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Tir anti-satellite : qu'est-ce que le syndrome de Kessler, qui pourrait nous priver d'accès à l'espace ?

Le syndrome de Kessler pourrait nous priver d'accès à l'espace à cause du risque de collision. [Unsplash]

Si vous avez vu le film «Gravity», le syndrome de Kessler vous dit peut-être quelque chose. Cette théorie est revenue sur le devant de la scène le 15 novembre, après la destruction d'un satellite par les Russes.

L'objectif était de tester une nouvelle arme. Mais en explosant, le satellite a créé environ 1.500 débris spatiaux, qui circulent à toute vitesse autour de la Terre. Ils risquent de percuter les fusées, les autres satellites... et même l'ISS.

Ce phénomène n'a rien de nouveau. En orbite basse, c'est-à-dire dans la zone entre la surface de la Terre et 2.000 km d'altitude, on recense 10.000 «très gros» débris... et 150 millions de la taille d'un grain de sel. C'est en les étudiant, dans les années 70, que l'astrophysicien Donald Kessler a théorisé son fameux syndrome. 

Il a imaginé une réaction en chaîne : les débris entrent en collision avec des objets, générant d'autres débris, qui entrent aussi en collision avec des objets, et ainsi de suite. A la fin, l'espace devient incontrôlable : c'est le syndrome de Kessler. 

Un Scénario catastrophe... 

Normalement, les débris ont une durée de vie (environ deux ans pour un objet à 400km d'altitude). «Ils sont tous engagés dans une spirale qui descend vers la Terre», explique Christophe Bonnal, chercheur au Centre national d'études spatiales (CNES). Lorsque les débris pénètrent dans l'atmosphère, ils fondent et s'autodétruisent. Mais en plein syndrome de Kessler, ce «nettoyage» n'est pas suffisant. Le nombre de nouveaux débris augmente de façon exponentielle. Ce qui équivaut, concrètement, à une catastrophe. 

D'abord parce que plus les débris sont nombreux, plus le risque de collision est élevé. C'est d'autant plus effrayant qu'un débris «grain de sel» en orbite basse a «la même force qu'une boule de bowling lancée à 100km/h», illustre Christophe Bonnal. Il suffit donc d'une «petite» collision pour détruire un satellite complet. Problème : l'accès à l'espace est essentiel à la vie sur Terre. Sans satellites, pas de télévision, de prévisions météo, de trafic aérien... «Les satellites ont un nombre d'applications incalculables», souligne Christophe Bonnal. «Les perdre serait une régression inimaginable.»

En plus de nous priver d'espace, le syndrome de Kessler nous tuerait sur Terre. Car environ 20% des débris (en particulier ceux en titane) résistent à l'atmosphère. Ils ne fondent pas, et tombent directement à la surface du globe. Celle-ci est surtout composée d'océans, donc aucune victime n'a été recensée pour l'instant. Mais avec l'augmentation du nombre de débris, la probabilité que l'un d'entre eux s'écrase brutalement sur Paris est plus forte. 

... Bientôt réalité ? 

Heureusement, à 400 km (là où se situe l'ISS), le syndrome de Kessler est peu probable. L'atmosphère est trop proche et freine les débris. «Nous pourrons toujours aller dans l'espace à cette altitude», confirme Christophe Bonnal. «Mais plus haut, c'est moins sûr.» 

Le syndrome a déjà commencé entre 750 et 1.100 km d'altitude. Embarrassant, lorsqu'on sait que les satellites des prévisions météo se placent en général à 800 km de haut. «Actuellement, un satellite à 800 km a 8% de chances de mourir suite à une collision», prévient Christophe Bonnal. «Dans quelques années, ce sera 10%, puis 15%... Et on finira par choisir l'altitude en fonction du risque de collision, et plus de l'utilité du satellite.» 

Les 1.500 débris générés par la Russie ne sont donc pas négligeables. Si leur présence n'est pas dramatique à l'heure actuelle, ils participent à un phénomène beaucoup plus inquiétant. Christophe Bonnal résume : «le problème des débris, ce n'est pas le problème d'aujourd'hui. C'est le problème de demain.» 

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