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Six mois de guerre en Ukraine : «Vladimir Poutine reste le maître des horloges», estime le colonel Peer de Jong

Vladimir Poutine et son ministre de la Défense Sergueï Choïgou, le 15 août 2022. [AP]

Six mois après le début du conflit, la situation se fige dans l'Est de l'Ukraine mais les combats se poursuivent. Décryptage d'un conflit inédit par son intensité et sa violence avec le colonel Peer de Jong, vice-président de l'institut Themiis.

Après six mois de guerre, l’armée russe n’avance plus et la ligne de front se fige. Comment l’expliquer ?

A en croire Vladimir Poutine, il s’agit d’une «pause opérationnelle». Plusieurs hypothèses peuvent l'expliquer. La première est politique : la guerre tue (15.000 morts côté russe selon les renseignements occidentaux, NDLR) et Vladimir Poutine peut craindre son opinion publique. Le deuxième est d'ordre diplomatique. La Russie sécurise ses gains territoriaux (Donbass, Crimée) pour mieux négocier et développer ses relations avec la Chine, la Turquie, l'Afrique... La troisième hypothèse est militaire : l'armée russe a subi des pertes énormes et a besoin de reprendre des forces.

Risque nucléaire à Zaporijia, frappes ukrainiennes en Crimée… La situation reste pourtant extrêmement tendue ?

On assiste en effet à une espèce d'agitation sur l'ensemble du front mais celle-ci ne débouche sur rien. L'armée russe mène une guerre de harcèlement en maintenant la pression avec ses bombardements. L'Ukraine fait pareil, à sa manière, en menant des opérations «coup de poing» comme en Crimée. Kiev fait aussi planer la menace d’une offensive dans la région de Kherson. Personnellement, je n'y crois pas. C'est à mon avis une manière d’éviter que la Russie ne désengage des effectifs du sud pour les déplacer dans l'est.

Comment le conflit va-t-il évoluer dans les prochains mois ?

A court terme, on devrait assister à une fossilisation progressive du conflit à l'est, à l'image de ce qu'il s'est passé dans le Donbass depuis 2014. L’arrivée de l’hiver devrait favoriser une immobilisation du front. On peut imaginer une reprise des combats au printemps.

A moyen-terme, il faudra observer si le canal diplomatique rouvert par les négociations sur le blé donne des résultats. On peut imaginer une deuxième phase de négociations après l'échec de la première. Il faudra aussi suivre de près le procès des combattants ukrainiens de Marioupol. La peine donnera une indication sur la volonté russe de négocier ou non.

Le conflit peut-il s'étaler sur plusieurs années ?

L'une des caractéristiques de ce conflit est que l'on ne connaît pas les buts de guerre de l'ennemi. Et comme il n'y a pas d'objectif, on ne peut pas savoir combien de temps cela va durer. Vladimir Poutine reste le maître des horloges.

Ce qui est certain, c'est qu'un abcès de fixation est en train de s'installer au cœur de l'Europe pour probablement plusieurs années. La situation va durer tant que les voix de la diplomatie n'auront pas parlé. Mais est-ce que Poutine veut vraiment discuter ? Personne ne le sait.

Les Ukrainiens et les Russes peuvent-ils tenir encore longtemps ?

L’histoire a montré qu’un peuple qui se défend est inexpugnable. Tant que l’Otan continue à les financer, les Ukrainiens tiendront. D’autant que si on s’achemine vers une guerre de position, les combats vont se limiter à des escarmouches et les pertes (9.000 morts, côté ukrainien selon Kiev, NDLR) devraient diminuer. Quant aux Russes, ils ne sont pas près de lâcher.

Pour moi, la question est davantage de savoir si les Européens vont tenir le choc et rester soudés. L’Europe va affronter un hiver compliqué, sans pétrole ni gaz russes. Je me demande par exemple comment l’Allemagne va passer la saison. On s'est mis nous-mêmes la pression. Ce sont des décisions qui sont plus faciles à prendre en hiver qu’en été. Dans un contexte d’inflation, il faudra voir comment les opinions publiques vont réagir.

Pourquoi ce conflit a-t-il autant surpris les Européens et les Occidentaux ?

La guerre en Ukraine est inédite à plus d'un titre. Jusqu'à présent, la paix était garantie par une architecture de sécurité basée sur la dissuasion. Vladimir Poutine a bousculé toutes les conventions en menaçant explicitement ses ennemis de riposte nucléaire. C'est la première fois depuis 1945.

Deuxièmement, l'intensité de cette guerre est d'un niveau qui n'avait plus été vu depuis la Seconde Guerre mondiale. Les pertes humaines et matérielles, aussi bien civiles que militaires, sont énormes. Ce niveau d'intensité a pris de court les Européens et mis en lumière les faiblesses de nos armées. 

Enfin, c'est la violence extrême qui nous sidère. Des massacres comme celui de Boutcha, nous pensions que seul l'Etat islamique en était capable. Toutes les conventions sur les droits de l'homme et de la guerre ont été balayées.

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