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Violences sexistes et sexuelles : le projet de loi s'attire déjà les critiques

Marlène Schiappa et Benjamin Griveaux le 21 mars 2018 à l'Elysée [LUDOVIC MARIN / AFP] Marlène Schiappa et Benjamin Griveaux, le 21 mars 2018 à l'Elysée. [LUDOVIC MARIN / AFP]

Le gouvernement a présenté mercredi son projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, qui doit notamment instaurer la verbalisation du harcèlement de rue et renforcer l'interdit de relation sexuelle avec un mineur de moins de 15 ans, s'attirant les critiques, notamment des magistrats.

Ce projet, annoncé début octobre, a pris une résonance particulière après l'affaire Weinstein. Il doit être «voté par le Parlement avant l'été», a déclaré à l'issue du conseil des ministres Marlène Schiappa, qui porte le texte avec sa collègue de la Justice Nicole Belloubet.

Allongement à 30 ans des délais de prescription pour les crimes sexuels sur mineurs, création d'un outrage sexiste, renforcement de la pénalisation des actes sexuels commis sur les mineurs ou du cyberharcèlement : ses dispositions doivent permettre de «renforcer l'arsenal juridique» pour «assurer à chacun le respect de sa dignité et la protection de son intégrité physique et psychique», a précisé la secrétaire d'Etat à l'Egalité femmes-hommes.

Sa principale mesure propose, après plusieurs mois de discussions, de «mieux pénaliser les actes sexuels entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans». Dans deux affaires très médiatisées ces derniers mois, des fillettes de 11 ans avaient été considérées comme consentantes par la justice.

Ainsi, il serait ajouté dans le code pénal que «lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise peuvent résulter de l'abus de l'ignorance de la victime ne disposant pas de la maturité ou du discernement nécessaire pour consentir à ces actes».

Concrètement, l'âge du mineur pourra contribuer à démontrer la contrainte ou la surprise, éléments constitutifs d'un viol. En revanche, il ne pourra à lui seul constituer ce crime, comme le craignaient des magistrats, inquiets de possibles «condamnations automatiques», y compris lors de relations consenties.

Cette formulation, très éloignée de l'annonce initiale d'instaurer une présomption de non-consentement à un acte sexuel pour tout mineur de moins de 15 ans, tient compte des objections du Conseil d'Etat.

Le Haut Conseil à l'Egalité a estimé auprès de l'AFP qu'elle «ne correspond pas à l'objectif annoncé de protéger les enfants» car si «le projet de loi précise comment qualifier la contrainte ou la surprise pour un mineur de moins de 15 ans, c'est toujours sur la victime que repose la charge de la preuve».

«Inapplicable»

Pour Vincent Charmoillaux, du Syndicat de la magistrature (SM, gauche), cet alinéa «va s'ajouter à un article qui dit déjà que 'la contrainte morale peut résulter de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime'».

«C'est la parfaite illustration du 'un fait divers, une loi'», a-t-il réagi auprès de l'AFP.

Dans un communiqué, l'Union syndicale de la magistrature (USM, majoritaire) a critiqué «de nouvelles lois inapplicables et incohérentes, susceptibles de susciter la déception de nos concitoyens».

Les violences sexuelles [Sophie Ramis / AFP]
Les violences sexuelles [Sophie Ramis / AFP]

Le texte gouvernemental propose également le doublement des peines encourues par les auteurs d'atteinte sexuelle, punissant tout acte sexuel entre un adulte et un mineur de 15 ans avec ou sans pénétration, d'un maximum de dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende.

Or, «punir l'atteinte sexuelle comme l'agression sexuelle, imposée par la violence ou la menace, risque de troubler la cohérence et de banaliser le fait le plus grave», prévient M. Charmoillaux.

Autre importante mesure, la création de l'«outrage sexiste», qui rendra passible d'une amende de 4e classe (de 90 à 750 euros), voire de 5e classe (jusqu'à 3.000 euros) en cas de circonstances aggravantes, les faits de harcèlement dans l'espace public.

«Notre but n'est pas de mettre le plus d'amendes possible. Si la simple peur de la présence des forces de l'ordre fait qu'il y ait moins de harcèlement de rue, on aura fait un progrès immense», a expliqué Mme Schiappa.

S'il s'attire des critiques de professionnels, ce projet semble séduire le public. Selon un sondage Ifop, réalisé avant la présentation du texte sur 1.014 personnes pour viehealthy.com, plus de 9 Français sur 10 se disent favorables à la pénalisation du harcèlement de rue et à l'allongement des délais de prescription, 7 sur 10 à la fixation d'un âge minimum pour le consentement à un axe sexuel.

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