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Jean-Paul Delevoye : «les jeunes d’aujourd’hui auront bien une retraite demain»

Le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye entame, vendredi 29 mars, un cycle de rencontres-débats en régions, pour défendre et expliquer la réforme des retraites. [AFP / Thomas Samson].

En première ligne sur le dossier, le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, revient sur le terrain, ce vendredi 29 mars, pour défendre et expliquer le projet du gouvernement. Entretien.

Vous êtes aujourd'hui à Orléans (Loiret) pour la première rencontre-débat organisée en régions sur la réforme des retraites. Quel est le but de ces réunions ?

Dans la lignée des concertations faites notamment avec les partenaires sociaux – plus de 200 heures au total - ces rencontres-débats s’inscrivent dans une volonté de dialogue avec les citoyens.

Il s’agit avant tout de présenter ce qui est prévu pour les retraites, de discuter du projet et aussi de se confronter aux différents points de vue.

C’est une formidable opportunité qui est donnée afin que chacun puisse s’approprier les enjeux de ce qui est avant tout un véritable projet de société.

N’est-ce pas aussi une façon, avec ce déplacement, d’éteindre l’incendie de la polémique sur l’âge minimal de départ à la retraite qui a agité le débat public ces derniers jours ?

Non. Ces rencontres-débats ne sont en rien opportunistes. Ce ne sera d’ailleurs pas la première réunion citoyenne que je ferais et qui se heurte à une actualité politique. C’était notamment déjà le cas avec les gilets jaunes ou la polémique entourant les pensions de réversion.

Aujourd’hui, il y a, en effet, un débat sur l’âge mais la réforme engagée repose sur un âge légal minimum de départ à la retraite à 62 ans.

Cela étant dit, dans la réalité, cet âge minimal ne correspond pas à une retraite à taux plein. Aujourd’hui, il faut en effet 41,5 ans (et bientôt 43 ans) de cotisations pour avoir une retraite à taux plein.

A l’heure actuelle, une personne qui a commencé à travailler à 22 ans part ainsi en retraite à taux plein à 63 ans et demi.

Nous devons laisser le choix aux Français de partir en retraite mais, dans le même temps, notre volonté est aussi d’éviter que tous les citoyens ne partent trop tôt en retraite, avec des pensions trop faibles, et tombent donc dans la précarité.

Dans un système à point ceux qui veulent partir à 62 ans pourront bien évidemment le faire. Mais nous voulons aussi donner la possibilité à tous les autres qui veulent aller plus loin de continuer à travailler, notamment avec des coefficients majorants.

Des informations de presse ont révélé à cet égard que l’exécutif avait envisagé un âge pivot pour inciter les Français à travailler au-delà de 62 ans basé sur un système de décote et surcote. Qu’en est-il ?

Il s’agit d’une note de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, ndlr) qui date du 23 mars 2018, soit il y a déjà plus d’un an. Elle s’ajoute à plus de 70 études qui ont été faites pour explorer toutes les hypothèses de la réforme.

Dès le départ, nous avons exploré toutes les hypothèses possibles pour rechercher quel pouvait être l’âge d’équilibre dans notre système par répartition (entre le montant des pensions et le montant des cotisations, ndlr).

Encore une fois, nous avions commandé plusieurs études auprès de différentes administrations, surtout dans le but de nourrir la réflexion avec les partenaires sociaux sur les différents scénarios possibles.

Le Premier ministre lui-même s’est pourtant dit «ouvert» au fait de travailler plus longtemps, ne serait-ce que pour financer la dépendance, et le président du Sénat, Gérard Larcher, a déclaré hier que dans tous les cas «il faudra toucher au paramètre de l’âge»...

Le Premier ministre, Edouard Philippe, a rappelé clairement le cadre de mon mandat pour rendre notre système de retraite plus simple et plus juste.

Notre système de retraite doit être plus simple et plus juste

Il a indiqué par ailleurs qu’il fallait s’interroger sur le financement de la dépendance. Gérard Larcher a, lui, une lecture de droite qui consiste à dire qu’en travaillant une année supplémentaire, c’est dix milliards de recettes en plus. Cette vision comptable n’est pas fausse mais peut paraître injuste à ceux qui, âgés entre 62 et 65 ans, sont au chômage ou n’ont pas la faculté de retrouver un travail.

La vision de gauche est davantage en faveur d’un allongement de la durée des cotisations. Pris au pied de la lettre, ce raisonnement ferait qu’un trentenaire qui démarre aujourd’hui sa vie active ne pourrait partir à la retraite qu’à 73 ans, voire plus.

Ces affirmations sont incomplètes car nous souhaitons inscrire cette réforme dans un projet de société qui est de laisser la liberté de choix de l'âge du départ sans que cela ne constitue pour autant une obligation et sans que cela ne vienne déséquilibrer tout le système.

Ne craignez-vous pas toutefois que tout ce bruit autour de l’âge minimal ne vienne «polluer» et mettre à mal les concertations en cours ?

Il est clair que cette polyphonie perturbe les différents acteurs et a fragilisé notre démarche. Mais nous avons réexpliqué les choses et nos positions demeurent claires.

Le Premier ministre, Edouard Philippe, a parfaitement indiqué que la concertation engagée par mes soins reposait sur 62 ans d’âge minimal d’ouverture des droits à la retraite.

Il n’en demeure pas moins que l’autre débat qui y est associé – celui sur la dépendance - pose un problème en termes d’objectifs, de calendrier et de financement. Reste à savoir si on aborde ce sujet sous l’angle de la Santé, car personne n’est à l’abri d’un problème pouvant mener à la dépendance, ou sous l’angle de la Solidarité, auquel cas on le finance par l’impôt et donc par la collectivité.

Le grand débat est un moment opportun pour poser les grandes questions. 

Toujours sur les retraites, beaucoup de Français, souvent jeunes, pensent qu’ils n’auront pas de pension. Ont-ils raison de s’inquiéter ?

Je comprends leur inquiétude car, dans le passé, ce sujet a été entouré de la menace selon laquelle, si on ne fait pas de réforme, le système de retraites est «foutu». Les jeunes ont malheureusement intégré cela et pensent qu’ils n’auront donc pas de retraites et les retraités eux-mêmes sont aussi préoccupés.

En ce qui nous concerne, dès le départ, nous avons dit vouloir travailler la réforme dans un climat positif. Il faut rappeler que notre système reste solide même s’il faut bien sûr renforcer la solidarité générationnelle. Je tiens donc à rassurer les jeunes

Les jeunes d'aujourd'hui auront bien une retraite demain

Les jeunes d’aujourd’hui auront bien une retraite demain. Je vais d’ailleurs pouvoir en discuter directement avec eux bientôt lors d’une rencontre à l’université de Saint-Quentin-en-Yvelines.

J’ajoute que c’est aussi pour cela, dans un souci d’équité, que nous voulons intégrer les 42 régimes de retraites existants dans un système par points où chaque point aura la même valeur. Des mêmes règles pour tous, plus simples et plus lisibles.

Mais aura-t-on la garantie, avec ce système universel par points, de toucher la même retraite qu’avec le système actuel ?

Nous allons déjà faire en sorte que ce nouveau système soit plus redistributif et réduise les inégalités entre les pensions des hommes et des femmes.

Nous voulons conforter le niveau décent des retraites et que les niveaux des pensions continuent de refléter le travail associé, tout en veillant à mieux prendre en compte les périodes d’inactivité (maternité, chômage, invalidité etc.)

Les discussions doivent maintenant se poursuivre jusqu’au mois de mai et je formulerai mes premières recommandations courant juin. Il appartiendra ensuite au gouvernement d’établir le calendrier parlementaire.

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