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Ann Druyan, la productrice de «Cosmos» : «Un avenir radieux est encore possible»

Ann Druyan est la productrice de la série documentaire "Cosmos : Nouveaux Mondes" à découvrir à partir du 15 mars prochain, à 21h, sur National Geographic. [Amy Sussman / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP]

La productrice Ann Druyan revient sur National Geographic avec «Cosmos : Nouveaux mondes», la 3e saison d’une série documentaire entamée en 1980 par l’astronome et scientifique Carl Sagan dont elle fut l’épouse.

Déclinée en 13 épisodes, et animée par l’astrophysicien Neil deGrasse Tyson – qui avait déjà assuré la narration de la saison 2 baptisée «Une odyssée à travers l’univers» en 2014 – la série documentaire «Cosmos : Nouveaux mondes» effectue un voyage dans le temps à la rencontre des héros méconnus ayant sacrifié leur vie au nom de la science, et se projette dans l'avenir à la découverte des exoplanètes susceptibles d'être colonisées par les générations futures. Les téléspectateurs découvrent également l'incroyable richesse de la vie sur Terre, aussi bien chez les espèces animales que végétales.

A l'occasion de la diffusion de «Cosmos : Nouveaux mondes» le 15 mars prochain, à 21h, sur National Geographic, Ann Druyan a accepté de répondre aux questions de CNEWS afin de présenter cette troisième saison, mais aussi d'évoquer le défi que représente le réchauffement climatique pour l'espèce humaine, et si celle-ci sera capable de se montrer à la hauteur de l'enjeu.  

Qu’est-ce que représente pour vous cette 3e saison de «Cosmos» ?

J’en suis extrêmement fière. 937 personnes ont travaillé sur cette série documentaire, et tous étaient engagés et heureux de participer à une aventure aussi passionnante. Donc pour moi, ce nouveau chapitre de «Cosmos» est une joie immense.

Quel est le but recherché à travers cette série documentaire ?

L’objectif principal est de montrer, à la plus large audience possible, que l’être humain possède les qualités nécessaires pour faire face aux défis du changement climatique et de la menace qui pèse sur la biodiversité. Montrer que nous nous sommes déjà retrouvés dos au mur auparavant. Toutes les histoires que nous évoquons dans la saison 3 de «Cosmos» sont autant de preuves qu’un avenir radieux est encore possible. Pas le futur sombre et triste dépeint dans certaines dystopies de la culture populaire, mais un qui sera à la mesure de ce que nous souhaitons pour nos enfants.

Pour cela, il faut que nous acceptions d’écouter ce que les scientifiques nous disent depuis plusieurs décennies sur l’état de la planète. Si nous prenons à cœur leurs propos, je sais que nous pourrons agir pour la défense de notre civilisation, mais aussi celle des autres espèces que nous détruisons, à l'heure actuelle, sans aucun état d’âme.

«Cosmos» explore les découvertes les plus importantes de l’Humanité à travers le destin de pionniers de la science. Lesquelles vous intrigue le plus ?

Il y en a deux qui me fascinent particulièrement, et qui restent méconnues à ce jour. La première concerne le premier homme (Alexandre Chargueï, également connu sous le nom d’Iouri Vassilievitch Kondratiouk, ndlr) à comprendre qu’il était possible d’aller sur la Lune à un moment où il se trouvait dans une tranchée pendant la Première Guerre Mondiale. Sa vie a été marquée par de nombreuses épreuves. Il n’a jamais connu la gloire, ni récolté les fruits de son travail de son vivant. Et pourtant, ses découvertes se sont révélées primordiales pour la réussite du programme Apollo. C’est lui qui a notamment conçu la technique du «rendez-vous en orbite lunaire». Cela à une époque où l’être humain n’en était qu’aux balbutiements de l’aviation, rappelons-le. Et je suis ravie de pouvoir raconter son histoire, car personne ne l’avait fait auparavant.

L’autre histoire concerne un homme qui fut célèbre au début du XXe siècle (Nikolaï Vavilov, ndlr). Celui-ci avait fait un rêve – peut-être plus grand encore que d’aller sur la Lune – dans lequel plus aucun individu dans le monde ne souffrirait de la faim. Mais il s’est retrouvé à un moment de l’Histoire où dire la vérité pouvait vous coûter la vie. Et quand il a vu que son gouvernement préférait faire la promotion de pseudosciences, il s’est dressé face à ses dirigeants, sachant pertinent que cela le conduirait à la mort, en refusant de mentir et de trahir la science.

Les êtres humains sont de grands menteurs. On se ment à nous-mêmes, on se ment les uns les autres. Et nos gouvernements mentent tellement fréquemment que nous avons fini par nous en accomoder. Et pourtant, voilà un homme qui a refusé le mensonge, au prix d’immenses sacrifices, pour lui et ses collègues, afin de se battre pour un monde meilleur, et pour sauver sa conscience. C’est le sursaut auquel j’aimerais assister à travers le monde. Je souhaite que nous puissions sortir enfin de notre torpeur, et défendre la vérité.

Comment décririez-vous l’état de la science aujourd’hui dans le monde, à un moment où la parole des scientifiques, notamment concernant le changement climatique, ne semble pas recevoir l’écho que la situation impose ?

La science connaît une productivité record de nos jours, et l’une des raisons majeure est qu’elle s’est ouverte au monde comme jamais auparavant. Elle n’est plus cantonnée à une élite restreinte. Donc je dirais que son état actuel est excellent. Le problème ne vient pas de la science, mais de notre civilisation, de notre culture. Il y a un retour du mépris pour la science, et on assiste au retour des pseudosciences. Certains doutent que la Terre ronde ! Heureusement, beaucoup de gens changent leur manière de vivre en réponse aux découvertes réalisées par la communauté scientifique.

Dans cette saison 3, nous racontons la prophétie d’un scientifique japonais, Syukuro Manabe et de son collègue, Richard Wetherald, qui en 1967, grâce à un super-ordinateur - qui n’a même pas la puissance de votre téléphone portable - à l’aube de la climatologie, ont déterminé ce qui se passerait si nous continuions à polluer l’atmosphère. Et la courbe des températures que nous observons aujourd’hui suit de manière quasi-parfaite celle de leurs prévisions de l’époque.

Il n’y a personne dans la bible, ou ailleurs, qui possède un pouvoir de prédiction similaire à celui de la science. Mais si elle reste la propriété d’une élite, si nous ne parvenons pas à s’emparer des informations que les scientifiques nous donnent, et à réagir en conséquence, alors nous ne serons pas en mesure de répondre à leurs mises en garde. Et c’est ça que nous tentons de montrer dans «Cosmos», le fait que quand la science est mise de côté, et que nous continuons à croire aux légendes et aux mythes de nos ancêtres – qui sont magnifiques certes – alors nous fuyons les réalités qui se jouent sur ce petit point bleu pâle qu’est la Terre dans l’immensité de l’Univers. Cette photo prise par la sonde Voyager il y a 30 ans a été un bouleversement pour notre civilisation à l’époque.

Et aujourd’hui, je veux croire qu’il y a des personnes qui voient ce qui se passe en Australie, ou ailleurs dans le monde, et réalisent à quel point les scientifiques ont raison. J’ai envie de croire que nous sommes à l’aube d’une renaissance, d’une prise de conscience globale de ce qu’est la réalité, et d’un refus de se laisser faire par ceux qui tentent de la masquer. Cela a toujours été la raison d’être de «Cosmos», que ce soit la première saison en 1980, la deuxième en 2014, et la troisième cette année.

Quelle est votre position sur le réchauffement climatique, et pensez-vous qu’une réponse adaptée sera apportée dans un futur proche ?

Oui, car je suis une optimiste. L’être humain s’est déjà retrouvé acculé au cours de son histoire en tant qu’espèce. Tout comme l’histoire de la vie sur cette planète qui dure depuis plus de 4 milliards d’années, et a connu six épisodes d’extinction massive. Et pourtant, la ténacité de la vie est si puissante. Nous voilà désormais face à un des plus grands défis d’adaptation pour notre espèce. La bonne nouvelle est que nous sommes en passe de devenir un organisme en constante intercommunication. Les différentes communautés partagent des informations grâce à Internet, et les gens savent pertinemment qu’on leur ment. Je pense donc que cette fuite de la réalité ne perdurera pas. Parce que nous y sommes obligés si nous voulons survivre en tant que civilisation, en tant qu’êtres humains.

A chaque fois que j’allume une lumière, ou que j’ouvre l’eau du robinet d’où sort de l’eau potable, j’ai conscience de l’énergie que cela exige, et que cela menace de détruire tout ce que nous aimons. Il ne s’agit pas que de la survie de l’être humain qui, à l’échelle de l’Univers et de ses 13,8 milliard d’années d’existence, n’est là que depuis 1 minute. Peut-être que notre temps sera bref. Les dinosaures ont eu des centaines de millions d’années, et peut-être que nous en aurons moins. Cela est tout à fait possible. Mais je dirais que l’espoir est permis. Et je crois que c’est ce que «Cosmos» essaie de faire passer comme message.

Le meilleur monde pour l’être humain est celui dans lequel nous nous trouvons actuellement. Nous avons été conçus pour vivre sur Terre selon les lois de l’évolution. Soit nous parviendrons à nous adapter en changeant notre manière de vivre, soit nous disparaîtront. Et d’autres espèces s’épanouiront sur Terre. C’est comme cela que fonctionne la nature. Personnellement, je veux parier sur nous. Parce que les dinosaures n’ont jamais eu conscience de ce qui allait se produire. Contrairement à nous qui, grâce au progrès de la science, connaissons parfaitement les risques si nous ne faisons rien.

En 1957, le premier satellite Spoutnik a été lancé. En 1977, seulement vingt ans plus tard, l’être humain lançait la première sonde Voyager pour effectuer un voyage interstellaire pour découvrir de nouvelles étoiles. Nous avons encore beaucoup de progrès à faire, mais la première chose à faire est de faire face à la réalité à propos de notre situation. Et je veux croire qu’il y aura une prise de conscience collective à l’échelle de la planète afin de bâtir un monde meilleur pour asurer l’avenir de nos enfants.

«Cosmos : Nouveaux monde», dès le 15 mars prochain à 21h, sur National Geographic

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