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Cinéma : projections événements, nouvelles programmations, comment les exploitants sont forcés de s'adapter à la baisse de fréquentation

L'Arlequin, situé dans le 6e arrondissement de Paris, fait partie des cinq cinémas gérés par Dulac. [DR Dulac Cinémas]

Plus d'un an après la pandémie de Covid-19, les salles de cinéma n'ont pas refait le plein. Pour faire face à cette chute globale de la fréquentation, les exploitants s'adaptent pour «attirer à nouveau» les spectateurs en salles, en misant notamment sur l'événementiel.

«Comment attirer à nouveau les spectateurs au cinéma ?» C'est le questionnement auquel sont confrontés les exploitants depuis la réouverture des salles, faisant suite à la pandémie de Covid-19. Si la situation sanitaire s'est apaisée, les cinémas accusent toujours une baisse de fréquentation d'environ 30% par rapport aux années pré-épidémiques, selon le Centre national de la cinématographie (CNC).

Car si les plus grands adeptes n'ont pas quitté le navire, la multiplication des offres de streaming ainsi que le développement des équipements home cinema ont changé les comportements des spectateurs dits «occasionnels». «Les gens se sont rendus compte qu'ils pouvaient vivre sans cinéma», regrettait Amel Lacombe, directrice de la société Eurozoom, dans notre article consacré aux distributeurs indépendants. À l'échelle des salles, le constat est le même.

Pas encore de «retour à la normale»

«Nous sommes dans une situation où le marché est en berne. Il est également très flou, avec une offre de films parfois foisonnante ou pas toujours en phase avec ce que cherchent les spectateurs», analyse Pierre-Édouard Vasseur, directeur artistique chez Dulac Cinémas, entreprise qui compte cinq cinémas parisiens (L'Arlequin, L'Escurial, le Reflet Medicis et les Majestic Bastille et Passy).

Selon lui, si les cinémas ont bien souffert d'un événement «contextuel», les spectateurs «n'ont plus peur de revenir en salles». Le groupe a ainsi gardé sa ligne éditoriale, basé sur le cinéma indépendant français et international. «Nous résistons bien mieux que les grands groupes car nous avons un socle de spectateurs, les cinéphiles, qui représentent une base qui reviendra toujours. Notre public, ce sont avant tout les jeunes ou les personnes âgées qui viennent quatre à cinq fois par semaine».

Pierre-Edouard Vasseur admet toutefois que les films «font moins d'entrées», mais gardent la même qualité, voire, se sont améliorés. «Nous avons très régulièrement un film qui va attirer les gens, quand les blockbusters», prisés par les grands groupes comme Gaumont Pathé, UGC ou CGR, «sont des sorties très ponctuelles pour la majorité des spectateurs». À noter qu'avant la pandémie, en moyenne, un Français allait voir trois films par an (200 millions d'entrées pour 67 millions d'habitants). Mais cette statistique regorge d'énormes disparités, entre ceux qui n'y vont jamais et ceux disposant d'un abonnement illimité.

«Il y aura encore des passages chaotiques»

En régions, la dynamique n'est pas forcément similaire. «Réouverture oui, c'est désormais pleinement le cas, mais retour à la normal, non», constate Jean-Marc Carpels, directeur des cinémas Forum de Sarreguemines. Situé en Moselle, l'établissement compte neuf salles et accueillait 200.000 spectateurs avant la pandémie. «Fin août, on va franchir les 100.000 et j'espère tutoyer les 150.000 pour l'année». Des chiffres confirmant la tendance du CNC.

«Nous étions considérés comme des lieux relativement sûrs, et pourtant, nous avons été un peu stigmatisés avec les fermetures prolongées et les mesures comme le masque obligatoire, l'interdiction de vente de la confiserie, qui n'allait pas dans le bon sens». Aujourd'hui, l'exploitant parle de «conséquences de conséquences» pour justifier cette baisse de fréquentation. «L'offre de films en elle-même a été très large sur le premier trimestre, pas forcément des blockbusters, mais surtout des films pas toujours attendus et pas toujours irréprochables».

Jean-Marc Carpels souligne que c'est l'événement qui fait le plus souvent l'affluence. La sortie de «Top Gun : Maverick», qui a déjà généré près de 6,5 millions d'entrées, a ainsi été un soulagement pour bon nombre de salles françaises. «J'ai enregistré 11.000 tickets rien qu'avec lui, soit plus de 10% du chiffre total à ce jour. Chez beaucoup de mes collègues, il reprend parfois la tête du classement, même deux mois et demi après le début de son exploitation». Pour le directeur, l'heure doit désormais être à «la reconstruction avec les distributeurs de calendriers de sortie qui nous permettent de maintenir le public en salles chaque semaine».

Dernière inquiétude pour ces petites salles indépendantes de régions, la hausse du prix de l'énergie. Si elles ne sont pas forcément équipées des derniers outils technologiques en date (Imax, Lightvibes, 4DX), les salles restent «des infrastructures énergivores, avec du chauffage et de l'éclairage». Celui qui a été président du Syndicat des directeurs de cinéma de Rhin et de Moselle estime «qu'il faudra trouver des solutions», sans essayer de raisonner via l'augmentation des prix, «une mauvaise solution surtout avec la problématique du pouvoir d'achat».

«Il est temps de se réinventer»

Mais les salles n'ont pas l'intention de se laisser affaiblir par le délitement progressif de leur clientèle. Revenons du côté de chez Dulac Cinémas, qui a officiellement annoncé ce jeudi 1er septembre «Kaléidoscope, la première saison culturelle de [son] histoire». Pendant un an, les cinq établissements affiliés à Dulac organiseront plus d'une centaine d'événements liés au cinéma, à la photographie, à l'histoire de l'art et au jeu vidéo. Entre autres, des ciné-clubs, cartes blanches, masterclass, avec de nombreux invités prestigieux comme l'auteur et réalisateur François Bégaudeau, l'acteur et journaliste Kévin Elarbi ou encore la photographe Aurélie Lamachière, qui présentera une rétrospective de ses portraits cinématographiques.

«C'est le moment de se réinventer, de faire revenir les spectateurs en salles en pariant sur l'événementiel», indique Pierre-Édouard Vasseur. Une tendance qui a déjà fait son trou chez les distributeurs indépendants, avec l'organisation d'avant-premières et de rencontres avec les cinéastes ou comédiens, pour la promotion de leurs films. «Dès qu'il y a quelque chose de spécial, un intervenant, un invité, ça cartonne à chaque fois. On a l'impression que c'est plus l'événement de la salle qui fait se déplacer le public et pas la programmation».

Ainsi, dans une situation économique brinquebalante, le groupe Dulac essaye de repenser l'activité dans son ensemble. Même si les interrogations persistent : «Est-ce que la rentrée va faire que les habitudes vont revenir ? Peut-être. Est-ce que le streaming va continuer de grignoter la part de marché ? Sûrement aussi». Avant d'en conclure : «La salle de cinéma doit être un lieu d'innovation, d'immersion». Des déclarations qui vont dans le sens d'Alexis Hofmann, directeur des acquisitions chez Bac Films, qui exprimait à CNEWS le souhait de voir les cinémas se transformer «en lieu de vie et en lieu culturel riche pour attirer à nouveau les spectateurs».

 

La programmation de fin d'année aura de quoi attirer tous les cinéphiles. Dès ce mois de septembre sortira la dernière Palme d'Or, «Sans Filtre», ainsi que «Le Visiteur du Futur», adaptation de la websérie éponyme de François Descraques. «Novembre», «Le Petit Nicolas», «Black Adam» ou encore «Black Panther» complèteront le calendrier de fin d'année. Et ce, avant que n'arrive le mastodonte «Avatar : La Voie de l'Eau», attendu sur les écrans le 14 décembre.

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