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Guerre en Ukraine : la livraison de chars occidentaux est-elle un tournant ?

Utilisés en nombre, les chars occidentaux (ici, un Leopard 2 espagnol) pourraient donner un solide avantage aux Ukrainiens. [REUTERS/Ints Kalnins/File Photo]

La livraison annoncée de chars allemands et américains constitue une étape supplémentaire dans l'engagement des Occidentaux en Ukraine. Mais l'impact sur le terrain risque de se faire attendre.

Un tournant dans la guerre ? Après des semaines de tractations, les Etats-Unis et l'Allemagne ont enfin consenti, mercredi, à la livraison de chars lourds réclamés par l'Ukraine. Berlin, principal fournisseur de chars à travers l'Europe, a aussi autorisé les pays détenant des modèles Léopard 2 fabriqués en Allemagne à les exporter vers le front ukrainien.

En acceptant de livrer des blindés lourds, les Occidentaux accroissent un peu plus leur soutien armé à Kiev et montrent à Moscou qu'ils sont toujours aussi déterminés à créer les conditions d'une victoire ukrainienne près d'un an après le début du conflit.

Allemands et Américains dépassent surtout une ligne que certains rechignaient à franchir jusqu'alors, de peur d'alimenter une «escalade» et d'être vus comme «cobelligérants» par Moscou. Bien que, comme le rappelle l'institut Irsem, la fourniture d’équipements militaires ne constitue pas une cobelligérance, le Kremlin n'a pas manqué de dénoncer jeudi «l'engagement direct» des Occidentaux dans le conflit.

le tabou allemand brisé

Dès lors, peut-on réellement parler de tournant dans la guerre ? «S'il y a bien un pays pour qui c'est un tournant, ce n'est pas l'Ukraine, c'est l'Allemagne», juge le colonel Peer de Jong, ancien colonel des Troupes de Marine et vice-président de l'institut Themiis. «Pour la première fois depuis le début du conflit, le pays se retrouve en première ligne», explique-t-il.

En acceptant d'envoyer des chars, les Allemands – encouragés par les Américains – ont en effet brisé le tabou historique qui, depuis 1945, les dissuadait de s'impliquer trop personnellement dans un conflit armé. La symbolique est d'autant plus forte dans un pays comme l'Ukraine, théâtre des pires atrocités nazies durant la Seconde guerre mondiale.

une centaine de chars, suffisant ?

Si l'annonce germano-américaine a fait beaucoup de bruit dans les chancelleries, l'impact sur le terrain risque toutefois d'être beaucoup moins éclatant.

La centaine de chars promise par une douzaine de pays peine à combler les pertes ukrainiennes, qui se chiffrent à plusieurs centaines de blindés selon les sources. «Ça ne va pas changer le cours de la guerre. Il y a là un effet de communication», assure Peer de Jong.

«Pour être efficaces, les chars doivent être utilisés en groupe. Le but est de les concentrer un maximum pour percer les défenses ennemies. D'où l'importance du nombre», poursuit le colonel.  

le temps presse

Selon l'expert militaire, il faudra par ailleurs attendre un peu avant de voir des chars occidentaux sur le front russo-ukrainien. Outre le délai de livraison – «fin mars, début avril» pour les chars allemands, sans doute plus tard pour les américains – il faut compter plusieurs semaines pour former les soldats ukrainiens au maniement de ces blindés très sophistiqués.

«Les chars Leopard sont plus lourds d'une dizaine de tonnes, ça nécessite des adaptations, notamment pour le franchissement des ponts», abonde Peer de Jong.

Mais le temps presse. Si Kiev veut mener une nouvelle contre-offensive, comme certains analystes le prédisent, il faut agir avant le printemps, synonyme de fonte des neiges et de risques d'enlisement pour les chars.

avantage technologique

Utilisés en nombre suffisant, les chars occidentaux pourraient donner un solide avantage technologique aux Ukrainiens qui font face à des chars russes vieillissants.

Le char allemand Leopard 2, reconnu mondialement, affiche des caractéristiques supérieures au modèle soviétique russe, notamment la capacité de pouvoir tirer en roulant avec une grande précision. Très maniable, doté de 450 km d'autonomie et 1.500 chevaux, il possède également une «protection passive intégrale» qui le protège des mines et autres lance-roquettes.

Le Leopard est le modèle le plus répandu en Europe. Près de 2.000 modèles stationnent actuellement dans différents pays, ce qui pourrait permettre de constituer rapidement un parc de chars homogène.

Gare, en effet, à la confusion que pourrait créer une trop grande diversité de modèles. Car outre les Leopard allemands et les Abrams américains, le Royaume-Uni avait déjà annoncé à la mi-janvier la livraison de chars Challenger, tandis que la France se tâte à envoyer ses chars Leclerc. 

Difficile de prédire si les armes occidentales seront suffisantes pour repousser durablement l'occupant russe. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a mis la barre encore plus haut, mercredi, en réclamant des missiles de longue portée et des avions de combat.

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