En direct
A suivre

Guerre en Ukraine : «Vladimir Poutine a entraîné les Russes dans une impasse», affirme la chercheuse russe Vera Grantseva

Après un an de combats intenses, le Kremlin pourrait chercher à tout prix à mettre un frein à son offensive en optant pour un plan de paix «virtuel». [Sputnik/Pavel Bednyakov/Kremlin/Reuters]

Sous le coup de sanctions européennes et américaines depuis son invasion en Ukraine il y a un an, la Russie tente de mobiliser son armée. Mais face à une résistance ukrainienne exemplaire, les troupes russes pourraient perdre la bataille, déclenchant une crise politique interne majeure.

Le rêve de Vladimir Poutine va-t-il voler en éclat ? Depuis le 24 février 2022, l’Europe est entrée dans une phase d’incertitude provoquée par l’invasion russe en Ukraine. Une guerre voulue par le président Vladimir Poutine dans le but de protéger les populations séparatistes pro-russes de la région du Donbass appartenant à l’Ukraine.

Un déséquilibre européen causé également par l’obsession «poutinienne» de défendre les frontières russes face à ce que le Kremlin considère comme «une menace de l’OTAN».

Cependant, si la mobilisation des Occidentaux a permis à l’Ukraine de limiter l’avancée des forces russes, l’armement des hommes de Volodymyr Zelensky pourrait entraîner une potentielle victoire ukrainienne face à une Russie subissant les sanctions européennes et américaines.

«La défaite ne peut être que la conséquence de la crise politique intérieure russe. Le Russie est un grand pays avec plusieurs ressources. Le gouvernement est capable d’accumuler toutes les ressources au détriment du peuple. Par conséquent, il peut tout investir dans cette guerre», assure Vera Grantseva, politologue spécialiste de la Russie et enseignante à Sciences Po Paris.

«A n’importe quel moment, il y aura une offensive ukrainienne qui peut aller jusqu’aux frontières légitimes du pays, à savoir les régions de Lougansk, de Donetsk, de Kherson et de Zaporijjia. Si la Russie n’est plus capable de financer cette guerre et d’envoyer ses hommes et ses matériaux en Ukraine, il est possible que les Ukrainiens puissent, à ce moment-là, reprendre l’initiative et récupérer leurs territoires légitimes», affirme-t-elle.

Si, pour l’heure, «aucun signe ne montre que le Kremlin envisage d’abandonner son projet d’invasion en Ukraine et de céder ces territoires», une crise politique du gouvernement russe à l’issue du conflit n’est pas à exclure.

«En théorie, il est possible qu’un jour, si cette guerre continue pendant des années, le gouvernement russe passera par une crise politique et économique. Ainsi, il n'aura plus les moyens de mobiliser sa population», estime la chercheuse.

«Vladimir Poutine a entraîné les Russes dans une impasse où ils seront, à tout prix, perdants. S’il y a une victoire russe, cela pourra quand même coûter à la Russie beaucoup de vie de soldats et pourra influencer son développement économique, technologique et ses rapports avec l’Occident dont le pays est très dépendant», poursuit Vera Grantseva, précisant que le président russe «a conduit la Russie vers une situation où la crise est inévitable».

Une résistance ukrainienne et une solidarité européenne

Face à un régime russe autoritaire, les Ukrainiens, eux, font preuve de résistance et de détermination pour protéger leur territoire. Un courage salué par les Etats membres de l’Union européenne, dont la France, l’Allemagne et l’Italie. En signe de solidarité, ces derniers n’ont pas ménagé leurs efforts afin d’envoyer des armes et des aides financières à Kiev. Des chars Abrams aux Léopard 2 en passant par des lance-roquettes, l’Occident, appuyé par les Etats-Unis, tente de mettre fin au conflit.

«On a plusieurs signes qui nous montrent que le peuple ukrainien est capable de se battre pour sa souveraineté et sa survie parce que l’idée de Poutine, aujourd’hui, est d’exterminer les Ukrainiens comme une nation et d’effacer le pays de la carte du monde», affirme Vera Grantseva. «Avec l’aide internationale, l’armée ukrainienne pourra continuer à se battre pour vivre dans la liberté avec sa langue, sa culture et sa tradition», note-t-elle.

A l’heure où la Russie se retrouve dans une position fragile vis-à-vis du reste de l’Europe, la menace nucléaire continue de planer. Un «jeu poutinien», dont se méfient les Occidentaux, qui pourrait en effet devenir une réalité si le Kremlin n’a plus le choix. «On est aujourd’hui face à un dirigeant irresponsable par rapport au futur de la Russie. Il est obsédé par son pouvoir au point d’aller jusqu’à l’utilisation de l’arme nucléaire», avertit l’enseignante à Science Po Paris.  

Mais comment faut-il réagir face à cette menace permanente ? «Cela ne veut pas dire qu’il faut céder face à lui et accepter son chantage. Il est dans l’esprit de l’escalade. Il n’y a que la détermination de l’Occident et de l’Ukraine qui peut l’arrêter», martèle Vera Grantseva.

L’Ukraine, entre une guerre «longue» et un conflit «gelé»

Entre incertitude et espoir, les hommes de Volodymyr Zelensky tiennent tête à l’envahisseur russe qui «n’a pas l’intention de s’arrêter, ni de rendre à l’Ukraine ses territoires». La résistance des Ukrainiens et la continuation du plan «poutinien» pourrait mettre sur la table le scénario d’une guerre longue.

«On voit dans ce conflit qu’aucune des deux parties ne veut céder. Du côté de l’Ukraine, cela est légitime. Le pays cherche à restituer ses territoires selon les principes de l’ONU. Concernant les Russes, le régime n’a pas l’intention de s’arrêter, ni de rendre à l’Ukraine ses territoires. Les deux pays sont prêts à un conflit long», indique Vera Grantseva.

Par ailleurs, après un an de combats intenses, le Kremlin pourrait chercher à tout prix à mettre un frein à son offensive en optant pour un plan de paix «virtuel» ou ce que l’on appelle «un conflit gelé». Concrètement, celui-ci vise, comme son nom l’indique, à geler pour une durée limitée ou illimitée la série d’affrontements sur les lignes de front. Chaque pays restera donc sur les territoires qu’ils contrôlent.

«Le conflit gelé se jouera par ailleurs en faveur du Kremlin puisque ce dernier a besoin de temps pour accumuler les ressources et former des mobilisés. Cette idée n’est par ailleurs pas favorable aux Ukrainiens qui dépendent de l’aide internationale», déclare la chercheuse.

Reste à savoir si ce deuxième scénario pourrait séduire l’Occident afin de limiter «la casse économique» pour les années à venir.  

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités