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La semaine de Philippe Labro : l'emprise du président, les surprises du jury

«Donald Trump n’a pas vraiment gagné, mais il n’a surtout pas perdu. Demandons-nous ce qu’il y a derrière l’événement.» [Nicholas Kamm / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre. 

MERCREDI 7 NOVEMBRE

Donald Trump n’a pas vraiment gagné, mais il n’a surtout pas perdu. Demandons-nous ce qu’il y a derrière l’événement. Pourquoi ces élections de mi-mandat nous ont-elles autant intéressés ? Plusieurs raisons :

1. Tout ce qui se passe en Amérique bénéficie d’une curiosité à la fois amicale et critique de la part des Français. Nous croyons même, parfois, trouver dans l’actualité venue des Etats-Unis, des leçons, des modèles, mais aussi, et surtout, des contre-modèles.

2. Personne ne peut sous-estimer le poids de l’Amérique, et peu importe qui la dirige. C’est la première puissance militaire du monde, la plus grosse machine à moudre du divertissement – l’«entertainment» –, qu’il s’agisse de ses films, ses séries, ses musiques, ses jeux, ses stars… Ce qu’on appelle le «soft power», le pouvoir d’influence.

3. Le président des Etats-Unis est, à lui seul, un show permanent. Ayant tout appris de la télé-réalité, Donald Trump a déjoué les pronostics, les critiques européennes, les caricatures, pour devenir «l’homme spectacle» par excellence. Depuis son élection, en 2016, il ne se passe pas un jour sans que son nom, son visage, les horreurs verbales dont il est l’auteur, ses décisions brusques et ses volte-face surprenantes, ne fassent le miel ou le vinaigre des médias. Il occupe tout l’espace.

Il connaît le pouvoir persuasif de ses apparitions. Avec ses meetings aux quatre coins des cinquante Etats, sa présence et ses déplacements pendant la toute récente campagne, il a permis aux républicains, non seulement de conserver leurs places au Sénat, et même, parfois, d’en gagner davantage. Ils lui doivent tout – allégeance et obéissance. Il les tient. Mais il ne tient plus la Chambre des représentants, et il va connaître une cohabitation périlleuse. Saura-t-il y faire face avec son habituelle violence ou bien jouera-t-il la conciliation ? Il n’empêche : Trump, Trump, Trump. Tant qu’un candidat démocrate crédible, charismatique, porteur d’un projet novateur et rassurant, n’aura pas vu le jour, Trump peut respirer.

4. Le feuilleton va donc continuer. La «série» en réel va se poursuivre. Nous resterons «trumpisés».

Ce même jour, à Paris, la fastidieuse et indispensable ronde des prix littéraires a lieu. Fastidieuse, parce que, parfois, on éprouve un brin de lassitude devant la répétition de ce rite – qui l’aura, qui ne l’aura pas ? – mais, indispensable, car les Femina, Goncourt, Renaudot, Médicis, Interallié permettent aux éditeurs et aux libraires d’exister et de prolonger la belle aventure très française : le goût de la lecture, l’amour de la langue, la curiosité pour des histoires et des personnages de fiction ou pas. Ne rejetons pas les prix : ils sont le poumon du livre. Cette année, toute la question consistait à savoir qui couronnerait l’ouvrage le plus remarquable de ces dix dernières années, Le lambeau de Philippe Lançon (Gallimard).

Les jurés du Goncourt considéraient que ce n’était pas un roman et qu’il n’entrait donc pas dans leur juridiction. Je pense qu’ils ont eu tort et que, lorsqu’on se trouve en face d’une œuvre aussi forte, on a tout à fait le droit de ne plus respecter les règles, de faire une exception. Les femmes du jury du prix Femina l’ont bien compris ; elles ont consacré Lançon par neuf voix sur dix, et les jurés du Renaudot l’ont aussi bien compris, puisqu’ils ont décidé de sortir de la routine et d’attribuer un «prix spécial» au Lambeau. Choix judicieux, mais qui n’empêche en rien de se porter vers les autres lauréats (Leurs enfants après eux, (Actes Sud), de Nicolas Mathieu, pour le Goncourt, Le sillon (Le Tripode) de Valérie Manteau, pour le Renaudot, et d’autres à venir) dont on dit le plus grand bien. Ce sont des jeunes, inconnus, qui incarnent une nouvelle génération. Quand j’apprends que le Goncourt 2018 aime Jean-Patrick Manchette, je me dis que tout ira bien pour lui. J’ai hâte de le lire.

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