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Ligue du LOL : ce que l'on sait

La direction de Libération a annoncé ce lundi la mise à pied «à titre conservatoire» de ses journalistes Vincent Glad et Alexandre Hervaud[DIPTENDU DUTTA / AFP]

Les langues se délient depuis la publication d'un article de Libération, révélant l'existence d'un mystérieux groupe Facebook appelé la «Ligue du LOL». Plusieurs femmes et hommes accusent ses membres - des journalistes, publicitaires et communicants influents - de les avoir harcelées sur les réseaux sociaux dans les années 2010.

Qu'est-ce que la «ligue du lol» ?

Le groupe a été créé sur Facebook à la fin des années 2000 par Vincent Glad, journaliste qui travaille notamment pour le quotidien Libération. Il compte une trentaine de membres, dont la plupart est issue de rédactions parisiennes, du secteur de la publicité ou de la communication, comme le précise CheckNews, le site de vérification de Libération.

«C'est un groupe d'amis Facebook, comme tout le monde en a», a expliqué Vincent Glad, qui en est toujours un membre actif, sur Twitter. «Nous étions influents [...] il y avait beaucoup de fascination autour de nous, on était un peu les caïds de Twitter», a-t-il déclaré, précisant qu'il y «voyait juste un grand bac à sable, une grande cour de récré, dans laquelle rien n'avait de conséquence». 

La nature des messages qui circulaient dans ce groupe : «On y faisait des blagues, un travail de veille, c'est d'un commun absolu, il n'y a jamais eu, à l'intérieur de ce groupe, d'obsession antiféministe. On se moquait de tout, et tout le monde», a ajouté Alexandre Hervaud, autre membre actif et journaliste pour Libération, au site de vérification. 

Un constat que partage le podcasteur Henry Michel, qui a expliqué à CheckNews que «cet endroit réunissait parmi les plus grands talents de Twitter de l'époque». «Surtout des blagues, qu'on ne pouvait pas faire en public. C'était brillant, c'était bête, il y avait ce côté observatoire des personnages de Twitter, on s'échangeait des liens, des photos, on se moquait des gens. C'est l'endroit où je me suis tapé les plus grosses barres de rire à l'époque», a-t-il assuré. 

Ce qui leur est reproché

Sauf qu'à un moment donné, le «bac à sable» est devenu un lieu où les femmes étaient des cibles privilégiées. «C'est devenu des feuilletons avec des personnages récurrents, des obsessions de certains membres du groupe. Cette observation astucieuse et ironique s'est transformée en un truc que je supportais moins», a expliqué Henry Michel, qui a fini par quitter le groupe. 

Des agissements douteux que les victimes appellent, elles, du cyberharcèlement. «Un jour, l'un des membres de cette ligue a pris une image porno d'une nana grosse et blonde qui pouvait vaguement me ressembler et a commencé à faire tourner l'image sur Twitter en disant qu'il avait trouvé ma sextape», a raconté l'auteure féministe Daria Marx à CheckNews. 

«Ils étaient absolument infâmes sur Twitter. C'était de l'acharnement, je me suis aussi fait harceler, avec des insultes, des photomontages, des gifs animés avec des trucs pornos avec ma tête dessus, des mails d'insultes anonymes», a ajouté la journaliste et traductrice Nora Bouazzouni. 

D'autres personnes se sont exprimées sur les réseaux sociaux, notamment Twitter. «Un journaliste m'avait appelée en se faisant passer pour le rédacteur en chef d'une émission très en vue pour me proposer de l'intégrer», a affirmé l'auteure et youtubeuse Florence Porcel. Le canular téléphonique a ensuite été mis en ligne. «J'ai pleuré pendant trois jours, de honte, d'humiliation et de peur». 

La loi du silence

Les témoignages similaires se multiplient. Malgré les «vies brisées» et les «réputations ruinées», nombreuses sont les victimes qui affirment ne pas avoir osé dénoncer ces actes. 

«Ces mecs-là faisaient peur à beaucoup de gens. Beaucoup de filles étaient terrifiées par ces gens, avaient peur de les dénoncer», a expliqué Nora Bouazzouni à CheckNews. «Quand j'étais une jeune journaliste très impressionnable, je me disais qu'ils étaient dans tous les médias où j'espérais bosser, qu'ils connaissaient tout le monde et que forcément tout le monde devait se comporter comme ça dans les grandes rédactions», a confirmé une autre journaliste sous couvert d'anonymat. 

«Aujourd'hui, quand je propose des piges sur le féminisme aux Inrocks, à Slate, à Libération, où ces personnes occupent désormais des postes à responsabilité, c'est un peu surréaliste», a déploré une troisième victime. 

ce qu'en disent les membres

Suite à cette vague de témoignages, celui qui est à l'origine du groupe a présenté ses excuses. «On parlait de trolling, c'était du harcèlement», a écrit Vincent Glad sur Twitter. «En créant ce groupe, j'ai créé un monstre qui m'a totalement échappé [...] Je n'ai pas vu que nous avions fait taire, avec nos blagues, les premières paroles féministes quand elles sont apparues sur les réseaux vers 2011-2012 [...] Ce qui s'est passé n'est pas tolérable. D'aucune manière», a-t-il conclu, présentant au passage ses «plus sincères excuses aux personnes harcelées par 'La Ligue du LOL'». 

Stephen Des Aulnois, un autre membre désormais rédacteur en chef du Tag Parfait, un site spécialisé dans la culture porno, a quant à lui avoué qu'il était «un peu plus 'teubê' que maintenant, et oui j'avais photoshopé sa tête [celle de Daria Marx] sur le corps d'une actrice qui lui ressemblait vaguement, ça m'a pris deux minutes et voilà. C'est de la m****, on est d'accord», a-t-il reconnu, interrogé par CheckNews. 

Les conséquences

Les protagonistes ont été mis à pied à titre conservatoire par leur rédaction. Stephen des Aulnois, rédacteur en chef du Tag parfait, a annoncé se retirer de son poste. Le site de podcasts Nouvelles écoutes a enfin annoncé «mettre fin avec effet immédiat» à sa collaboration avec Guilhem Malissen, lui aussi cité.

Les réactions

La secrétaire d'État à l'Égalité femmes-hommes Marlène Schiappa a rapidement exprimé «tout [s]on soutien et [s]a solidarité aux blogueuses et journalistes qui ont eu à subir le harcèlement sexiste de la Ligue du LOL». 

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