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Etats-Unis : la Cour suprême consacre le droit pour tous de sortir armé de son domicile

Sur les neuf juges que compte la Cour suprême des Etats-Unis, dont le siège est situé à Washington, six sont conservateurs.[Anna Moneymaker / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP]

En plein débat national sur la violence armée, la Cour suprême des Etats-Unis a décidé de consacrer le droit au port d'armes en dehors du domicile pour tous les Américains. Une décision qui va compliquer le travail des militants anti-armes.

Alors que les Etats-Unis sont encore sous le choc d'une série de fusillades survenues ces derniers mois, la Cour suprême américaine a consacré, ce jeudi 23 juin, le droit des Américains à sortir armés de leur domicile. La décision a été prise à une majorité de six juges - conservateurs - sur neuf.

Le juge Clarence Thomas, qui a voté en faveur de cette mesure, s'est félicité de son entrée en vigueur, considérant que «le deuxième et le quatorzième amendement de la Constitution protègent le droit d'un individu à porter une arme de poing pour son auto-défense à l'extérieur de son domicile».

Mais son collègue progressiste, Stephen Breyer, a un tout autre avis sur la question. Après le vote, il a accusé la Cour suprême d'agir «sans considérer les conséquences potentiellement mortelles de sa décision». Il a en outre rappelé qu'«en 2020, 45.222 Américains ont été tués par des armes à feu».

Les récentes tueries survenues aux Etats-Unis sont encore très présentes dans les esprits. L'une d'elles notamment, datant du 24 mai dernier, a fait 21 morts dont 19 enfants au sein de l'école d'Uvalde, au Texas. Un bilan glaçant qui a vivement relancé le débat sur l'encadrement du port d'armes à feu, de nombreuses voix s'élevant pour réclamer davantage de restrictions.

Pourtant, cette mesure prend le chemin inverse. Concrètement, elle porte sur une loi qui limite depuis 1913 la délivrance de permis de port d'armes dissimulées, aux personnes ayant des raisons de croire qu'elle pourront avoir à se défendre. En raison de leur métier ou parce qu'elle sont visées par des menaces, par exemple.

L'influence de la puissante NRA

Ce texte était contesté par les pro-armes, et notamment par le puissant lobby de la National Rifle Association (NRA), qui milite pour une lecture littérale du deuxième amendement de la Constitution des Etats-Unis.

Ratifié en 1791, celui-ci stipule qu'«une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un Etat libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé».

Mais, en 1939, la Cour suprême avait dans un premier temps jugé qu'il ne constituait pas un droit individuel à l'auto-défense. Selon elle, il protégeait seulement le droit d'utiliser des armes dans le cadre d'une force de maintien de l'ordre, comme l'armée ou la police. La juridiction a toutefois changé de position lors d'un arrêt historique datant de 2008, qui établit pour la première fois un droit à posséder une arme à son domicile.

Jusqu'ici, la régulation du transport des armes en dehors du lieu de résidence était toutefois laissée au soin des villes et des Etats. Les règles étaient donc très variables d'un endroit à un autre. L'arrêt publié ce jeudi 23 juin met un terme à cette latitude et grave dans le marbre le droit de porter une arme hors de chez soi.

Ce nouveau cadre légal ouvre la porte à la contestation en justice de restrictions en vigueur, essentiellement dans les Etats démocrates. L'Etat de New York, la Californie ou le New Jersey, qui limitent actuellement le port d'armes, pourraient être concernés. En cela, cette décision constitue un véritable camouflet pour les partisans d'un meilleur encadrement des armes à feu, dont elle va compliquer les efforts.

Le président des Etats-Unis, Joe Biden, s'est lui-même dit «profondément déçu» par cet arrêt de la Cour suprême qu'il juge «contraire au bon sens et à la Constitution». Dans un communiqué, il a appelé «tous les Américains [...] à faire entendre leur voix sur la sécurité des armes à feu». «Des vies sont en jeu», a insisté le chef d'Etat.

LES ÉTATS PROGRESSISTES VENT DEBOUT

Kathy Hochul, la gouverneure de New-York, a quant à elle déploré un «jour sombre». En tant que cheffe de l'exécutif de l'un des Etats américains les plus stricts en termes de port d'armes à feu, elle a jugé «absolument scandaleux» que la Cour suprême ait «supprimé nos droits à jouir de restrictions sensées» à ce sujet.

La gouverneure s'est particulièrement indignée de voir cette décision prise «à un moment de prise de conscience nationale de la violence armée». En guise de réponse, elle envisage de convoquer «une session extraordinaire de législature».

Dans la foulée, le maire de New York, Eric Adams, a lui aussi exprimé sa désapprobation, affirmant que «cette décision de la Cour suprême exposera les New-Yorkais à un risque accru de violence armée». «Nous continuerons à faire tout notre possible pour travailler avec nos partenaires fédéraux, étatiques et locaux afin de protéger notre ville», a-t-il ajouté.

De son côté, la NRA a au contraire salué une «victoire», se félicitant sur Twitter que la haute juridiction ait déclaré «inconstitutionnelles» les «restrictions» au port d'armes prévues par une loi de l'Etat de New-York. «La Cour suprême a affirmé que le droit à porter des armes NE S'ARRETE PAS A LA PORTE DU DOMICILE», a écrit le lobby, avec force majuscules.

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