Les 10 propositions à retenir du Grenelle des violences conjugales

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Les membres des onze groupes de travail du Grenelle des violences conjugales ont livré le fruit de leurs réflexions à la secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes Marlène Schiappa ce mardi 29 octobre. Au total, 60 propositions ont été formulées. Voici une sélection des plus importantes.

Mieux former les forces de l'ordre...

Axe majeur de la lutte contre les violences conjugales, l'accueil des victimes par les forces de l'ordre a fait l'objet d'un groupe de travail entièrement dédié. 

Celui-ci propose notamment de mettre en place une «méthodologie précise» pour les policiers et gendarmes amenés à accueillir des victimes.

En clair, face à une victime supposée, les agents devront respecter utiliser un questionnaire préétabli, comprenant une grille d'évaluation du danger, pour aider la personne le plus efficacement possible. 

Dans une interview accordée à La Croix et publiée ce mardi, Marlène Schiappa a reconnu «qu'il existe des marges de progrès» et que «les policiers et gendarmes sont parfois démunis devant les violences conjugales».

L'enjeu principal étant «qu'aucune victime ne doit plus repartir (des commissariats) sans connaître ses droits et savoir où trouver du soutien».

...Mais également tous les professionnels 

Outre les policiers et gendarmes, en première ligne, les experts du Grenelle préconisent une meilleure formation de tous les professionnels au contact de femmes victimes de violences conjugales.

A cet égard, les professionnels de santé bien-sûr sont cités, mais aussi les agents de Pôle emploi, les agents publics ou encore les représentants du personnel en entreprise.

Réquisitionner les armes des conjoints violents dès la première plainte

Autre proposition emblématique : réquisitionner les armes blanches et armes à feu des auteurs de violences dès la première plainte de la victime présumée.

Le 18 septembre dernier, soit quinze jours après l'ouverture du Grenelle des violences conjugales par le Premier ministre, Marlène Schiappa avait déjà évoqué le fait que les armes à feu constituent le premier mode opératoire dans les cas de féminicides [environ un tiers des cas, ndlr], «devant les coups».

Cette proposition doit maintenant faire l'objet d'une expertise approfondie, en concertation avec le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner.

Toutes les formes de violence, y compris psychologiques, inscrites dans la loi

Soulignant que les violences subies par les victimes ne sont pas seulement physiques mais aussi psychologiques, plusieurs groupes de travail se sont prononcés en faveur d'une définition plus claire de toutes les formes de violences conjugales dans le droit.

Sur ce chapitre, Marlène Schiappa a notamment mentionné dans La Croix les «suicides forcés», soit le fait pour une victime de se donner la mort pour échapper aux violences auxquelles elle fait face.

«Je pense au cas où un homme violent a forcé son ex-conjointe à sauter par la fenêtre. N'a-t-il aucune responsabilité ?», s'interroge la secrétaire d'Etat. 

En ce sens, le groupe dédié aux violences psychologiques et à l’emprise préconise de «faire du suicide forcé de la victime une circonstance aggravante» du délit d'harcèlement conjugal, qui est actuellement puni de cinq ans de prison et de 75.000 euros d’amende.

L'homme serait alors jugé devant une cours d'assises et risquerait vingt ans de prison, «comme pour les violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner».

Renforcer les capacités de prise en charge du numéro d'urgence 3919

De façon unanime, les onze groupes de travail souhaitent voir renforcées les capacités du 3919, le numéro d'écoute national anonyme et gratuit pour les victimes de violences conjugales.

Les experts préconisent ainsi que le numéro, qui aujourd'hui ne fonctionne pas la nuit, «soit disponible 24 heures sur 24». Il pourrait aussi être «adapté aux langues parlées dans les Outre-mer et aux personnes en situation de handicap».

Le monde du travail ayant aussi son rôle à jouer dans l'accompagnement des femmes victimes, les employeurs sont appelés à massivement afficher le numéro national et les coordonnées des associations locales spécialisés dans leurs locaux. 

Préserver l'indépendance économique des victimes

«Beaucoup de victimes racontent qu'au moment de la séparation, leur conjoint a fait annuler leur carte bancaire», explique Marlène Schiappa.

Face à ce constat, le groupe de travail spécialisé dans les «violences économiques» a proposé «d'encourager les pratiques bancaires visant à soulager les victimes de violences en asphyxie financière». Une «avance financière d'urgence» ou un «aménagement des dettes» sont envisagés.

Concrètement, une victime de violences conjugales pourrait ainsi, en théorie, emprunter une certaine somme d'argent afin de faire face à ses besoins de première nécessité, le temps que sa situation se stabilise.

Reste à savoir comment, en pratique, cela pourrait être mis en place, certaines femmes ayant notamment ouvert un compte commun avec leur conjoint.

Faire évoluer le secret médical

Autre proposition jugée intéressante par la secrétaire d'Etat : faire évoluer le secret médical auquel sont soumis les professionnels de santé.

Les femmes victimes de violences conjugales, sous l'emprise de leur conjoint, ont en effet parfois du mal à demander de l'aide. C'est pourquoi les experts du Grenelle souhaitent qu'un médecin ou un soignant, qui serait confronté à un «risque sérieux de renouvellement de ces violences», puisse alerter les autorités sans l'accord de la victime.

Car aujourd'hui, le secret médical, encadré par le code pénal, ne permet pas à un médecin de signaler des violences au procureur de la République sans cet accord. 

Supprimer l'autorité parentale des pères en cas de féminicide

Arguant du fait que «les hommes ayant tué la mère de leurs enfants ne peuvent plus être considérés comme de bons pères», Marlène Schiappa se positionne en faveur de la suppression de l'autorité parentale de ces derniers.

Dans le même ordre d'idée, les participants au Grenelle ont rédigé une proposition visant à faire évoluer l'obligation d'aide alimentaire aux parents par les enfants.

«Devoir subvenir aux besoins d'un père qui a tué votre mère, c'est une violence supplémentaire», explique la secrétaire d'Etat dans La Croix.

Enfin, les groupes de travail ont proposé l'instauration «d'un diagnostic annuel sur l'état des relations entre filles et garçons dans chaque établissement» et à «rendre obligatoire une formation sur l'égalité fille-garçon». Cela pourrait passer, par exemple, par un «brevet contre la violence» dans les écoles.

Reconnaître le statut de victime aux enfants témoins de violences

Actuellement, sur le plan pénal, les enfants témoins de violences conjugales ne sont pas considérés comme des victimes.

Pour y remédier, le groupe de travail «violences intrafamiliales» a donc demandé «d'aligner le statut de l'enfant témoin sur le statut de l'enfant victime» de violences.

En clair, le droit ferait que l'auteur des violences réponde devant les juridictions compétentes des préjudices causés aux enfants qui ont pu en être directement témoins des violences, quand bien même lorsque ces derniers n'ont pas reçu de coups.

Mieux prendre en compte la problématique de l'alcool

Alors qu'un collectif de proches de malades alcooliques (CoPMA) avait déploré que l'alcool était le grand absent de la lutte contre les violences conjugales, le groupe de travail «Santé» se prononce en faveur d'un «dépistage systématique des addictions lors de plaintes pour violences».

Une pratique qui permettrait, selon eux, de «mieux documenter le lien entre addiction et violences conjugales» ainsi que d'établir des stratégies en amont pour le prévenir.

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