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Coronavirus : comment la Chine et la Russie essaient de retourner la crise à leur avantage

La Chine de Xi Jinping et la Russie de Vladimir Poutine médiatisent l'aide internationale que les deux pays fournissent aux pays frappés par le coronavirus, provoquant la colère de l'UE. La Chine de Xi Jinping et la Russie de Vladimir Poutine médiatisent l'aide internationale que les deux pays fournissent aux pays frappés par le coronavirus, provoquant la colère de l'UE. [Dmitry LOVETSKY / POOL / AFP]

Même en pleine pandémie mondiale, la géopolitique n'est jamais loin. C'est ce que prouvent en ce moment la Russie, mais surtout la Chine, qui tentent d'utiliser à leurs fins la crise sanitaire du coronavirus.

Et ce, en mettant en avant l'aide internationale que les deux puissances fournissent aux pays étrangers frappés par le Covid-19, notamment européens. La Chine «s'est lancée dans une campagne de communication sans précédent», juge Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), dans une note consacrée à «la Route de la soie de la santé» parue le 26 mars.

«Cela passe par la médiatisation forte de nombreuses initiatives – comme un don de 20 millions de dollars à l’OMS, l’envoi d’experts médicaux en Iran et en Italie, la construction d’un laboratoire en Irak pour conduire des dépistages, ou encore l’acheminement de tests diagnostiques aux Philippines et d’équipements de protection au Pakistan et en France», énumère l'enseignant à Sciences Po Paris.

C'est cette dernière initiative, baptisée «diplomatie du masque» par les observateurs, qui est «la plus médiatisée», note Antoine Bondaz. C'est en effet la plus impressionnante en termes de chiffres : la Chine a par exemple prévu d'envoyer dans les prochaines semaines 600 millions de masques à la France, via un pont aérien inédit entre les deux pays, dont 13,5 millions ont déjà été reçus par Paris. 

La Russie n'est pas en reste. Après avoir dépêché la semaine dernière plusieurs avions avec des virologues, de l'équipement médical, des laboratoires et des systèmes de désinfection mobiles en Italie, pays qui compte le plus de décès dûs au coronavirus au monde (plus de 12.400), Moscou a annoncé mercredi 1er avril avoir envoyé un appareil chargé d'aide humanitaire aux Etats-Unis, où le Covid-19 a fait plus de 4.000 victimes et infecté près de 190.000 personnes.

Paris dénonce une «propagande»

Une médiatisation de ce soutien sanitaire qui n'est pas du goût de certains responsables européens. La secrétaire d'Etat française aux Affaires européennes Amélie de Montchalin a reproché dimanche à la Chine et à la Russie «d'instrumentaliser» leur aide internationale, déplorant des mises «en scène» à des fins de «propagande». Quelques jours avant, c'était Emmanuel Macron qui appelait, dans une interview accordée à des journaux italiens, à ne pas se laisser «intoxiquer» par le «récit de nos partenaires et concurrents internationaux».

«On parle beaucoup de l'aide chinoise ou russe, mais pourquoi ne dit-on pas que la France et l'Allemagne ont livré 2 millions de masques et des dizaines de milliers de blouses en Italie ?», a lancé le président français. «Nous devons aussi rappeler qu'en sens inverse, les Européens sont venus en aide à la Chine au début de l'épidémie, quand elle était la plus touchée, en lui envoyant plus de 50 tonnes de matériel», a-t-il ajouté. 

Pour la Chine de Xi Jinping comme la Russie de Vladimir Poutine, ces opérations de communication mûrement réfléchies ont un seul et même but : discréditer l'Europe et les Etats-Unis en mettant en exergue leurs défaillances dans la gestion de la crise, et par là même vanter les mérites de leur propre modèle, empreint d'autoritarisme, face aux démocraties occidentales.

Ainsi, la Chine n'hésite pas à faire publiquement la promotion de son système de gouvernance, dont l'efficacité aurait permis au pays de contenir l'épidémie relativement rapidement. «Certaines personnes, dans le fond, sont très admiratives des succès de la gouvernance chinoise. Ils envient l’efficacité de notre système politique et haïssent l’incapacité de leur propre pays à faire aussi bien !», a par exemple tweeté, de façon fort peu diplomatique, l'ambassade de Chine en France le 27 mars dernier. 

Des chiffres soupçonnés d'être sous-estimés

Et qu'importe si la communication prend le pas sur la vérité. Notamment sur le véritable nombre de morts dûs à l'épidémie, que Pékin et Moscou sont accusés de sous-estimer. En Chine, c'est le nombre élevé d'urnes funéraires livrées à deux crématoriums de Wuhan, où est apparu le coronavirus en décembre, qui sème le doute. Pour de nombreux habitants de cette mégapole du centre du pays, qui sort petit à petit de sa quarantaine, le bilan humain du Covid-19 y tournerait plutôt autour de 40.000 décès, très loin des quelque 2.500 morts recensés (3.300 dans toute la Chine).

Du côté de la Russie, c'est la forte hausse du nombre de pneumonies à Moscou qui interroge, cette infection ayant des symptômes proches de ceux du coronavirus. A cela s'ajoute des nombres de contaminations et de décès ridiculement bas pour un pays de 145 millions d'habitants : 2.800 cas confirmés et 24 morts, alors même que des mesures de confinement de la population viennent à peine d'être mises en place à Moscou et dans des dizaines de régions du pays. Une affaire de chiffres qui pourrait être décisive dans la «bataille des récits» lancée par la Russie et la Chine, pour reprendre les termes du chef de la diplomatie de l'UE Josep Borrell. 

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