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Julien Boudon : «Si Donald Trump reste à la Maison Blanche après une défaite, ce serait un coup d'Etat»

Orage à venir sur la démocratie américaine ? Orage à venir sur la démocratie américaine ?[MARK WILSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP]

Transition pacifique ou crise politique durable ? La prochaine élection présidentielle américaine intervient dans un contexte de crise sanitaire, de crise économique et de fracture sociétale sans précédent. Loin de chercher à incarner l'unité de la nation, Donald Trump continue de miser sur sa base électorale, quitte à mettre l'intégrité du scrutin en jeu.

Cette question inquiète outre-Atlantique, et certains craignent un scénario catastrophe. Julien Boudon, professeur de droit public à l'université Paris Saclay et spécialiste du droit constitutionnel américain, n'imagine pas Donald Trump s'imposer à la Maison Blanche en cas de défaite. Ce qui n'augure pas forcément une transition cordiale. 

Donald Trump peut-il vraiment refuser le résultat de l'élection présidentielle en novembre ? 

Tout dépend des écarts. Car si nous avons une certitude, c'est que Joe Biden remportera le vote populaire, comme Hillary Clinton l'avait fait en 2016. Elle avait eu près de 3 millions de voix d'avance, mais le système électoral américain est fait de telle manière que quelques dizaines de milliers de votes dans trois ou quatre Etats ont fait basculer l'élection pour Donald Trump. Si, dans les Etats décisifs, Joe Biden est largement en tête, il sera difficile de contester. En cas de résultats serrés, le président sortant pourra rendre les choses plus difficiles. 

Est-ce que son rôle de président lui donne plus de pouvoir pour freiner le processus ? 

Non, il n'a pas plus d'outils que Joe Biden pour cela. Il y a plusieurs biais pour contester le résultat de l'élection. Dans les Etats républicains, si les résultats sont serrés, le gouverneur peut refuser de certifier les votes ou au contraire les authentifier s'ils sont favorables à Donald Trump. C'est ce qu'avait fait Jeb Bush en Floride en 2000 lors de la victoire finale de son frère George W. Bush. Toutes les contestations doivent être réglées 6 jours avant le vote du collège électoral, prévu le 14 décembre cette année. Le Congrès a l'autorité pour régler les litiges, et il faut que les deux chambres se mettent d'accord sur le gagnant. Si elles n'y arrivent pas, ce qui est probable puisque le Sénat est à majorité républicain et la chambre des représentants à majorité démocrate, c'est le gouverneur de l'Etat qui prend la décision, et cela devient très politique. 

La justice ne joue aucun rôle ?

Dès l'annonce des résultats, les républicains comme les démocrates peuvent attaquer la sincérité des résultats devant la justice des différents Etats. Seulement, comme le délai est court entre la fin du comptage et le vote du collège électoral prévu le 14 décembre, la Cour suprême pourrait se saisir de l'affaire, comme cela avait été le cas en 2000. Elle pourrait aussi intervenir en cas de litige pour éviter un choix du gagnant par un gouverneur partial. 

Pourquoi Hillary Clinton ne l'avait-elle pas fait en 2016 ? 

Elle aurait pu le faire, car dans quatre Etats il y avait moins d'1% d'écart. Elle avait le New Hampshire pour elle, et si elle remportait 2 des 3 autres Etats (Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin) accordés à Donald Trump, elle était présidente. Mais en cas de contestation, elle aurait pris le risque de perdre le New Hampshire, sans pour autant être sûre de gagner deux autres Etats. Je pense que le camp démocrate s'est dit que cela ne valait pas le coup. 

Est-ce que Donald Trump peut refuser une décision défavorable de la Cour suprême pour rester à la Maison Blanche malgré tout ? 

S'il reste à la Maison Blanche après une défaite, ce serait un coup d'Etat. Il se ridiculiserait et surtout il décrédibiliserait le système qui l'a porté au pouvoir. Je n'y crois pas. La seule chose que l'on puisse imaginer c'est une transition difficile. En temps normal, cela se fait «gentiment», là ce pourrait être épouvantable si Donald Trump perdait. Normalement, dans cette période qui précède l'investiture d'un président élu, son prédécesseur fait preuve de retenue dans les décisions difficiles. L'on pourrait s'attendre avec Donald Trump à des engagements plus forts, notamment au niveau militaire, pour mettre Joe Biden dans l'embarras dès le premier jour. 

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