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Homophobie dans le football : il y a «une tradition, une culture et une omerta qui est très forte», explique le psychologue du sport Anthony Mette

D'après Anthony Mette, il y a un «gros écart» entre les actions mises en place contre l'homophobie dans les clubs départementaux ou régionaux et ce qui est fait à l'échelle nationale. [Unsplash/Emilio Garcia]

Alors que la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, a demandé des sanctions après des chants homophobes lors du match PSG-OM le 24 septembre dernier, le psychologue du sport Anthony Mette analyse pour CNEWS le problème récurrent de l'homophobie au sein du football français.

Soulevé depuis des années, le problème de l'homophobie au sein du football n'est visiblement pas réglé. Dimanche 24 septembre, des chants homophobes ont à nouveau retentis dans les tribunes du Parc des Princes, à l'occasion du clasico PSG-OM.

La commission disciplinaire de la Ligue professionnelle de football (LFP) a été saisie mais, pour Anthony Mette, psychologue du sport et préparateur mental, «il y a une omerta très forte».

Ce dernier a travaillé à plusieurs reprises sur le sujet et notamment en 2013, lorsqu'il a mené une enquête avec l'association Paris Foot Gay. Les joueurs de 13 clubs de Ligue 1, Ligue 2 et National avaient été interrogés, révélant que 41% des footballeurs pros et 50% des jeunes en formation exprimaient des opinions hostiles à l'homosexualité.

Cette homophobie récurrente est-elle spécifique au football ?

Non, on la retrouve dans tous les sports parce qu'il y a des facteurs qui sont culturels. La plupart des sports ont été construits et pratiqués en premier lieu par des hommes, avec des critères de virilité et de masculinité dits «traditionnels». Aujourd'hui on peut se questionner sur ce qu'est être viril, sur ce qu'est être masculin, et c'est un vaste débat.

En matière d'homophobie dans le sport, le phénomène de groupe joue beaucoup et il y a aussi le fait qu'on n'en parle pas : les sportifs gays ne veulent pas dire qu'ils le sont. Dans ce contexte, les footballeurs gays arrêtent très tôt de jouer, vers 14, 15 ou 16 ans, à part quand ils sont vraiment très bons.

Quand j'étais chercheur sur la question, les dirigeants et les fédérations me disaient souvent «on n'a pas d'affaire». Sous-entendu, on n'a pas de sportif gay donc on n'a rien à faire pour eux. Ce qui est faux, il y en a plein mais ils ne veulent pas le dire. L'homophobie ne concerne pas que le foot mais dans ce sport en particulier il y a une tradition, une culture et une omerta qui est très forte.

Quelles sont les conséquences de la banalisation des insultes homophobes que l'on entend dans les chants de certains supporters ?

Ce qui à mon sens est le plus dérangeant, c'est l'influence éducative très forte que ça peut avoir sur les jeunes sportifs et téléspectateurs. Je ne pense pas que les supporters les plus virulents se rendent compte de ça.

C'est terrible d'entendre ces insultes pendant les matches à la tv ou à la radio, mais je pense que c'est encore pire de les entendre à l'entraînement, en terrain amateur par exemple. Il faut que ce soit interdit partout, en tribunes comme sur le terrain.

Est-ce que des actions sont menées pour lutter contre l'homophobie dans le football ?

Il y a des ligues qui font de la sensibilisation mais de mon point de vue, il y a un gros écart entre les actions faites à une échelle de club, de département, de région et l'échelle nationale. La Fédération française de football (FFF) est clairement larguée sur tout ça. Il y a un vrai clivage qui est aussi générationnel à mon avis.

Pourtant, sur la question des supporters, je pense que le problème peut vite être réglé s'il y a un vrai travail de prévention avec les clubs, le ministère et la Fédération. C'est une question de volonté politique, il faut marquer le coup, faire un exemple, interdire ça et être ferme là-dessus.

Il faudrait suivre la même politique que celle mise en place par la Fifa et l'UEFA contre le racisme. Aujourd'hui on condamne tous les faits, les actes et les paroles à caractère raciste. Il faut adopter la même logique en matière d'homophobie.

Pendant un temps, les matchs ont été stoppés en cas d'insultes homophobes : est-ce une bonne solution ?

Ca demande à être débattu avec les instances mais je pense que symboliquement il va falloir en passer par là. Plus largement, il faut une cohérence entre le ministère, la FFF, les ligues régionales et la LFP. Il faut une politique sur le long terme, avec des formations et un plan d'action très concret pour voir des changements de comportement et de mentalité d'ici cinq à dix ans.

Ca aiderait aussi d'avoir un exemple, un footballeur gay. Tant qu'il n'y a pas de role model, comme on dit en anglais, ça ne marque pas suffisamment les mentalités, il n'y a pas le déclic.

En matière d'inclusivité on peut aussi s'inspirer des pays nordiques qui sont plutôt en avance sur nous, notamment grâce à l'intégration des joueuses au sein des entraînements dans les clubs. Plusieurs travaux ont montré que plus un groupe est mixte, plus il est tolérant. L'échange entre filles et garçons casse les codes genrés, ça apporte de la nuance et de la tolérance. C'est une vraie piste pour tous les centres de formation.

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