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Violences après la mort de Nahel : voici les 25 propositions des sénateurs pour éviter de nouvelles émeutes urbaines

Les parlementaires ont ainsi chiffré l’ensemble des sinistres déclarés aux assureurs à 793 millions d’euros. [@Zakaria ABDELKAFI / AFP]

La commission des Lois du Sénat a présenté mercredi son rapport sur les violences urbaines qui ont suivi la mort de Nahel. Les parlementaires ont ainsi chiffré l’ensemble des sinistres déclarés aux assureurs à 793 millions d’euros et formulé 25 propositions pour endiguer le phénomène des violences urbaines.

«Comprendre, évaluer, réagir». Ce mercredi 10 avril, la commission des Lois du Sénat, sous l’autorité de son président, le sénateur LR François-Noël Buffet, a remis ses conclusions sur les dégâts occasionnés par les émeutes consécutives à la mort de Nahel, un adolescent tué par un policier à Nanterre après un refus d’obtempérer en juin 2023.

Le coût des dégradations a ainsi été estimé à 793 millions d’euros, une facture revue à la hausse par rapport aux 730 millions annoncés par France assureurs en septembre dernier. Les parlementaires ont également formulé 25 propositions au gouvernement pour éviter de nouvelles émeutes urbaines. 

Proposition n° 1

Établir un schéma national de maintien et de rétablissement de l’ordre public en contexte émeutier, incluant une doctrine d’emploi des forces spéciales et une coordination avec les polices municipales. 

Proposition n° 2

Faciliter le décloisonnement et de dézonage de l’emploi des forces de sécurité intérieure, y compris quant aux chaînes de commandement. 

Proposition n° 3 

Garantir l’adéquation de la formation des forces de l’ordre aux contextes émeutiers avant leur déploiement.

  • Encourager l’organisation de formations communes entre la police nationale, la gendarmerie nationale et le cas échéant, les polices municipales pour la gestion des émeutes. 
  • Former les unités spéciales à l’intervention en contexte émeutiers.
  • S’assurer de la formation régulière aux tirs et à l’usage des différentes armes de l’ensemble des forces de sécurité intérieure, le plus possible à proximité de leurs lieux de travail, en particulier en région parisienne. 

Proposition n° 4

Se doter des moyens matériels et des équipements permettant de faire face à des contextes émeutiers longs et protéiformes. 

  1. Renforcer les capacités de production des munitions et des armements de la filière industrielle.
  2. Accroître les quotas de munitions des armes de force intermédiaire, ainsi que des armes classiques, en profitant du développement d’un prochain système d’information sur les armes.
  3. Poursuivre le déploiement et l’équipement systématique des caméras-piétons, et constituer des stocks pour un déploiement rapide en cas de mobilisation de forces en contexte émeutier. 
  4. Permettre, en contexte émeutier, l’enregistrement en continu des interventions par les caméras-piétons, ou leur déclenchement à distance par les postes de commandement.
  5. Encourager la modernisation des flottes de drones et des caméras de vidéo-surveillance pour permettre leur utilisation nocturne.
  6. Expérimenter et encadrer l’équipement et l’utilisation de matériels de marquage codés en cas d’émeutes par les forces de sécurité intérieure.
  7. Garantir aux forces de sécurité intérieure mobilisées à titre exceptionnel en contexte émeutier l’adaptation de leurs équipements à ce type de situations. 

Proposition n° 5

Assurer la sécurisation des bâtiments utilisés par les forces de l’ordre et des armureries pour se prémunir de toute prise d’assaut.

  • Auditer les besoins de sécurisation immédiats et pallier les failles de sécurité identifiées. 
  • Constituer un stock de matériels mobiles permettant d’assurer leur sécurisation, y compris en cas d’assaut. 

Proposition n° 6 

Consolider et amplifier l’activité des services de renseignement dans le suivi et la connaissance des «quartiers sensibles» et des phénomènes de violences urbaines.

  • Au sein de la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP), consolider le suivi des «quartiers sensibles» et des phénomènes de rixes urbaines.
  • Développer le suivi et la cartographie des «quartiers sensibles».

Proposition n° 7

En période d’émeutes, assurer l’analyse rapide et systématique des profils et des motivations des émeutiers afin d’adapter les stratégies de maintien de l’ordre. 

Proposition n° 8

Améliorer le suivi et la connaissance transdisciplinaire des phénomènes émeutiers en France.

  • Mieux analyser le phénomène des «bandes de jeunes», le cas échéant dans le cadre de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), afin de pouvoir mieux anticiper la survenue d’évènements violents.
  • Procéder à une mission inter-inspections sur le profil et les motivations des émeutiers à l’issue de l’ensemble des procédures judiciaires en cours en lien avec les évènements de juin 2023. 

Proposition n° 9 

Au plan national, entraver administrativement et pénalement l’utilisation détournée des mortiers d’artifice.

  • Sur le modèle espagnol, interdire la vente en ligne et par voie postale en obligeant le passage physique chez un revendeur pour se procurer des mortiers d’artifice. Délictualiser le non-respect de l’obligation de déclaration et de passage chez un revendeur pour créer un cadre de contrôle et d’interception uniforme.
  • Délictualiser la non-dénonciation de transactions suspectes, aujourd’hui réprimée d’une contravention de la 5e classe.
  • Systématiser l’engagement de la responsabilité de la complicité de mise de moyens pour permettre l’acquisition indue.
  • Déployer un système informatisé de déclaration et de contrôle des achats et des transactions de mortiers d’artifice. 

Proposition n° 10

Au plan européen, éviter les contournements par des choix d’homologation et de catégorisation des mortiers d’artifices non-conformes à la réglementation européenne.

  • Assurer l’application uniforme de la directive 2013/29/UE sur les articles pyrotechniques s’agissant du classement et de l’homologation des produits avant leur autorisation de vente sur le marché européen.
  • Sanctionner les États membres manquant à leurs obligations dans la mise en œuvre de cette directive. 

Proposition n° 11

Réunir de façon régulière le groupe de contact permanent entre les représentants des réseaux sociaux et l’État pour mieux anticiper la coordination des acteurs en périodes de crise. 

Proposition n° 12

Lorsque l’état d’urgence est déclaré en application de la loi du 3 avril 1955, permettre aux préfets de solliciter, pour une durée limitée, la désactivation de certaines fonctionnalités des applications de réseaux sociaux (géolocalisation, lives) – indépendantes de l’échange de communications écrites ou orales – en contexte émeutier. 

Proposition n° 13

Au cours des émeutes, faciliter l’identification par les réseaux sociaux et les supports numériques des auteurs d’actes violents ou de dégradations.

  • Permettre la levée du caractère «privé» de boucles de messages réunissant un grand nombre d’individus ou des individus sans communauté d’intérêt.
  • Permettre un accès des services de renseignement et d’enquête aux échanges se tenant sur les boucles des messageries privées, dès lors que leurs conditions d’accès et le nombre de personnes y accédant les rendent assimilables à des services de communication au public en ligne.
  • Faciliter la détection précoce de contenus numériques incitant à la commission de violences ou à la participation à des émeutes par l’utilisation de traitements algorithmiques. 

Proposition n° 14

Faciliter et renforcer les poursuites contre les délinquants mobilisant les supports numériques pour participer à des émeutes urbaines.

  • Porter à trois ans d’emprisonnement la peine prévue pour la participation à un groupement en vue de la préparation de violences ou de dégradations, afin de rendre possible la réquisition de données de connexion.
  • Appliquer les peines complémentaires de «bannissement numérique» pour toutes les infractions commises ou facilitées par les outils numériques en contexte émeutier. 

Proposition n° 15

Faciliter l’emploi des polices municipales, dans le cadre de leurs prérogatives, lors des périodes d’émeutes en coordination avec les forces de sécurité intérieure.

  • Réviser les conventions de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l'État pour intégrer des procédures spécifiques en cas d’émeutes.
  • En période d’émeutes, faciliter le déploiement de patrouilles mixtes entre forces de sécurité intérieures et polices municipales afin d’assurer la présence de tous les acteurs du continuum de sécurité en cas de crise. 

Proposition n° 16

Aligner les prérogatives de police judiciaire de la police municipale sur celles conférées aux gardes-champêtres. 

Proposition n° 17

En période d’émeutes, confier aux policiers municipaux, sous l’autorité directe du procureur de la République et après accord du maire et formations adéquates, des prérogatives de saisie de biens dangereux (mortiers d’artifices, armes par destination). 

Proposition n° 18 

Instituer une doctrine pour l’équipement et le matériel des polices municipales et des gardes champêtres.

  • Offrir aux maires la possibilité de centraliser l’achat des matériels et équipements des polices municipales et gardes champêtres.
  • Garantir l’homologation des équipements et matériels utilisés par les polices municipales et gardes champêtres, et le cas échéant permettre de centraliser leur achat.
  • En période d’émeutes, réfléchir, dans le cadre du schéma national de maintien et de rétablissement de l’ordre public en contexte émeutier, à une évolution de l’équipement en armes non-létales de policiers municipaux.
  • En période d’émeutes, instituer une procédure simplifiée de réapprovisionnement en munitions et équipements, sous l’égide du service central des armes et explosifs (SCAE) du ministère de l’intérieur.
  • Dématérialiser les agréments de port d’armes des policiers municipaux et gardes champêtres. 

Proposition n° 19

Faciliter le déploiement de la vidéoprotection au sein des communes, y compris rurales ou de petite taille.

  • Renforcer les moyens destinés au déploiement d’outils de vidéosurveillance dans le cadre du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) et permettre la prise en charge partielle des coûts de maintenance du matériel de vidéosurveillance.
  • Simplifier la procédure de raccordement des caméras au centre municipal de visionnage et aux commissariats locaux. 

Proposition n° 20 

Assurer l’information systématique du maire quant aux interventions organisées sur le territoire de la commune, singulièrement celles lourdes ou à effet médiatique fort et permettre sa présence, en qualité d’officier de police judiciaire (OPJ), aux centres territoriaux de crise et aux réunions locales de sécurité. 

Proposition n° 21

Faciliter la formation des élus locaux à la conduite à tenir face à des jeunes violents. 

Proposition n° 22

Renforcer et adapter l’arsenal pénal aux nouveaux comportements émeutiers.

  • Systématiser les poursuites en cas de dissimulation du visage aggravant le délit de participation à un attroupement.
  • Sur le modèle des dispositions de la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, favoriser le développement de travaux d’intérêt général (TIG) en lien avec les collectivités pour sanctionner les mineurs ayant commis des dégradations volontaires au cours d’émeutes.
  • Adapter le contenu du stage de citoyenneté, défini localement dans le ressort de chaque tribunal, au profil spécifique des émeutiers, le contenu du stage restant défini localement dans le ressort de chaque tribunal. 

Proposition n° 23

Sur le modèle des dispositions votées par le Sénat en janvier 2024 dans la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, adapter et renforcer la palette de mesures et de sanctions applicables aux mineurs impliqués dans des émeutes urbaines, y compris s’ils sont primo-délinquants.

  • Permettre le placement sous contrôle judiciaire des mineurs primo-délinquants pour les infractions en lien avec la participation à des groupements.
  • Permettre, de façon analogue, le placement en centre éducatif fermé et sous surveillance électronique mobile de tels mineurs.
  • Faciliter le passage en audience unique sur la culpabilité et la sanction de mineurs impliqués dans ce type d’infractions. 

Proposition n° 24

Assurer un traitement judiciaire des violences urbaines efficace en contexte de crise ou d’émeutes.

  • Établir, sur les retours d’expériences des émeutes de 2023, un schéma organisationnel de gestion des crises pour la mobilisation des acteurs judiciaires.
  • Systématiser les bonnes pratiques comme l’utilisation des «fils rouges» des forces de l’ordre pour établir des procès-verbaux de contexte.
  • Équiper l’ensemble des tribunaux de salles et d’équipements pour visionner et écouter les enregistrements des caméras piétons et les données extraites des sources numériques.
  • Permettre en situation de crise ou d’émeutes la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la chaine judiciaire, notamment en assouplissant le mécanisme de réquisition des greffiers. 

Proposition n° 25

Renforcer la couverture assurantielle des dommages résultant d’émeutes d’ampleur nationale, notamment en s’inspirant du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles issu de la loi du 13 juillet 1982 n° 82 600 du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles. 

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