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Coronavirus : parlementaires et scientifiques favorables à la «prolongation du confinement»

[© JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP]

Les députés et sénateurs qui composent l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) publient ce lundi 30 mars un rapport détaillé sur la situation de la France face au coronavirus, évoquant les issues possibles à la crise. Et ils préconisent «la prolongation du confinement».

Ces notes ont été établies par les 18 députés et 18 sénateurs qui composent l'OPECST, en consultant six éminents scientifiques, dont Eric Caumes, chef du service des maladies infectieuses à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Déjà transmises à Richard Ferrand, le président de l'Assemblée nationale, elles devraient arriver dans les mains d'Olivier Véran, le ministre de la Santé, voire jusqu'à Matignon et l'Elysée.

Elles font apparaître plusieurs enseignements. Premièrement, «étant donné le délai d’incubation» de la maladie, le ralentissement du nombre de nouveaux cas de coronavirus dans le pays grâce au confinement «ne sera visible que début avril».

En bref, le pic de l'épidémie reste encore devant nous et le nombre de morts va continuer à croître. «Un doublement du nombre de décès a lieu tous les 4 jours et n’inclut pas encore les décès survenus hors des structures hospitalières», admet le rapport.

Aucun vaccin avant 12 à 18 mois

Mais alors que ces parlementaires estiment «qu'aucun vaccin ne sera disponible avant 12 à 18 mois», faute de remède préexistant pouvant être utilisé contre le nouveau coronavirus, les connaissances sur le Covid-19 font encore cruellement défaut aux autorités sanitaires, en vue de définir une stratégie à suivre.

«La mobilisation des chercheurs, qui doit être saluée, est d’autant plus nécessaire que tous les scientifiques s’accordent à dire que les projections pour les jours, semaines et mois à venir restent très difficiles à établir», souligne Cédric Villani, député LREM et vice-président de l'OPECST.

Le rapport pointe ainsi les divergences au sein de la communauté scientifique : «Ils ne s'accordent pas sur la durée de l'épidémie : 1 à 3 mois pour certains, jusqu'à 6 ou 8 mois pour d'autres, en fonction de l'appréciation qu'ils ont de l'efficacité des mesures d'endiguement.» Pire, «d’autres avancent que sans éradication globale, peu probable en l’absence de vaccin, l’épidémie ne s’éteindra pas et sera toujours présente à l’hiver prochain.»

Et cette interrogation s'applique sur le long terme : «Il est difficile de dire si le virus persistera dans le temps et reviendra de manière saisonnière, à l’image du virus de la grippe, avec des souches virales différentes, d’une année sur l’autre, ou si le virus s’éteindra comme le SARS-CoV-1 [le Sras].»

le principe de précaution

Ainsi, dans le doute, l'OPECST donne la priorité au principe de précaution : «tous ces éléments incitent à la prudence et à la prolongation du confinement.»

Bien sûr, les parlementaires et scientifiques réfléchissent déjà aux conditions de la sortie «pour que l’épidémie ne reprenne pas». Parmi les idées avancées, un dépistage massif, «stratégie recommandée par l'OMS», sur le modèle de la Corée du Sud.

Mais les scientifiques consultés par les parlementaires évoquent plusieurs limites. Sur le plan méthodologique, «le test de dépistage par prélèvement nasal est entaché d’un taux de faux négatifs très élevé (28 à 37 %)», tandis que sur le plan logistique «de nombreux Etats font face à une pénurie de réactifs nécessaires aux tests».

Pour y pallier, l'OPECST propose donc des solutions. Faute de pouvoir tester tous les Français, «une campagne de dépistage aléatoire» permettrait de «mieux caractériser l’épidémie et mieux comprendre la diffusion du virus dans la population». Des dépistages pourraient également être menés sur les dons de sang prélevés par l’Etablissement français du sang, qui «permettraient d’établir une estimation rétrospective de la part de la population qui a été exposée au virus».

«15 à 30 % de la population infectés» ?

Dans tous les cas, parlementaires et sénateurs soulignent l'importance des mesures barrières et du confinement pour réduire le «taux d’attaque» du coronavirus dans la population française. En effet, «les modélisations scientifiques se fondant sur les modes de propagation des virus respiratoires estiment que 15 à 30 % de la population devraient être infectés».

Si rien n'avait été fait, ce taux serait monté à 60 %, en attendant que l’immunité de groupe se mette en place pour endiguer l’épidémie, ce qui aurait conduit «à des prévisions de mortalité très sombre». Car le taux de létalité de la maladie «se situe entre 0,5 % et 4 %».

Au lundi 30 mars, la France recensait 40.174 cas confirmés, 4.632 cas graves admis en réanimation et 2.606 décédés dans des hôpitaux.

Le rapport évoque toutefois une tendance positive : la France semble s'éloigner du terrible scénario à l'italienne, en raison d'un nombre «deux fois» plus important de lits d’hôpitaux par habitant et d'une part «légèrement moins importante de personnes âgées dans la population».

Pour la suite, Cédric Villani précise que «l’Office concentrera ses travaux sur la dimension sanitaire de la crise et sur la prise en compte de la recherche, de la science et des technologies pour contribuer à sa résolution».

chloroquine et autres essais cliniques

D'ores et déjà, la note de l'OPECST rappelle les traitements au coronavirus, déjà utilisés ou envisagés. Parmi eux, les trois principaux sont le remdesivir, développé contre Ebola, l’association des antirétroviraux lopanivir et ritonavir, utilisée dans le traitement du VIH, et la chloroquine, un antipaludique promu notamment par le Pr. Didier Raoult à Marseille.

Pour ces traitements, «de très nombreux essais cliniques ont été démarrés, la majorité en Chine», note le rapport. Et celui-ci de citer un essai européen d’ampleur, nommé «DisCoVeRy», piloté par la Pr Florence Ader à Lyon, qui vise à tester quatre thérapies. Ce test doit inclure à terme 3.200 patients, dont 800 en France.

«Un autre essai de grande envergure, nommé ‘Solidarity’, mené dans dix pays, dont la France, piloté par l’OMS, comparera les quatre pistes les plus prometteuses, les mêmes que l’essai Discovery, et dans les mêmes conditions», ajoute le rapport.

Pour rappel, l'OPECST «a pour mission d’informer le Parlement français des conséquences des choix à caractère scientifique et technologique afin d’éclairer ses décisions». Cette institution est présidée par Gerard Longuet, ancien ministre, et vice-présidée par Cédric Villani, mathématicien et candidat à la mairie de Paris.

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