devenu l’argent récolté ? Que s’est-il passé ? Une série documentaire mise en ligne ce 20 mars sur Prime donne enfin des réponses.

Beaucoup de bruit, de belles promesses et finalement un immense gâchis. C’est le sentiment que laisse la série documentaire «#LoveArmy : où es-tu Jérôme ?» quant à la mission humanitaire initiée par Jérôme Jarre en faveur des Rohingyas. 

Aux dernières nouvelles, qui remontent à l'année 2022, Jérôme Jarre allait mal, comme le rapportent les artistes et influenceurs qui l’avaient accompagné dans son aventure humanitaire #LoveArmy au Bangladesh. Celui qui s’était fait connaître avec ses pranks sur Vines vus des millions de fois à travers la planète s’était réinventé chantre de l’amour, d’abord pour faire «face à la morosité post-attentat» de Nice en France, en 2016, puis face à la misère des peuples en détresse en Somalie et ailleurs. Il avait disparu du jour au lendemain des réseaux sociaux, pour, comprend-on, échapper à une pression devenue insoutenable. 

Un «burn-out» médiatique

Charles Villa, reporter qui avait accompagné la star des réseaux sociaux de l’époque sur le terrain au Bangladesh, garde un souvenir amer de cette très médiatique mission. Son documentaire mis en ligne ce 20 mars sur Prime Video décrit Jérôme Jarre comme une sorte de capitaine - au vrai grand cœur - mais aux tendances mégalo rêvant de «refaire le monde», «arrêter des guerres», et même «renverser des gouvernements». Un jeune homme très soucieux de son image et doté, au mieux, d’une dangereuse naïveté, qui aurait quitté le navire quand il n’aurait plus été possible de cacher qu’il ne savait pas le manœuvrer et qu'il allait sombrer.

Consciemment ou pas (le doute reste encore un peu permis), Jérôme Jarre avait notamment fini par confier argent et clés des chantiers à des organisations peu scrupuleuses dont l’IHH, apprend-on. Une organisation très proche du président turc Recep Tayyip Erdogan et des milieux terroristes, comme le raconte l’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic, interrogé dans le documentaire. C’est d’ailleurs directement au président turc que Jérôme Jarre demandera de l’aide à plusieurs reprises, malgré la réputation sulfureuse du chef d’Etat qu’il prétend ne pas connaître...

Au moment du tournage de la série diffusée sur Prime, le dernier post de Jérôme Jarre remontait à 2022, tout comme ses derniers échanges avec les membres de la Love Army. Il avait quitté le terrain en mai 2018 et n’y serait jamais retourné, laissant dès lors les gens sur place dans un bourbier terrible, situation catastophique dont ils tentaient de lui faire prendre la mesure à distance.

Il avait confié à Cocovan, artiste membre de la Love Army, «avoir fait un burn out». Mister V confie l’avoir vu en 2019 à Paris, caché sous une capuche, loin, bien loin des bains de foule qu’il aimait tant prendre quelques années auparavant… Après un passage aux Etats-Unis, il serait retourné vivre en France chez sa mère. C’est ce qu’il avait en tout cas confié à Natoo alors qu’en 2022, on le disait en Afrique du Sud… Convié (sans succès) à prendre la parole face caméra dans la série documentaire, Jérôme Jarre est réapparu fin 2023 sur les réseaux sociaux pour parler de la Love Army après quatre ans de silence (à l'exception d'un rapport édité en juin 2022). Dans ses posts, il reconnaît quelques difficultés. 

Des résultats plus qu'éphémères

Dans un rapport, Jérôme Jarre affirme que tous les projets entrepris au Bangladesh par la Love Army ont été menés à bien. C’est pourtant loin, très loin des constats faits sur place par les ONG. Le rapport affirme ainsi que les 4,36 millions de dollars (4 millions d'euros) ont bien été versés aux organisations partenaires (dont 2,20 millions à l'IHH), ce qu'elles ont attesté, sans toutefois détailler très précisément à quoi a servi l'argent.

Une poignée de maisons qui ne tiennent pas debout (sur les 3000 promises), une clinique qui ferme pour «mauvais soins» (prodigués par des médecins en réalité pas diplômés) sont quelques-unes des tristes réalisations, sans compter l'inestimable coût des grands espoirs contrariés d’un million d’être humains dans le dénuement le plus total, à qui il avait même, grand seigneur, un jour promis d’acheter une île pour les loger… Bien conscient que le navire sombrait sous ses yeux, Jérôme Jarre ne s'est pourtant jamais départi de son sourire devant les caméras. Aurait-il concédé au moins des difficultés, la pilule aurait été plus facile à avaler pour ses collaborateurs...

Son action aura permis de vérifier l’immense force de frappe d’Internet. Peut-être aurait-il fallu qu’il mette son indéniable charisme, son sens de la communication et son carnet d’adresse au service d’ONG professionnelles, qu’il a tant critiquées dans les nombreuses conférences qu'il a animées, se félicitant jusqu'à Davos «de donner l’argent directement aux pauvres». 

La #LoveArmy aura été éphémère, malheureusement pas la souffrance des Rohingyas.

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