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États-Unis : une école décide d’interdire «Maus», le prix Pulitzer d’Art Spiegelman sur l’Holocauste

Art Spiegelman Cette décision est contestée par Art Spiegelman, qui estime avoir contribué à «apprendre des choses» aux jeunes grâce à son ouvrage.[BERTRAND LANGLOIS / AFP]

Une école du Tennessee a banni de ses salles de classe un roman graphique primé sur l’Holocauste. En cause : plusieurs jurons et des illustrations de souris dénudées, façon dessin-animé.

C’est une décision «folle» pour Art Spiegelman, auteur du roman graphique Maus : Un survivant raconte, et fils de survivants d’Auschwitz.

L’auteur, qui a choisi d’illustrer la façon dont ses propres parents ont survécu à la Shoah à travers des figures de souris et de chats, s’est vu effacé des programmes scolaires d’une école du comté de McMinn dans le Tennessee.

Un langage «grossier et répréhensible»

En cause, selon le procès-verbal dressé par le conseil d’administration : l’utilisation de l’injure «god damn» («putain de Dieu») à plusieurs reprises et les dessins d’animaux dénudés, jugés indécents.

«Il y a un langage grossier et répréhensible dans ce livre», a déclaré le directeur de l’école, Lee Parkison, pour justifier une décision votée à l’unanimité.

Lee Parkison a poursuivi en expliquant avoir «consulté un avocat» : «nous avons décidé que la meilleure façon de gérer ce problème était de réécrire le livre… de se débarrasser des huit jurons et des dessins qui objectifient la femme. Cela n'a pas été possible.»

Tony Allman, membre du conseil d’administration, a soutenu cette décision. S’il a précisé avoir conscience de l’importance du devoir de mémoire, il a contesté la violence du propos.

«Ça montre des gens pendus, des scènes de meurtres d’enfants. Pourquoi le système éducatif promeut-il ce genre de choses ? Ce n’est ni sage, ni sain», a-t-il estimé.

«Normaliser la sexualité»

Le roman graphique a pourtant été récompensé de nombreux prix littéraires en 1992, dont le Pulitzer. Mais il délivrerait certains messages qu’il ne serait pas souhaitable d’inculquer aux enfants selon Mike Cochran, un autre membre du conseil.

«Nous n’avons pas besoin de ce genre d’ouvrages pour enseigner l’histoire aux enfants», a-t-il relevé. «Nous n’avons pas besoin de toute cette nudité et cette vulgarité.»

Il propose ainsi de revoir l’ensemble du programme, préoccupé par la présence d’œuvres qui tendent à «normaliser la sexualité, normaliser la nudité et normaliser le langage vulgaire» : «si j’essayais d’endoctriner des enfants, c’est comme ça que je m’y prendrais. Les enfants s’imprègnent de ce qu’on leur montre.»

Montée du conservatisme

Art Spiegelman s’est déclaré, dans une interview avec CNBC ce mercredi 26 janvier, «déconcerté» par cette décision. «Cela me laisse bouche bée», a confié l’auteur de 73 ans.

Ses parents ont tous deux été envoyés au camp de concentration d’Auschwitz. Traumatisée, sa mère s’est suicidée alors qu’il n’avait que 20 ans.

«J’ai rencontré tellement de jeunes qui ont appris des choses grâce à mon livre», a souligné l’écrivain. «Le Tennessee sombre manifestement dans la folie. Il se passe quelque chose de totalement détraqué là-bas.»

La décision intervient dans un contexte où des groupes conservateurs à travers le pays font campagne pour interdire certains livres des bibliothèques scolaires.

Sont notamment visés ceux qui abordent le sujet des origines ethniques, de la cause LGBTQ+ ou des communautés marginalisées.

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