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Christophe Castaner, un an d'enfer

Un gilet jaune tient une mosaïque de photos représentant Christophe Castaner, réalisée à partir de portraits de manifestants blessés par la police, le 2 février à Montpellier.

Il est régulièrement vu sur la sellette, mais il est toujours là. En première ligne depuis sa prise de fonctions place Beauvau il y a près d'un an, Christophe Castaner n'a pas connu de moment de répit jusqu'ici. Dernière crise en date : l'attaque à la préfecture de Paris, qui a fait quatre morts et mis en évidence certaines failles sécuritaires. Chronologie de douze mois de descente aux enfers.

Selon les circonstances, le ministère de l'Intérieur peut autant être un tremplin vers l'Elysée ou Matignon que la cible privilégiée des critiques du pouvoir – et cela, Castaner va vite le comprendre. Dès son arrivée au gouvernement en octobre 2018, après la démission rocambolesque de Gérard Collomb et après avoir fait des pieds et des mains pour hériter du poste, l'homme de 53 ans est mis à l'index. Taxé de laxiste, de communautariste ou encore de cumulard, jugé trop proche et dépendant d'Emmanuel Macron, l'ancien délégué général de LREM est vu comme la dernière carte d'un président esseulé.

Son baptême du feu a lieu à peine deux mois plus tard, le samedi 24 novembre, une semaine après le lancement du mouvement des gilets jaunes. Lors de cet acte II, le rassemblement dégénère, CRS et manifestants s'affrontent sur les Champs-Elysées. Une première entaille dans le bilan de Castaner, étrillé pour ne pas avoir réussi à assurer l'ordre sur la plus belle avenue du monde, mais également pour avoir accusé «l'ultradroite» d'être impliquée dans les violences sous l'impulsion du Rassemblement national. Les oppositions crient à la manipulation.

Un maintien de l'ordre défaillant

Rebelote une semaine plus tard, le 1er décembre, avec une flambée de violences entre gilets jaunes et forces de l'ordre, et le saccage de l'Arc de Triomphe comme point d'orgue. A nouveau, le dispositif policier mis en place ce jour-là, et donc Castaner lui-même, sont dans le viseur. A tel point que le locataire de Beauvau doit même s'expliquer devant les parlementaires...

Fin janvier, une polémique – encore vive aujourd'hui – sur l'usage des lanceurs de balles de défense (LBD) naît après qu'une figure des gilets jaunes, Jérôme Rodrigues, est grièvement blessée à l'œil lors d'une manifestation. S'appuyant sur les nombreux cas de blessures depuis le début du mouvement, les Insoumis appellent Castaner à la démission. Après un mois de février moins tendu, tout s'embrase à nouveau le 16 mars, lors de l'acte XVIII. La brasserie huppée du Fouquet's sur les Champs est vandalisée, tout comme des centaines de commerces, pillés et incendiés. Accusé d'avoir manqué à sa mission de sécurité, Christophe Castaner se justifie par un défaut dans la chaîne de commandement, avant d'annoncer une refonte de la stratégie du maintien de l'ordre devant les sénateurs réunis en commission.

Cette période d'«insurrection» a été d'autant plus intense que plusieurs déclarations ou attitudes du ministre ont soufflé sur les braises de la contestation. Que ce soit lorsqu'il dit ne connaître «aucun policier qui ait attaqué» de gilet jaune, ou ne pas «accepter l'expression 'violences policières'» – et ce malgré les nombreux témoignages et vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, et les 265 procédures de l'IGPN ouvertes depuis novembre. Ou lorsqu'il assure que les manifestants sont «complices» des casseurs (ou les ONG pro-migrants «complices» des passeurs), ou encore qu'il se rend à une soirée festive dans un club après un samedi de mobilisation. Une série de faux pas qui a durablement terni sa réputation.

la «confiance» d'Edouard Philippe ?

Le 1er mai, une nouvelle controverse s'invite place Beauvau. A l'occasion des défilés de la fête du travail, Christophe Castaner annonce une «attaque» de l'hôpital parisien de la Salpêtrière par des manifestants. Des documents publiés le lendemain révèlent qu'il s'agissait en fait d'un mouvement de manifestants pacifistes cherchant à fuir des charges de police. Du pain bénit pour ses détracteurs, qui l'accusent de relayer des fake news. Après moults appels à sa démission, le ministre revient finalement sur ses propos le 3 mai.

Si la fronde sociale des gilets jaunes s'est avérée le plus grand défi de maintien de l'ordre en France depuis des décennies, le fidèle d'Emmanuel Macron a aussi été sollicité, ces huit derniers mois, par d'autres dossiers sensibles. Comme les attentats terroristes (à Strasbourg en décembre et à Lyon en mai), la vague d'actes antisémites en février, ou encore  l'incendie de Notre-Dame de Paris en avril.

Le ministre n'a pas non plus profité du traditionnel répit estival. Des personnels des urgences (en grève depuis maintenant près de sept mois pour exiger davantage de moyens matériels et humains) aux pompiers (mobilisés depuis fin juin), en passant par les mobilisations successives pour le climat, les manifestants ont particulièrement occupé la rue de juillet à septembre, sollicitant plus que d'habitude les forces de l'ordre.

A ce titre, l’évacuation musclée d’écologistes pacifistes à base de bombes lacrymogènes à bout portant, début juillet, sur le pont de Sully à Paris, avait d'ailleurs suscité la controverse. Si le ministre avait reconnu «des doutes» sur les «modalités» de cette intervention, il l'avait jugée «parfaitement légitime». De quoi alimenter le sentiment de colère de certains.

Sans compter la disparition controversée de Steve Caniço, un jeune Nantais de 24 ans qui était tombé dans la Loire après une charge de la police, lors de la fête de la musique le 21 juin, et dont le corps a finalement été repêché fin juillet. Ce drame, qui avait donné lieu à de nombreuses déclarations contradictoires de la part du gouvernement, a donné du gros grain à moudre aux détracteurs de Christophe Castaner.

Les policiers contre «le premier flic de France» ?

Nouveau dossier explosif de la rentrée, que doit déminer un Castaner déjà sous pression: la colère des policiers. Frappés depuis des mois par une vague de suicides (50 depuis janvier 2019, contre 35 en 2018), épuisés par leurs interventions hebdomadaires face aux gilets jaunes, ou encore accusés de violences sur le terrain, ils ont été quelque 27.000 à défiler, la semaine dernière, à Paris. L'objectif: alerter l'opinion publique sur le manque chronique de moyens alloués à l'institution, mais surtout pour mettre la pression sur un Etat accusé de rester sourd à la détresse des hommes en bleu. Si le premier d'entre eux, Castaner, a promis de défendre «jusqu'au bout» leur statut, et notamment leur régime spécial de retraite, il est loin de faire l'unanimité parmi les agents.

Sa démission ? Le locataire de la place Beauvau n'y songe toutefois pas. Et ce, même après l'attaque à la préfecture de police de Paris, jeudi dernier, par un agent administratif proche de l'islam radical, qui a tué quatre policiers. Droite et extrême droite ont étrillé le ministre pour avoir déclaré, avant les résultats de l'enquête, que l'assaillant «n'avait jamais présenté de difficultés comportementales» ni le «moindre signe d'alerte» – ce qui a depuis été démenti. Si Christophe Castaner admet qu'il y a eu «évidemment [...] des failles, du dysfonctionnement», il a de nouveau écarté toute démission, assurant avoir déjà reçu, comme après chacune des controverses le visant, le soutien de Matignon et de l'Elysée. Jusqu'à quand ?

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