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Tout comprendre à la 5G

Vitale pour l'industrie 4.0, essentielle pour une agriculture connectée, indispensable pour accompagner nos usages Internet de demain, le réseau mobile de 5e génération, ou 5G, doit révolutionner la décennie 2020.

Toutefois de nombreuses zones d'ombres accompagnent son développement. Nous avons demandé à Alain Sibille, chercheur et professeur à Télécom-Paris (Institut Polytechnique de Paris), de passer en revue différentes facettes de cette technologie.

Que va changer la 5G dans notre quotidien ?

Alain Sibille : Concrètement, si la 5G promet de meilleurs débits, ses usages iront bien au-delà du smartphone. Celle-ci va également améliorer la communication de machine à machine. Si l'Internet des objets (IOT) existe depuis des années, la 5G va faire chuter les coûts, ouvrant une utilisation plus large des capteurs connectés. L'industrie, l'automobile, la médecine ou encore l'agriculture s'en trouveront impactées, car le réseau 5G offre une très grande fiabilité avec une faible latence. A l'avenir, on verra donc les voitures autonomes communiquer entre elles, par exemple, tandis que les faibles latences permettront de développer la téléchirurgie pour opérer un patient à distance, notamment.

Les différences de débit se verront-elles tout de suite ou bien la vraie 5G arrivera-t-elle plus tard ?

Lorsque nous sommes passés de la 3G à la 4G, les débits étaient importants au début, mais après cela s'est tassé à mesure que le nombre d'utilisateurs a augmenté. Pour la 5G, il y aura du débit avec une plus grande fluidité, mais beaucoup de services, qui n'étaient pas envisageables sous la 4G, vont se créer. Le plein potentiel de la 5G viendra plus tard, lorsqu'on passera à un cœur de réseau de 5e génération. Au lancement, nous aurons donc des greffons de 5G qui viendront s'ajouter à un cœur de réseau 4G, qui sera forcément limité. En outre, il faut également se pencher sur la question des fréquences et notamment des longueurs d'ondes millimétriques. Les fréquences classiques sont inférieures à 6 GHz et en France elles seront entre 3,4 et 3,8 GHz [NDLR : La 4G possède des bandes entre 700 MHz et 2,6 GHz]. Il faut savoir que plus on monte dans les fréquences, plus leur portée diminue. Les cellules de la 5G devront être un peu plus petites que pour la 4G, il faudra donc plus d'antennes 5G pour couvrir une même zone par rapport à la 4G.

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Comment fonctionne une antenne 5G ?

De générations en générations, les standards ont évolué sur ce point. Les antennes 5G intègrent des modes silencieux et semi-silencieux, c'est à dire qu'elles ne rayonnent pas en permanence, notamment pour des raisons écologiques, mais aussi pour réduire la facture énergétique, car une antenne qui fonctionne en permanence consomme beaucoup d'énergie. Parallèlement, les antennes 5G intègrent des panneaux qui permettront de communiquer de manière différenciée vers les utilisateurs et très peu dans les autres directions, contrairement à la 4G qui rayonne quant à elle en permanence dans tout un secteur. C'est une novation 5G utile pour réduire les rayonnements, sauf dans les cas où il y a un grand nombre d'utilisateurs connectés dans la cellule. A usage équivalent, on peut donc dire que la 5G rayonnera moins que la 4G. En revanche, les usages vont augmenter et les besoins de communication réseau devront suivre. Donc globalement, ça ne devrait pas baisser. Il ne faut pas oublier aussi qu'à un moment la 2G et la 3G vont finir par disparaître. Il y aura donc une augmentation progressive et plus modérée.

Il faut relativiser l'impact des ondes sur nos organes.

Est-elle dangereuse pour la santé ?

Le débat autour de l'impact des ondes sur la santé est ouvert depuis des décennies, mais aujourd'hui rien n'a encore été formellement démontré. Il faut savoir que les normes sont déjà assez restrictives. On ne peut formellement affirmer que le risque n'existe pas, mais il n'y a toujours pas de cause physiologique identifiée. Concernant la 5G, il faut tenir compte des différences de fréquence avec la 2G, la 3G et la 4G. Il faut savoir que plus on monte en fréquence moins les ondes pénètrent dans le corps. Il faut donc relativiser l'impact des ondes sur nos organes. Ainsi, les ondes millimétriques entre 25 et 28 GHz ne pénètrent pas plus loin que la peau et quelques millimètres. 

Du côté des terminaux (smartphones, tablettes...), il peut y avoir une concentration des énergies sur un endroit en particulier (oreille, main) mais il n'est pas du tout évident que ceci puisse être facteur de risque. Par ailleurs, les inquiétudes exprimées concernent souvent les antennes réseaux et le fait qu'elles se rapprochent des utilisateurs. Or, pour avoir une bonne couverture réseau, il faut un certain niveau de puissance et donc plus une antenne est loin, plus elle doit être puissante. Dans le cas des antennes 5G, celles-ci seront plus proches mais également moins puissantes car l'atténuation est nettement plus faible, la puissance moyennée sur l'ensemble d'un réseau est donc plutôt moindre de ce seul fait.

La France est-elle en retard par rapport à ses voisins européens ? L'Europe a-t-elle déjà perdu la bataille de la 5G ?

Notre pays était leader des télécoms, il y a 30-40 ans. Maintenant même si ce n'est plus le cas il ne faut pas oublier que la 5G obéit à des normes internationales qui ne sont que partiellement finalisées. La crise économique ne doit pas être prétexte à beaucoup repousser la 5G, et dans ce cas le retard ne sera pas un grand problème, même si les Etats-Unis et la Corée du Sud par exemple sont en avance.

Pourquoi cette technologie est-elle au cœur d'enjeux géopolitiques ?

En effet, il y a des risques géostratégiques. Par exemple, dès lors que la 5G va permettre de gérer des équipements critiques et de sécurité, si une puissance étrangère est capable d'appuyer sur le bouton OFF en opérant à distance un composant caché, il y a évidemment danger. Toutefois la position de Donald Trump [NDLR : qui accuse la Chine d'espionnage] s'inscrit aussi dans une guerre économique, qui nous concerne aussi directement ou indirectement. Aujourd'hui, l'Europe et la France, notamment, paient des erreurs stratégiques après avoir laissé d'autres pays prendre le leadership.

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