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Paris : la détection du coronavirus dans les eaux usées passe à la vitesse supérieure

La fréquence des analyses réalisées par le laboratoire d'Eau de Paris va augmenter.[© Betül Balkan]

A Paris, une nouvelle méthode est utilisée pour évaluer et anticiper la propagation de l'épidémie de Covid-19 : la détection de traces de coronavirus dans les eaux usées. Et face à son efficacité, elle va monter en puissance.

Ces mesures, mises en place par le laboratoire d'Eau de Paris «dès le début de l'épidémie en Chine», vont en effet être amplifiées. A partir de lundi 25 mai, la fréquence des batteries de tests va doubler. Jusqu'ici hebdomadaires, elles seront désormais effectuées «tous les 2 à 3 jours», révèle ce mardi 19 mai à CNEWS Célia Blauel, adjointe à la mairie de Paris chargée de l'environnement et présidente d'Eau de Paris.

Le principe de ce dispositif est simple : «quand une personne contaminée va aux toilettes, elle excrète le virus dans ses selles, qui se retrouve alors dans les eaux usées», a expliqué Alban Robin, directeur de la recherche développement et de la qualité de l’eau à Eau de Paris.

Des prélèvements sont ainsi effectués dans 5 usines de traitement de l'eau de région parisienne. Après des analyses en laboratoire, les scientifiques peuvent alors évaluer l'ampleur de l'épidémie d'après la concentration de traces de coronavirus dans les eaux usées.

Des traces relevées dès le début de l'épidémie

Résultat : «avant même que 100 cas de Covid-19 ne soient diagnostiqués en Ile-de-France», des traces du virus ont été détectées «en quantité déjà significative» dans l'eau non potable de la capitale. «Signe que l’épidémie était déjà installée» en région parisienne dès le début du mois de mars, selon Eau de Paris.

Pour avoir un ordre d'idée, au début de l’épidémie, un litre d'eaux usées contenait une dizaine de milliers «d’unités-génome». Lors du pic, en avril, cette concentration a grimpé jusqu'à se compter «en millions d'unités-génomes», précise Célia Blauel. Le niveau a ensuite commencé à baisser «depuis trois semaines», et on ne détecte quasiment plus de trace de coronavirus aujourd'hui.

«L'ordre de grandeur de ces mesures est le même que pour d'autres épidémies, comme la gastro-entérite», tempère Estelle Desarnaud, directrice générale adjointe d'Eau de Paris.

Cette méthode offre toutefois deux avantages dans l'étude du Covid-19 : mesurer presque en temps réel l'avancée de l'épidémie sans avoir à attendre le délai d'incubation de plusieurs jours, et contourner le problème des nombreux cas asymptomatiques indétectables.

«Une surveillance systématique des eaux usées» permettrait de «signaler précocement une nouvelle augmentation des contaminations», affirme Eau de Paris. En clair, si la concentration remonte, c'est que le virus circule à nouveau.

Evoqué dans le cadre de la présentation du plan de déconfinement, «il s'agit d'un outil d'alerte efficace, d'une sentinelle pour avoir des alertes précoces avant certains indicateurs hospitaliers», résume Célia Blauel. De quoi imaginer qu'à terme ces relevés puissent contribuer à guider la stratégie de réarmement ou de démontage des lits de réanimation de l'AP-HP, par exemple.

Et pour gagner encore en précision, un nouveau dispositif avec des capteurs supplémentaires, destinés à «mieux quadriller le territoire», devrait être déployé «d'ici à deux semaines», annonce Célia Blauel. Selon la présidente d'Eau de Paris, l'idée est ainsi «d'obtenir des indicateurs par arrondissement, voire même par quartier».

Une montée en puissance des tests rendue possible par l'acquisition d'une nouvelle centrifugeuse, machine désormais installée dans le laboratoire de l'usine de traitement d'Ivry-sur-Seine (94). Cet achat d'une valeur de 40.000 euros était «demandé par les équipes et a été accéléré en raison de la crise du coronavirus», assure Célia Blauel.

Les équipes d'Eau de Paris, qui travaillent en lien avec celles du SIAAP (Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l’agglomération parisienne), de la Sorbonne Université et de l'IRBA (Institut de Recherche Biomédicale des Armées), sont parmi les premières au monde à plancher sur ce sujet.

A noter toutefois qu'on ignore si les traces de coronavirus relevées dans les eaux usées sont infectieuses ou pas. Comme pour l'ensemble des virus, les scientifiques débattent encore sur les doses nécessaires à la contamination.

Courant avril, des «traces infimes» de coronavirus avaient été détectées dans le réseau d'eau non potable à Paris, qui sert au nettoyage des rues et à l'arrosage de certains parcs. Par mesure de précaution, la municipalité avait alors décidé de ne plus s'en servir. Toute trace de virus a désormais disparu et une réflexion est en cours, en lien avec l'Agence régionale de Santé, pour utiliser à nouveau l'eau non potable.

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