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Marianne Chaillan : «le final de Game of Thrones correspond bien à la fin douce-amère que nous promettait G.R.R Martin»

Marianne Chaillan assure qu'il est possible de se réconcilier avec la série Marianne Chaillan assure qu'il est possible de se réconcilier avec la série[Capture écran YouTube]

Il est peu dire que la fin de Game of Thrones a déçu les fans du monde entier. Ces derniers ont été jusqu'à signer des pétitions pour réécrire la dernière saison de la série la plus populaire et la plus récompensée de ces dernières années.

Marianne Chaillan, écrivaine et professeure de philosophie, elle même grande amatrice de l'univers imaginé par George R.R Martin, explique dans son ouvrage «Game of Thrones : Une fin sombre et pleine de terreur» (qui sort ce 13 novembre) pourquoi cette fin est ce qu'elle est, en l'analysant sous le prisme de la philosophie.

Est-ce que ce livre est, avant d’être une analyse philosophique, l’ouvrage d’une fan déçue de la série ?

Ce livre est la réconciliation permise, grâce à l’analyse philosophique, d’une fan déçue par la dernière saison avec la série. Il ne s’agit donc en premier lieu pas d’un livre de fan mais avant toute chose d’un essai d’interprétation philosophique. Il est vrai que, comme des millions de fans à travers le monde, j’ai suivi la dernière saison de cette série extraordinaire.

Et si dans mon livre j’évoque les émotions et réactions que ces épisodes ont suscitées en moi, c’est d’abord parce que, pour avoir lu des heures durant les milliers de commentaires laissés sur les réseaux sociaux par d’autres spectateurs, il me semble que nous étions nombreux à ressentir et à penser la même chose. Mais c’est ensuite, et surtout, parce qu’il me semble que prendre en compte ces sentiments est nécessaire pour comprendre la sagesse même de la saga.

Est-ce que vous êtes revenu de cette déception avec le temps ?

À titre personnel, mener cette analyse m'a permis de me réconcilier avec la série. En substance, mon idée est que oui, cette dernière saison est décevante. Mais c’est le cœur même de son message aussi pessimiste et triste que philosophique : les humains sont décevants. C’est de l’existence que la fin de Game of Thrones délivre la philosophie «sombre et pleine de terreur». Attentes, espoirs, désirs secrets ou avoués, joies, ivresses, rires : tout s’enfuit. Et pour que nous l’entendions mieux, George R.R. Martin nous l’a fait vivre et ressentir.

Vos lecteurs pourront donc au fil des pages comprendre les choix et accepter cette fin ?

À la fin de cette dernière saison, Tyrion explique que «rien n’est plus puissant dans le monde qu’une bonne histoire. Rien ne peut l’interrompre. Aucun ennemi ne peut la vaincre.» Ce discours est une très bonne mise en abyme alors que la série atteint son crépuscule. C’est ce que remarque Isaac Hempstead Wright (l’acteur qui joue Bran Stark) dans un entretien paru sur le site de HBO. Il y soutient que si les épisodes et les saisons vont et viennent, et si désormais le show est terminé, les grandes histoires, elles, ne meurent jamais.

Mon livre est donc le récit de cette fresque extraordinaire. Il s’adresse à tous les fans de la série. À ceux qui ont aimé la dernière saison et qui retrouveront le portrait de ces personnages qui ont fait Game of Thrones, leur profondeur, leur sagesse comme la philosophie générale de George R.R.Martin, telle qu’elle se dégage de la série télévisée. Mais aussi à ceux qui ont détesté la fin au point même de vouloir rompre avec cette série. À eux tout particulièrement, mon livre essaie de proposer un moyen de dépasser la déception ressentie afin de se réconcilier avec la série.

Pourquoi avoir choisi d’analyser la série personnage par personnage sous forme de portrait ?

Dans la série Game of Thrones, à Braavos, dans la demeure du noir et du blanc, temple où les sans-Visage honorent le Dieu Multiface, la jeune Arya Stark entre un jour dans la salle des visages. Des centaines de visages humains y sont exposés, fixés au mur. Je me suis inspirée de cette salle pour imaginer la deuxième partie de mon livre. Maintenant que la série est achevée, les acteurs ont dû faire leurs adieux à leur personnage et poser leur masque.

J’ai voulu imaginer les visages de ces personnages que j’aime tant fixés au mur comme dans la salle de Braavos. Personnage après personnage, je raconte leur histoire, depuis le début jusqu’à la fin, en montrant la dimension philosophique de leur odyssée. De quoi Cersei est-elle le nom ? Que nous enseigne l’histoire de Jaime ? Que nous ont-ils tous appris ? Je consacre la deuxième partie de mon livre ainsi à dessiner le portrait philosophique des héros de la mythologie Game of Thrones.

Pourquoi considérez vous que la série est la mythologie de notre temps ? 

Il peut y avoir quelque chose d’étonnant, voire de grotesque, pour ceux qui ne sont pas amateurs de cet univers, dans la folie qui s’est emparée du monde lors de la sortie de cette nouvelle saison. Radio, télé, internet, entre amis, au travail, partout : on ne parlait que de ça. Cette passion peut surprendre donc, mais ce serait ne pas comprendre que Martin, Benioff et Weiss (les showrunners de la série, ndlr) ont offert aux spectateurs modernes que nous sommes rien moins qu’une nouvelle mythologie.

Pour qui aime Game of Thrones, les Stark, les Lannister ou les Targaryen sont l’équivalent des Atrides ou des Labdacides. Les personnages et leur trajectoire délivrent une vision de l’homme, une sagesse sur l’existence. La saga tout entière pose et résout des questions philosophiques comme «l’homme est-il libre ou notre vie est-elle déjà écrite ?», «qu’est-ce qu’un bon souverain ?»,  «qu’est-ce que le devoir ?». Une telle richesse explique, je le crois, le succès universel et pérenne de cette saga.

Est-ce que, après l’avoir analysée, la fin de la série correspond à la pensée philosophique de Martin, l’auteur des livres ?

Dans un article publié sur son blog en mai dernier, G.R.R. Martin se demande si «la fin de son livre sera différente de la série». Il répond mystérieusement : «Oui, et non, et oui, et non», expliquant qu’il n’utilise pas le même medium que les showrunners de HBO.

Par ailleurs, de nombreuses autres interviews confirment que l’accession de Bran au trône est bien ce que Martin souhaitait. Les différences seront, je le crains, périphériques, relatives à des personnages dont certains n’apparaissent pas dans la série et non philosophiques. Donc, oui, ce final de HBO correspond bien à la fin douce-amère qu’annonçait Martin depuis le début.

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