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Joe Biden se lance à l'assaut des armes à feu

Joe Biden n'a pas les mains libres sur la question des armes à feu Joe Biden n'a pas les mains libres sur la question des armes à feu. [ALEX WONG / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP]

La pression est sur lui. Alors que plusieurs fusillades ont marqué l'actualité des dernières semaines aux Etats-Unis, Joe Biden a dévoilé ce 8 avril la première partie de son plan pour la limitation des armes à feu. Engagé sur le sujet depuis des années, il va cependant faire face à une féroce opposition qui va limiter son champ d'action.

Les mesures concernent principalement la lutte contre les «armes fantômes», construites artisanalement, et donc intraçables par les autorités. Le président américain a également annoncé la nomination de David Chipman, réputé pour être un fervent défenseur de la limitation des armes à feu, à la tête de l'AFT, l'agence chargée de contrôler l'alcool, le tabac, les armes et les explosifs.   

Cependant, ces annonces restent mineures pour une situation qualifiée «d'épidémie» par le démocrate. Le président a appelé les élus du Congrès à voter des lois pour limiter la circulation des armes à feu, et notamment l'interdiction des armes d'assaut pour les particuliers. Celles-ci sont semi-automatiques, copiées sur les fusils automatiques militaires et régulièrement utilisées dans les fusillades de masse. Mais il s'est montré conscient qu'y parvenir serait long et compliqué, notamment dû à la situation politique très tendue et au clivage historique sur cette question. 

Un blocage institutionnel

À l'heure actuelle, Joe Biden dispose d'une légère majorité à la chambre des représentants (218 démocrates contre 211 républicains). Au Sénat, la situation est encore plus fragile, puisque les sièges sont divisés à parts égales : 50 démocrates et 50 républicains. Pour rappel, en cas d'égalité lors d'un vote, c'est la vice-présidente Kamala Harris qui apporte la voix décisive. Si cette légère avance pourrait sembler favorable à Joe Biden, elle ne lui permet pas d'appliquer son programme comme il le veut pour autant. 

En effet, un mécanisme du Sénat appelé «filibuster» permet aux républicains d'imposer une majorité qualifiée de 60 sénateurs afin de valider un texte. Il faudrait donc que les 50 démocrates et 10 républicains soient en accord sur la question des armes à feu. «Ni l'un ni l'autre n'est assuré car certains démocrates ne votent pas forcément en faveur des limitations en fonction de leur Etat d'origine, et l'immense majorité des républicains y sont opposés», analyse Didier Combeau, politologue et auteur du livre «Des Américains et des armes à feu : démocratie et violence aux Etats-Unis».

De plus, comme l'explique le spécialiste, il n'est pas possible d'interdire la vente de certaines armes qui ont particulièrement mauvaise presse, comme les armes d'assaut. «Le gouvernement fédéral pourrait en interdire la fabrication et l'importation comme cela a été le cas entre 1994 et 2004, mais n'a pas la compétence pour empêcher la vente de celles déjà en circulation», explique Didier Combeau. 

Quel héritage pour Joe Biden ?

L'une des solutions pour limiter les ventes d'armes autant que Joe Biden le souhaiterait serait donc de mettre fin au filibuster. Ces dernières années, son usage a successivement été interdit pour la nomination des juges ordinaires, puis des juges à la Cour suprême, de manière à faciliter le processus. Si Joe Biden s'est montré ouvert à sa disparition totale ces dernières semaines, le risque à long terme n'est pas nul. «Certes les démocrates pourraient faire adopter leurs lois tant qu'ils ont la majorité au Sénat, mais ils ne pourront plus bloquer les projets républicains quand ils seront dans l'opposition», résume Didier Combeau. 

L'administration de Joe Biden fait donc face à un choix cornélien, qui pourrait marquer définitivement la présidence du démocrate. Car si la question des armes n'était pas le débat principal de la campagne lors de la présidentielle de 2020, elle est un point central de l'histoire récente du pays. D'ailleurs, malgré les fusillades à répétition et le fait que 19.380 personnes soient morts par balle en 2019, l'opinion reste divisée sur la question. Ainsi, selon un sondage réalisé en octobre 2020 par Gallup 57% des Américains pensent que les lois concernant le contrôle des armes devraient être plus strictes, contre 43% qui estiment qu'elles devraient être maintenues ou allégées. 

Avec son premier pas sur le sujet ce 8 avril, Joe Biden souhaite donc montrer qu'il ne veut pas rester totalement inactif sur la question des armes pendant son mandat. Reste à savoir si celui-ci arrivera à se libérer des différents obstacles pour aller aussi loin qu'il le souhaite sur la question.  

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