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Proche-Orient : en quoi consisterait la coalition anti-Hamas proposée par Emmanuel Macron ?

En déplacement au Proche-Orient, Emmanuel Macron a rencontré le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas pour évoquer une coalition internationale contre le Hamas. [Christophe Ena / POOL / AFP]

En déplacement au Proche-Orient dans le cadre du conflit qui oppose Isräel et le Hamas, Emmanuel Macron a proposé une «coalition» internationale pour «lutter» contre cette organisation terroriste palestinienne, sur le modèle de l’alliance créée en 2014 pour combattre Daesh.

Comme en Israël face à Benjamin Netanyahou un peu plus tôt, le président français a proposé au président palestinien Mahmoud Abbas de créer une nouvelle coalition internationale, ou d'étendre au combat contre le Hamas celle qui existe depuis 2014 pour lutter contre Daesh en Syrie et en Irak, à laquelle participent la France mais aussi des pays arabes. Une proposition qui s'annonce néanmoins extrêmement complexe à mettre en place et qui ne fait pas consensus en France. 

Des contours encore flous

Alors que la France a confirmé le droit d'Israël à se défendre dans le respect du droit international après l'attaque sanglante perpétrée par le Hamas sur son territoire, le 7 octobre dernier, Emmanuel Macron a formulé une proposition concrète à l'Etat hébreu et à l'autorité palestinienne : «bâtir une coalition régionale et internationale» pour «lutter» contre l'organisation terroriste.

Néanmoins, les contours de cette proposition demeurent flous, avec deux possibilités qui émergent : organiser l'extension de la coalition internationale créée en 2014 sous la houlette des Etats-Unis pour combattre Daesh, ou bien en créer une réplique indépendante. Selon le président français, il s'agirait dans un premier temps que la coalition anti-Daesh élargisse ses prérogatives pour «lutter aussi contre le Hamas». «Le premier objectif est la libération de tous les otages, sans aucune distinction», a-t-il martelé. 

Toutefois, l'Elysée a immédiatement nuancé en expliquant qu'il s'agissait «de s'inspirer de l'expérience de la coalition internationale contre Daesh et voir quels aspects sont réplicables contre le Hamas». «Nous sommes donc disponibles pour réfléchir, avec nos partenaires et Israël, aux pistes d'actions pertinentes contre le Hamas. Ce sera ensuite aux partenaires et notamment à Israël d'exprimer leurs besoins», a précisé l'Elysée. 

Par ailleurs, les coalitions contre les groupes terroristes ne se limitent pas à des opérations sur le terrain. Dans le cas de la coalition contre Daesh, des forces irakiennes étaient formées, et les partenaires partageaient des informations, notamment sur la lutte contre le financement du terrorisme. Si certaines de ces missions, qui englobent la stabilisation et la reconstruction de zones libérées, peuvent avoir leur place dans la lutte contre le Hamas, le président a mis en garde contre «une conflagration régionale dont chacun sortirait perdant».

peu de chances d’aboutir

Pour l'heure, les experts doutent de la possibilité d'étendre ou de répliquer la coalition à l'encontre de Daesh. En effet, cette coalition globale regroupe à ce jour 86 membres dont l'Otan, l'Union européenne et la Ligue arabe. Il y a «au moins une unanimité diplomatique de façade» dans la lutte contre ce groupe jihadiste, souligne Elie Tenenbaum de l'Institut français des Relations Internationales (IFRI). En revanche, parmi ses membres, dont Israël ne fait pas partie, «de nombreux pays ne partagent absolument pas la position de la France sur le Hamas», a-t-il poursuivi, citant entre autres le Liban, le Qatar, la Jordanie, la Libye ou l'Irak.

Autre problème, certains membres sont ouvertement hostiles à Israël, notamment Bagdad, qui ne reconnaît pas l'existence-même du pays, ou encore Tripoli, qui n'entretient aucune relation avec son gouvernement. Malgré une normalisation des rapports bilatéraux entre Israël et plusieurs pays arabes via les accords d'Abraham signés en 2020, la faisabilité de l'extension du périmètre de la coalition globale contre Daesh à la lutte contre le Hamas paraît ainsi hautement improbable.

D'autant plus que le Hamas, contrairement à Daesh qui était isolé, dispose d'alliés puissants dans la région, comme le Hezbollah libanais, soutenu par l'Iran, ennemi intime d'Israël. Selon Renad Mansour, chercheur principal au centre de réflexion Chatham House, la tâche serait «beaucoup plus ardue» pour une telle coalition, qui apparaîtrait en outre comme une structure pro-israélienne, quand nombre de gouvernements arabes sont pro-palestiniens et bien plus favorables au Hamas.

Et pour cause, Daesh s'était emparé de certains territoires syriens et irakiens, notamment Mossoul ou Raqqa, qu'il gouvernait de manière très brutale, commettant régulièrement des atrocités contre la population locale. La coalition internationale bénéficiait donc d'un large soutien local et régional pour éliminer Daesh. Le mouvement islamiste palestinien a quant à lui pris le pouvoir dans la bande de Gaza après sa victoire aux élections de 2006. Et si aujourd'hui la population manque de tout, elle ne défie pas, pour l'heure, ouvertement le Hamas.

La France divisée sur la question

En France, le président des Républicains, Eric Ciotti, a approuvé ce mercredi l'idée avancée par Emmanuel Macron de créer une coalition internationale contre le Hamas qui contrôle la bande de Gaza, projet en revanche rejeté par la gauche et l'extrême-droite.

«J'approuve l'idée d'une coalition la plus large possible qui détruise le Hamas qui est une abomination, une organisation terroriste qui a mis en place un scenario d'assassinats délibérés le 7 octobre en Israël», a assuré le député LR sur France Inter. Pour lui, outre le droit humanitaire, «il y a aussi un droit international à combattre le terrorisme» et «la disparition, l'éradication du Hamas» est un «préalable à toute évolution diplomatique» au Proche-Orient. 

Une coalition sur le modèle de ce qui existe contre Daesh serait «une bonne initiative», a abondé le président (LR) de la commission des Affaires étrangères du Sénat, Cédric Perrin, reconnaissant néanmoins que «c'est difficile à mettre en œuvre». Emmanuel Macron «joue sa partition, son discours est équilibré, mais c'est une partition loin d'être réaliste», a-t-il concédé. 

À l'inverse, pour le député socialiste Jérôme Guedj, la proposition formulée par le chef de l'Etat est «un coup diplomatique» qui a «fait assez rapidement pschitt» et «décrédibilise la parole de la France» à l'international. Il a regretté sur Franceinfo «cette espèce de surprise du chef de transposer un dispositif à une situation qui n'est pas la même quand Daesh se développe en Syrie et en Irak où l'enjeu était de contenir une progression territoriale» alors que «le Hamas n'agit que sur le territoire de la bande de Gaza». 

Emmanuel Macron «a sorti une annonce de son chapeau dont manifestement ni le Quai d'Orsay ni ses services à l'Elysée ne sont au courant», a critiqué de son côté le président du Rassemblement national Jordan Bardella, dénonçant le «flou» de la proposition. «Est ce que ça veut dire déployer des troupes au sol et des troupes de l'armée française sur le territoire de la bande de Gaza ?», a-t-il interrogé, estimant par ailleurs que de nombreux pays, comme le Qatar, la Jordanie ou l'Arabie saoudite refuseraient d'y participer.  

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