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Tout savoir sur Asia Bibi, la Pakistanaise chrétienne condamnée pour blasphème puis acquittée

Près de neuf ans après sa condamnation à mort, Asia Bibi a finalement pu quitter le Pakistan ce mercredi 8 mai. Près de neuf ans après sa condamnation à mort, Asia Bibi a finalement pu quitter le Pakistan ce mercredi 8 mai. [ARIF ALI / AFP]

Son histoire a fait le tour du monde. Asia Bibi, une Pakistanaise chrétienne condamnée à mort pour blasphème puis acquittée, a quitté son pays ce mercredi 8 mai, direction le Canada. La fin d'un calvaire de près de neuf ans pour cette mère de famille, âgée aujourd'hui d'une cinquantaine d'années.

condamnée à mort pour avoir «insulté» le prophète mahomet

Un verre d'eau. Voilà avec quoi a commencé l'affaire Asia Bibi. C'était en 2009. Alors qu'elle travaille aux champs dans son village d'Ittan Wali dans la province du Pendjab, l'ouvrière agricole boit de l'eau d'un puits réservé aux musulmans. Deux villageoises musulmanes avec qui elle travaille refusent alors de boire dans le même verre que la Chrétienne. Une dispute s'en suit, les deux musulmanes accusant Asia Bibi d'avoir «sali» l'eau. Cette dernière leur répond en comparant Mahomet, le prophète de l'islam, à Jésus-Christ.

Quelques jours plus tard, ces femmes relatent la querelle à un imam local, qui accuse alors Asia Bibi d'avoir «insulté» Mahomet, ce que la Chrétienne a toujours nié. Le religieux fait part ensuite de l'affaire à la police, qui ouvre une enquête. La mère de cinq enfants est arrêtée, puis condamnée à la pendaison en 2010 pour blasphème.

Deux assassinats en lien avec cette affaire

Cette affaire a profondément marqué la société pakistanaise. Au point même de provoquer des assassinats. Deux personnes qui ont défendu Asia Bibi après sa condamnation à mort ont été tuées.

Il y a d'abord eu le gouverneur de la province du Pendjab, Salman Taseer, en janvier 2011, criblé d'une vingtaine de balles par l'un de ses gardes du corps à Islamabad, la capitale du Pakistan. Il avait plusieurs fois rendu visite en prison à Asia Bibi et s'était élevé contre la loi sur le blasphème. Moins de deux mois plus tard, en mars 2011, c'est au tour du ministre fédéral des minorités religieuses, le Chrétien Shahbaz Bhatti, d'être assassiné à Islamabad, lui qui s'opposait aussi à la loi sur le blasphème.

Un retentissement international

L'histoire d'Asia Bibi a provoqué une indignation internationale, que cela soit chez les Chrétiens, les ONG ou les politiques. Même les papes Benoît XVI et François se sont emparés de l'affaire. En 2010, le premier a exprimé sa «solidarité spirituelle» avec Asia Bibi, tout en demandant sa libération. De son côté, le pape François a reçu à deux reprises au Vatican l'une des filles de l'ex-ouvrière agricole.

En France, la maire de Paris (PS) Anne Hidalgo et le président des Républicains (LR) Laurent Wauquiez ont appelé en novembre dernier, dans des messages séparés, les autorités françaises à intervenir pour sauver Asia Bibi. L'élue socialiste s'est même dit prête à l'accueillir à Paris, alors que la Chrétienne a été faite citoyenne d'honneur de la ville en 2014. Quelques jours plus tard, le gouvernement, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré que «la France [était] prête à accueillir» Asia Bibi et sa famille.

Plus de huit ans dans les couloirs de la mort

Après sa condamnation à mort en 2010, Asia Bibi va passer plus de huit ans dans les couloirs de la mort. Elle dépose en effet un recours auprès de la Cour suprême en 2014. Deux ans plus tard, la plus haute instance judiciaire du pays reporte le procès en appel, après que l'un des trois magistrats appelés à se prononcer s'est désisté, dans un contexte très tendu.

Ce n'est qu'en octobre 2018 que se tient l'audience d'appel. Le verdict est rendu le 31 octobre : elle est acquittée de toutes les charges pesant contre elle. Mais cette décision va déchaîner les passions des formations islamistes radicales, le blasphème étant un sujet explosif dans cet Etat à majorité musulmane. L'une d'elles, Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), organise des manifestations monstres dans les grandes villes du pays pendant trois jours, pour protester contre le jugement rendu et réclamer l'exécution d'Asia Bibi.

Sous pression, le gouvernement conclut un accord avec les islamistes, permettant à ces derniers de déposer une requête en révision de l'acquittement de la Chrétienne. En janvier dernier, la Cour suprême rejette ce dernier recours, ouvrant la voie au départ d'Asia Bibi du Pakistan.

Après cela, elle reste encore malgré tout plus de trois mois au Pakistan, les autorités craignant pour sa sécurité ainsi qu'un accès de violence dans le pays à l'annonce de son départ. Ce n'est finalement que ce mercredi 8 mai qu'elle a été exfiltrée, trouvant refuge au Canada. Mi-novembre, le Premier ministre canadien Justin Trudeau avait en effet indiqué être «en discussions avec le gouvernement du Pakistan» au sujet d'Asia Bibi.

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