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Hamas : comment est née cette organisation terroriste et comment s'est-elle implantée dans la bande de Gaza ?

Des membres de l'académie de police formés et dirigés par le Hamas dans la bande de Gaza. [SAID KHATIB / AFP]

Né en 1987 dans le contexte de soulèvements populaires contre l’annexion des territoires palestiniens par Israël, le Hamas, de son vrai nom «mouvement de résistance islamique» a pris racine dans le conflit israélo-palestinien, refusant la moindre légitimité de l’Etat hébreu, au prix de nombreuses guerres et de bains de sang.

Vaincre les terroristes islamistes du Hamas. C’est la promesse avancée par le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, après les attaques sanglantes perpétrées sur le sol d’Israël, ce samedi 7 octobre, par des forces coordonnées de la branche armée du Hamas. Ennemi juré d’Israël, dont il n’a jamais reconnu l’existence, le Hamas trouve ses racines dans l’histoire du conflit israélo-palestinien et s’inscrit aujourd’hui comme une organisation terroriste aux yeux des Occidentaux.

Fondé en 1987 par le Sheikh Ahmed Yassin, Abdel Aziz al-Rantissi et Mohammed Taha, tous trois issus des Frères musulmans, une organisation islamique née en Égypte au début du XXe siècle, le Hamas est un mouvement palestinien constitué d'une branche politique et d'une branche armée, dont l’idéologie prône la destruction de l’État d’Israël, et l'instauration d'un État islamique palestinien. Le Hamas est principalement actif à Gaza qu'il administre seul depuis juin 2007, après sa victoire aux élections législatives et l'éviction de l'autorité palestinienne à la suite d'une guerre civile.

Origine de l’organisation

À la fin du XIXe siècle, il n’y a pas d’Israël mais il y a bien la Palestine, une province de l’ancien empire ottoman habitée par une population arabe composée d’environ 80% de musulmans, 10% de chrétiens et 10% de juifs. Au même moment en Europe, l’antisémitisme se répand à travers le continent et pousse de nombreux juifs à fuir vers la Palestine. Pourquoi la Palestine ? Car il s’agit d’un territoire symbolique pour le peuple juif correspondant, selon la tradition, à la terre promise par Dieu à Abraham, le père du judaïsme, et à ses descendants. C’est ainsi que va naître le Sionisme, un mouvement politique qui aspire à donner aux juifs un territoire national, et qui sera combattu par le Hamas.

Après la Première guerre mondiale et la défaite de l’empire ottoman face aux Anglais, ce sont près de 180.000 juifs qui arrivent en Palestine. À cette époque, un certain nombre d’habitants de la région voient cette arrivée d’un mauvais œil, et organisent une résistance, multipliant les révoltes. En 1939, la Seconde guerre mondiale éclate et six millions de juifs sont tués par les nazis dans toute l’Europe. L’immigration juive vers la Palestine s’accentue entraîne l'intensification des tensions entre les peuples juifs d’un côté et Arabes de l’autre. 

En 1947, pour tenter de calmer la situation, l’ONU adopte un plan qui prévoit la création sur le territoire palestinien d’un État juif (Israël) et d’un État arabe (la Palestine) tout en laissant sous pavillon international la ville de Jérusalem. Ce plan est accepté par la communauté juive mais rejeté par la communauté arabe de la région et par tous les pays voisins de la Palestine. À cette époque 1.300.000 Arabes et 600.000 juifs vivent en Palestine, tandis que le plan prévoit l’attribution de 55 % du territoire à Israël, occasionnant ainsi le sentiment d’une profonde injustice qui constituera plus tard, l’une des raisons de la création du Hamas.

L'officialisation de l’État d’Israël est donc l’événement qui va engendrer une période de plus de 70 ans de conflit, marquée par de nombreuses guerres, toutes gagnées par Israël, qui donneront lieu à des annexions de territoires. Cette période est aussi marquée par des soulèvements populaires (Intifada) réprimés dans le sang par Israël, qui feront des milliers de morts du côté des pays arabes. Un contexte qui va générer un important sentiment d’injustice, de colère et parfois de haine à l’égard d’Israël de la part des populations locales, créant ainsi les racines du Hamas, et amenant cette organisation à se doter d’une branche militaire, pour faire face à l’armée d’Israël.

une Arrivée au pouvoir des islamistes

Il faut ensuite attendre 2006, après le retrait des troupes israéliennes dans la bande de Gaza, pour que le mouvement islamiste créé en 1987 gagne ses premières élections législatives en Palestine avec 76 sièges sur 132 au Parlement. Le Hamas l’emporte au détriment du Fatah, le parti de Yasser Arafat, qui représente traditionnellement les revendications palestiniennes. Mais le résultat du scrutin n’est pas reconnu par une grande partie de la communauté internationale car le Hamas prône la destruction de l’État israélien, refuse les accords d’Oslo, et souhaite la création d’un État islamique palestinien.

Le scrutin n’est pas non plus reconnu par le Fatah, faisant éclater des tensions et des affrontements qui atteignent leur paroxysme en 2007. Ainsi, le 15 juin 2007, à la suite de ce qui s'apparente à une guerre civile entre le Hamas et le Fatah qui occasionnera 113 morts, les forces de sécurité du Hamas prennent le contrôle de la bande de Gaza, évinçant totalement le Fatah du territoire.

isolement de Gaza

Après l’arrivée au pouvoir du Hamas, la bande de Gaza va connaître un isolement radical. D’abord géographique, puisque le territoire se retrouve éloigné de ses voisins, sans aucune possibilité de contact avec la Cisjordanie, et donc avec Jérusalem. Mais aussi diplomatique, puisqu'Israël arrête le versement des droits de douane et instaure un blocus afin de limiter les importations de produits sur le territoire, et de réduire l'alimentation de la zone en électricité et en eau. De leur côté, les États-Unis et l’Union européenne stoppent leurs aides financières.

À cette fracture géographique des territoires palestiniens s’ajoute une fracture politique et idéologique avec d’un côté la Cisjordanie contrôlée par le Fatah, parti de l’actuel président de l’autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et interlocuteur reconnu par la communauté internationale, et de l’autre Gaza, contrôlée par le Hamas, qui refuse l’arrêt de la lutte armée contre Israël. Cette instabilité politique combinée à la guerre idéologique menée par le Hamas conduiront à de multiples combats armés avec Israël, occasionnant de très nombreuses victimes, de part et d’autre, avec toutefois un nombre plus élevé de morts du côté arabe.

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Carte du blocus de la bande de Gaza, tiré du rapport de l'ONU d'août 2012 : «Gaza in 2020 : a liveable place ?» © Nations unies

Cette lutte armée se traduit notamment par des tirs de roquettes dont la portée s'est accrue au fil des années, jusqu'à atteindre Jérusalem, Tel Aviv et Haïfa en 2014. Toutefois, entre 75 et 90% des roquettes tirées par Gaza seraient interceptées par le dôme de fer israélien, un dispositif de protection anti-missile importé et financé par les États-Unis, dont ne dispose pas le Hamas, et qui justifierait, selon eux, la différence entre les pertes civiles des deux opposants. 

À cet égard, le Hamas est notamment accusé par Israël d’utiliser une stratégie de «bouclier humain», c’est-à-dire de dissimuler des cachettes pour les armes ou pour les lancements de roquettes à proximité de la population palestinienne, dans des écoles, des maisons ou même dans des hôpitaux. Selon les autorités israéliennes, cela justifierait l'importance du nombre de décès de civils palestiniens. Si le Hamas nie ces accusations, des spécialistes estiment qu’il serait difficile pour Israël de ne pas faire autant de victimes en tirant des roquettes sur une zone aussi densément peuplée par rapport à sa taille.

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Politique actuelle et revendications

Aujourd’hui, l’offensive du mouvement palestinien a fait voler en éclats l’idée que le processus de normalisation israélo-arabe allait pacifier la région et que la question palestinienne était devenue un sujet secondaire. Au contraire, sur le plan géopolitique, le Hamas est considéré comme un allié proche de l'Iran, ce dernier lui fournissant armes et financement. Selon plusieurs spécialistes de la région, l’Iran pourrait donc avoir joué un rôle prépondérant dans ces attaques, dont l’objectif secondaire pourrait être de faire capoter le rapprochement entre Israël et l’Arabie saoudite, rival historique de l’Iran, sur fond de domination du monde arabe.

Depuis Riyad, Tel-Aviv et Washington, la normalisation entre l’Arabie saoudite et Israël semblait pourtant sur de bons rails. Le royaume saoudien négociait avec les Américains pour finaliser les détails d’un pacte de sécurité et d’un programme nucléaire, en échange de la reconnaissance de l’État hébreu. Mais l’attaque meurtrière de ce samedi 7 octobre est venue enrayer sérieusement le processus, les États-Unis ayant immédiatement soutenu Israël, et l’Arabie saoudite s’étant rangée, au péril d’un revirement politique, derrière la «résistance palestinienne».

De fait, le Hamas joue donc un rôle, à dessein ou non, dans une lutte qui le dépasserait pour une suprématie régionale. Et pour cause, un accord de normalisation avec l’Arabie saoudite serait, pour le Hamas et ses soutiens au sein de «la résistance» contre Israël emmenée par l’Iran, plus dangereux que le rapprochement scellé en 2020 par les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Maroc avec l'État hébreu, car il reporterait définitivement au second plan la question palestinienne, censée être la véritable motivation de ces attaques sanglantes.

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